[5,6] Ἀλλ´ οὐδὲ ἐν τοῖς κατὰ τὴν τύχην εὐκτέον, καὶ
πολὺ μᾶλλον ἐνταῦθα οὐκ εὐκτέον· οὐδὲ γὰρ ἀνοήτῳ
δυνάστῃ διαλεκτέον, ἔνθα οὐ βούλευμα οὐδὲ κρίσις
οὐδὲ ὁρμὴ σώφρων οἰκονομεῖ τὴν ἀρχήν, ἀλλὰ ὀργή,
καὶ φορά, καὶ ἄλογοι ἕξεις, καὶ ἔμπληκτοι ὁρμαί, καὶ
ἐπιθυμιῶν διαδοχαί. Τοιοῦτον ἡ τύχη, ἄλογον, ἔμπληκτον,
ἀπροόρατον, ἀνήκοον, ἀμάντευτον, Εὐρίπου
δίκην μεταρρέον, περιφερόμενον, καὶ οὐδεμιᾶς ἀνεχόμενον
κυβερνήτου τέχνης. Τί ἂν οὖν τις εὔξαιτο
ἀστάτῳ χρήματι, καὶ ἀνοήτῳ, καὶ ἀσταθμήτῳ, καὶ ἀμίκτῳ;
Λοιπὸν δὴ μετὰ τὴν τύχην ἡ τέχνη. Καὶ τίς
τέκτων εὔξεται περὶ κάλλους ἀρότρου, τὴν τέχνην
ἔχων; ἢ τίς ὑφάντης περὶ κάλλους χλανίδος, τὴν
τέχνην ἔχων; ἢ τίς χαλκεὺς περὶ κάλλους ἀσπίδος, τὴν
τέχνην ἔχων; ἢ τίς ἀριστεὺς περὶ εὐτολμίας, τὴν ἀνδρείαν
ἔχων; ἢ τίς ἀγαθὸς περὶ εὐδαιμονίας, τὴν ἀρετὴν ἔχων;
| [5,6] VI. Il n'y a pas non plus de vœux à former, en ce qui concerne les choses qui
dépendent de la fortune. Bien moins encore pour celles-ci que pour les autres. Quel
langage parler à un souverain insensé, dans l'empire duquel il n'existe ni conseil, ni
délibération, ni mesures modérées, où l'on ne voit que de la fougue, de l'emportement,
des passions désordonnées, des impulsions folles, des volontés qui se succèdent
sans cesse ? Telle est la fortune, dénuée de raison, de sens, de prévoyance,
n'écoutant rien, ne consultant jamais les augures, allant et venant comme l'Euripe,
étant dans une rotation perpétuelle, et incapable de souffrir la direction d'aucun guide.
Que demander donc à une puissance aussi instable, aussi insensée, aussi
versatile, aussi inabordable ? Il ne nous reste plus que l'industrie humaine. Mais où est
le charron qui lui adressera des vœux pour avoir une belle charrue, lorsqu'il a tout le
talent qu'il faut pour la faire ? Où est le tisserand qui lui adressera des vœux pour avoir
une belle étoffe, lorsqu'il a tout le talent nécessaire pour la fabriquer ? Où est le faiseur
de boucliers qui se mettra en frais de prières vis-à-vis d'elle, pour avoir un beau
bouclier, lorsqu'il est assez habile pour le forger lui-même ? Où est l'homme vaillant
qui lui demandera de la confiance, lorsqu'il a du courage ? Où est l'homme de bien qui
viendra lui demander le bonheur, lorsqu'il possède la vertu ?
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