[5,3] Τί ταῦτα, ὦ ποιητῶν ἄριστε; λίχνον καὶ δωροδόκον
τὸ θεῖον, καὶ μηδὲν διαφέρον τῶν πολλῶν ἀνθρώπων;
καί σου τὸ ἔπος τοῦτο ἀποδεξόμεθα,
- - -στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὐτοί;
ἢ τουναντίον, ἄστρεπτον τὸ θεῖον καὶ ἀτενὲς καὶ ἀπαραίτητον;
μετατίθεσθαι γὰρ καὶ μεταγινώσκειν προσήκει
μὴ ὅτι θεῷ, ἀλλ´ οὐδὲ ἀνδρὶ ἀγαθῷ· ὁ γὰρ στρεπτὸς
ἀνὴρ καὶ μετανοητικός, εἰ μὲν εἰς τὸ βέλτιον ἐκ τοῦ
φαυλοτέρου μετατίθεται, πονήρως ἐβουλεύσατο· εἰ δὲ
: εἰς τὸ χεῖρον ἐκ τοῦ βελτίστου, πονηρῶς μετέθετο· τὸ
δὲ θεῖον ἔξω πονηρίας. Καὶ γὰρ ἤτοι ὁ εὐχόμενος
ἄξιος τυχεῖν ὧν ηὔξατο, ἢ οὐκ ἄξιος· εἰ μὲν οὖν ἄξιος,
τεύξεται καὶ μὴ εὐξάμενος· εἰ δὲ οὐκ ἄξιος, οὐ τεύξεται
οὐδὲ εὐξάμενος. Οὔτε γὰρ ὁ ἄξιος μὲν, παραλείπων
δὲ τὴν εὐχήν, διὰ τοῦτο οὐκ ἄξιος, ὅτι οὐκ ηὔξατο·
οὔτε ὁ μὴ ἄξιος μὲν τυχεῖν, λαβεῖν δὲ εὐχόμενος, διὰ
τοῦτο ἄξιος, ὅτι εὔξατο· ἀλλὰ αὐτὸ τοὐναντίον, ὁ μὲν
ἄξιος λαβεῖν, μὴ ἐνοχλῶν, τυχεῖν ἀξιώτερος· ὁ δὲ οὐκ
ἄξιος, ἐνοχλῶν, καὶ διὰ τοῦτο οὐκ ἄξιος· καὶ τῷ μὲν
ἀναθήσομεν αἰδὼ καὶ θάρσος, διὰ μὲν τὸ θαρρεῖν
πιστεύοντι ὡς τευξομένῳ, διὰ δὲ τὴν αἰδὼ ἡσυχάζοντι,
κἂν μὴ τύχῃ· τῷ δὲ ἀμαθίαν καὶ μοχθηρίαν, διὰ μὲν
ἀμαθίαν εὐχομένῳ, διὰ δὲ μοχθηρίαν οὐκ ἀξιουμένῳ.
Τί δέ, εἰ στρατηγὸς ἦν ὁ θεός, κᾆτα ὁ μὲν σκευοφορεῖν
ἄξιος ᾔτει τὸν στρατηγὸν ὁπλίτου χώραν, ὁ δὲ
ὁπλιτεύειν ἐπιτήδειος τὴν ἡσυχίαν ἦγεν· ἆρα οὐ κατὰ
τὴν χρείαν τῆς τάξεως τὸν μὲν ἀχθοφορεῖν εἴα, τὸν
δὲ εἰς τοὺς ὁπλίτας ἔταττεν; Ἀλλὰ στρατηγὸς μὲν
κἂν ἀγνοήσαι, κἂν δωροδοκήσαι, κἂν ἐξαπατηθείη· τὸ
δὲ θεῖον οὐ τοιοῦτον· οὔτε οὖν εὐχομένοις δώσει
παρὰ τὴν ἀξίαν, οὔτε οὐκ εὐχομένοις οὐ δώσει κατὰ
τὴν ἀξίαν.
| [5,3] III. Incomparable poète, que voulez-vous dire ? Quoi ! les dieux sont cupides, ils
sont susceptibles de se laisser gagner par des présents; et à cet égard, ils ne diffèrent
point du commun des hommes ! Devons-nous vous en croire, lorsque vous nous dites
que « les dieux eux-mêmes ne sont point inflexibles » : ou bien croirons-nous, au
contraire, qu'ils ne se laissent ni toucher, ni attendrir, ni émouvoir ? Changer de
volonté, passer d'une affection à une autre, ne convient pas plus aux dieux qu'à
l'homme de bien. Car l'homme versatile dans ses volontés ne peut passer du mal au
bien, que parce que sa première intention était mauvaise; et, si c'est du bien au mal
qu'il passe, le vice est dans son changement de volonté. Or, rien de mauvais, rien de
vicieux n'entre dans la notion de la divinité. Ou bien, celui qui lui demande quelque
chose mérite de l'obtenir, ou bien il ne le mérite pas. S'il le mérite, il l'obtiendra,
quoiqu'il ne l'ait pas demandé. S'il ne le mérite pas, il ne l'obtiendra pas, quoiqu'il le
demande. Car celui qui mérite d'obtenir, et qui néglige de s'adresser aux dieux, n'en
devient point indigne, parce qu'il ne s'adresse point à eux. De même que celui qui ne
mérite point d'obtenir, et qui invoque les dieux, ne devient point digne de leurs bienfaits
parce qu'il les invoque. C'est tout le contraire. Celui qui mérite la bienfaisance des
dieux, s'en rend encore plus digne en s'abstenant de les fatiguer. Celui qui ne la mérite
pas, s'en rend d'autant plus indigne qu'il les fatigue davantage. Ajoutons que le
premier a de la vénération pour les dieux, et qu'il place en eux sa confiance. Ce
dernier sentiment fait qu'il se repose en leur bonté, comme s'il en avait déjà éprouvé
les effets; et le premier ferme sa bouche au murmure, lors même que les Dieux ne font
rien pour lui. Celui, au contraire, qui est indigne de leurs bienfaits, réunit la
méchanceté au défaut de lumières. Ce défaut l'empêche de voir qu'il n'est pas
nécessaire de prier les Dieux, sa méchanceté empêche que ses vœux ne soient
exaucés. Quoi donc ! si dieu était un général d'armée, et qu'un des goujats demandât
à ce général de l'envoyer dans les rangs au milieu du champ de bataille, tandis qu'un
des combattants se tiendrait à l'écart et en repos, le général, fidèle aux lois de la
discipline militaire, ne ferait-il point retourner le goujat à ses fonctions serviles, et ne
laisserait-il pas le combattant à son poste ? Or, un général d'armée peut ne pas tout
savoir. Il peut se laisser gagner par des largesses. Il peut être trompé. Auprès de la
divinité rien de semblable ne peut avoir lieu. Autant elle s'abstiendra de verser ses
bienfaits sur ceux qui le lui demandent, lorsqu'ils ne le mériteront pas, autant elle les
répandra sur ceux qui ne le lui demandent pas, lorsqu'ils le mériteront.
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