[3,2] Ὁποῖόν τι καὶ τὸ παρὸν ἡμῖν νυνὶ σκέμμα. Σωκράτη
τοῦτον Μέλητος μὲν ἐγράψατο, Ἄνυτός τε εἰσήγαγεν,
Λύκων δὲ ἐδίωκεν, κατεδίκασαν δὲ Ἀθηναῖοι, ἔδησαν
δὲ οἱ ἕνδεκα, ἀπέκτεινεν δὲ ὁ ὑπηρέτης. Καὶ Μελήτου
γραφομένου ὑπερεώρα, καὶ Ἀνύτου εἰσάγοντος κατεφρόνει,
καὶ Λύκωνος λέγοντος κατεγέλα, καὶ ψηφιζομένων
Ἀθηναίων ἀντεψηφίζετο, καὶ τιμωμένων ἀντετιμᾶτο,
καὶ δεόντων αὐτὸν τῶν ἕνδεκα τὸ μὲν σῶμα
παρεῖχεν, ἀσθενέστερον γὰρ ἦν πολλῶν σωμάτων, τὴν
δὲ ψυχὴν οὐ παρεῖχεν, κρείττων γὰρ ἦν Ἀθηναίων
ἁπάντων, οὐδὲ τῷ ὑπηρέτῃ ἐχαλέπαινεν, οὐδὲ πρὸς
τὸ φάρμακον ἐδυσχέραινεν· ἀλλ´ Ἀθηναῖοι μὲν αὐτὸν
οὐχ ἑκόντες κατεδίκασαν, ὁ δὲ ἀπέθνησκεν ἑκών·
ἐλέγχει δὲ τοῦ μὲν τὸ ἑκούσιον, ὅτι ἐξὸν αὐτῷ καὶ
χρημάτων τιμήσασθαι, καὶ φεύγειν ἐκκλαπέντι, προείλετο
ἀποθανεῖν· τῶν δὲ τὸ ἀκούσιον, μετέγνωσαν γὰρ
εὐθύς· οὗ τί ἂν εἴη πάθος δικασταῖς καταγελαστότατον.
| [3,2] II. Socrate fut accusé par Mélitus, traduit en jugement par Anytus, poursuivi par
Lycon, condamné par les Athéniens, chargé de fers par les onze, et réduit à
avaler la ciguë : et Socrate dédaigna Mélitus qui l'accusait, et Socrate couvrit de
mépris Anytus qui le traduisait en justice, et Socrate se moqua de Lycon qui parlait
contre lui ; et tandis que les Athéniens le jugeaient, il les jugeait lui-même ; et tandis
qu'ils prononçaient une condamnation contre lui, il en prononçait une contre eux.
Lorsque les onze se présentèrent pour le charger de chaînes, il leur abandonna son
corps, un des plus faibles, sous le rapport des forces physiques. Mais il ne leur
abandonna point son âme ; sous le rapport des forces morales, il l'emportait sur tous
les Athéniens. L'aspect du bourreau ne l'effraya point. La vue du poison ne fit aucune
impression sur lui. Les Athéniens le condamnèrent à contrecœur, et lui, il reçut la mort
sans répugnance. La preuve qu'il ne répugna point à la mort, c'est qu'étant le maître
d'en être quitte pour une amende, ou de se sauver par une évasion clandestine, il
aima mieux mourir. La preuve que les Athéniens le condamnèrent à contrecœur, c'est
qu'ils ne tardèrent pas à se repentir de l'avoir condamné. Or, peut-il rien arriver à des
juges de plus propre à les couvrir de ridicule ?
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