[3,1] Δεινόν γε τὰς μὲν ἄλλας τέχνας ἀπηλλάχθαι ἑκάστην
τοῦ τῶν πολλῶν δικαστηρίου, καὶ μήτε τὸν κυβερνήτην
ἐπιλαβόμενον τῆς νεώς, καὶ χρώμενον τῇ
τέχνῃ κατὰ τοὺς ναυτικοὺς λόγους, εὐθύνεσθαι πρὸς
τῶν ἀτέχνων, μήτε τὸν ἰατρὸν ἀνέχεσθαι τοὺς κάμνοντας
τὰ προστάγματα αὐτοῦ καὶ τὰ ἰάματα καὶ τὰ
διαιτήματα ἐπισκοποῦντας καὶ βασανίζοντας, ἀλλ´ οὐδὲ
κεραμέας, οὐδὲ σκυτοτόμους, οὐδὲ τοὺς τὰ ἔτι τούτων
ἀτιμότερα μεταχειριζομένους, ἄλλόν τινα ἔχειν δικαστὴν
τῶν ἔργων, πλὴν τῆς τέχνης. Σωκράτη δὲ τὸν
μηδὲ τῷ Ἀπόλλωνι παρασχόντα ἀμαθίας αἰτίαν, τῷ τὰς
ψάμμους εἰδότι καὶ καταμαντευσαμένῳ τῆς θαλάττης,
οὔπω καὶ νῦν πεπαῦσθαι συκοφαντούμενον καὶ εὐθυνόμενον,
ἀλλὰ πικροτέρους αὐτῷ εἶναι τοὺς ἐπιγιγνομένους
αἰεὶ καὶ τοὺς συκοφάντας Ἀνύτου καὶ Μελήτου,
καὶ τοὺς δικαστὰς Ἀθηναίων τῶν τότε· καὶ εἰ μὲν
γραφεὺς ἦν ἢ δημιουργὸς ἀγαλμάτων, οἷον Ζεῦξις ἢ
Πολύκλειτος ἢ Φειδίας, παρέπεμπεν ἂν τὰ ἔργα αὐτῶν
μετ´ εὐφημίας ἡ τῆς τέχνης δόξα· ὁρῶντες γοῦν ἐκεῖνα
οἱ ἄνθρωποι, μὴ ὅτι αἰτιᾶσθαι, ἀλλ´ οὐδὲ ἐξετάζειν
τολμῶσιν, ἀλλ´ εἰσὶν αὐτεπάγγελτοι ἐπαινέται θεαμάτων
ἐνδόξων· εἰ δέ τις μὴ κατὰ γραφέας, μηδὲ κατ´
ἀγαλμάτων δημιουργοὺς ἀγαθὸς ἦν τὴν χειρῶν τέχνην,
ἀλλὰ τὸν αὑτοῦ βίον συμμέτρως, καὶ πρὸς τὸ ἀκριβέστατον,
λόγῳ καὶ πόνῳ καὶ ἐθισμῷ καὶ εὐτελείᾳ καὶ
καρτερίᾳ καὶ σωφροσύνῃ καὶ ταῖς ἄλλαις ἀρεταῖς ἡρμόσατο·
τοῦτον μὴ τυγχάνειν βεβαίας δόξης, μηδὲ
ἐπαίνων ὡμολογημένων, μηδὲ ὁμοφώνων δικαστῶν,
ἀλλὰ ἄλλον ἄλλό τι διατελεῖν ὑπὲρ αὐτοῦ λέγοντας;
| [3,1] C'EST une chose inconcevable, que dans chaque profession on puisse décliner la
juridiction commune : que le marin, qui a pris le commandement d'un vaisseau et qui
l'a dirigé à sa guise d'après ses connaissances nautiques, puisse ne pas rendre
compte de sa conduite à des hommes qui n'entendent rien à la navigation; qu'il ne soit
point permis aux malades de se constituer juges des ordonnances de leur médecin,
des remèdes qu'il commande, du régime qu'il prescrit; que, ni ceux qui fabriquent des
vases, ni ceux qui fabriquent des armes, ni aucun des autres artisans qui font des
métiers bien moins relevés, ne soumettent le jugement de leurs ouvrages qu'à la
juridiction respective de leurs pairs; et que Socrate, qui ne fut point regardé comme
dénué de lumières et de connaissances, au tribunal même d'Apollon, de ce Dieu « qui
savait le nombre des grains de sable, » et qui devinait juste, au-delà même des mers,
soit poursuivi encore aujourd'hui sans relâche de la part des Sycophantes qui le
traduisent devant eux ; et que parmi de pareils accusateurs et de pareils juges, qui se
succèdent sans interruption, il trouve plus d'animosité, plus d'acharnement, que ne lui
en montrèrent jadis Anytus, Mélitus, et les Athéniens ses contemporains. S'il eût été
ou peintre comme Zeuxis, ou sculpteur comme Polyclète et Phidias, à la faveur de la
réputation dont il aurait joui dans son art, ses ouvrages auraient été admirés comme
ceux de ces artistes célèbres. Car, en contemplant ces derniers, non seulement on
n'ose pas leur reprocher des défauts ; on n'ose pas même y appliquer l'œil de la
critique. Chacun au contraire les comble à l'envi d'éloges. Mais qu'un homme qui fut
étranger aux arts de la main, qui ne fut ni statuaire ni peintre, dont le talent consista à
mettre de la symétrie, de l'harmonie dans ses mœurs, et à les soumettre à la plus
parfaite régularité, à l'aide de la raison, du travail, de l'habitude, de la frugalité, de
l'honnêteté, de la tempérance et de toutes les autres vertus ; que cet homme n'ait
point obtenu une gloire solide, des éloges unanimes, des juges qui n'aient eu qu'une
voix, mais que chacun ait eu de cet homme une opinion différente, c'est ce dont nous
allons en ce moment faire l'objet de notre examen.
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