[2,11]
Ὡς ἤδη δυνατοῦ ὄντος ἐξιέναι τοῦ βίου, οὕτως ἕκαστα ποιεῖν καὶ
λέγειν καὶ διανοεῖσθαι. Τὸ δὲ ἐξ ἀνθρώπων ἀπελθεῖν, εἰ μὲν θεοὶ εἰσίν,
οὐδὲν δεινόν· κακῷ γάρ σε οὐκ ἂν περιβάλοιεν· εἰ δὲ ἤτοι οὐκ εἰσὶν ἢ οὐ
μέλει αὐτοῖς τῶν ἀνθρωπείων, τί μοι ζῆν ἐν κόσμῳ κενῷ θεῶν ἢ προνοίας
κενῷ; Ἀλλὰ καὶ εἰσὶ καὶ μέλει αὐτοῖς τῶν ἀνθρωπείων καὶ τοῖς μὲν κατ
ἀλήθειαν κακοῖς ἵνα μὴ περιπίπτῃ ὁ ἄνθρωπος, ἐπ αὐτῷ τὸ πᾶν ἔθεντο·
τῶν δὲ λοιπῶν εἴ τι κακὸν ἦν, καὶ τοῦτο ἂν προείδοντο, ἵνα ἐπὶ παντὶ ᾖ τὸ
μὴ περιπίπτειν αὐτῷ. (Ὃ δὲ χείρω μὴ ποιεῖ ἄνθρωπον, πῶς ἂν τοῦτο βίον
ἀνθρώπου χείρω ποιήσειεν;) Οὔτε δὲ κατ ἄγνοιαν οὔτε εἰδυῖα μέν, μὴ
δυναμένη δὲ προφυλάξασθαι ἢ διορθώσασθαι ταῦτα ἡ τῶν ὅλων φύσις
παρεῖδεν ἄν, οὔτ ἂν τηλικοῦτον ἥμαρτεν ἤτοι παῤ ἀδυναμίαν ἢ παῤ
ἀτεχνίαν, ἵνα τὰ ἀγαθὰ καὶ τὰ κακὰ ἐπίσης τοῖς τε ἀγαθοῖς ἀνθρώποις καὶ
τοῖς κακοῖς πεφυρμένως συμβαίνῃ. Θάνατος δέ γε καὶ ζωή, δόξα καὶ
ἀδοξία, πόνος καὶ ἡδονή, πλοῦτος καὶ πενία, πάντα ταῦτα ἐπίσης
συμβαίνει ἀνθρώπων τοῖς τε ἀγαθοῖς καὶ τοῖς κακοῖς, οὔτε καλὰ ὄντα οὔτε
αἰσχρά. Οὔτ ἄῤ ἀγαθὰ οὔτε κακά ἐστι.
| [2,11]
C’est en songeant toujours qu’à l’instant même tu peux fort bien sortir de
la vie, qu’il faut régler chacune de tes actions et de tes pensées. Quitter la
société des hommes n’a rien de bien effrayant, s’il y a des Dieux ; car
certainement ils ne te jetteront pas dans le mal ; et s’il n’y a pas de Dieux,
ou s’ils ne s’occupent point des choses humaines, quel intérêt ai-je à vivre
dans un monde qui est vide de Dieu, c’est-à-dire vide de Providence ? Mais
certes il y a des Dieux, qui prennent à cœur les choses d’ici-bas. Grâce à
eux, il ne dépend absolument que de l’homme de ne pas tomber dans les
véritables maux. Et, si en dehors de ces maux véritables, il se rencontre
encore quelque mal, la Providence divine a également voulu que nous
puissions toujours nous en garantir d’une façon absolue. Or comment
ce qui ne rend pas l’homme plus mauvais, pourrait-il rendre la vie de
l’homme plus mauvaise ? Ce n’est pas parce que la raison universelle
ignorait ce désordre apparent, ou parce que tout en le connaissant elle
serait impuissante à le prévenir ou à le corriger, qu’elle l’a laissé subsister.
Non, il n’est pas à supposer que ce soit par impuissance ou par inhabileté
qu’elle ait commis cette grave erreur de répartir indistinctement aux bons
et aux méchants, parmi les hommes, les biens et les maux. Le vrai, c’est
que, si la vie et la mort, la gloire et l’obscurité, la peine et le plaisir, la
richesse et la pauvreté sont distribuées indifféremment aux bons et aux
méchants parmi nous, c’est que toutes ces choses-là ne sont ni belles ni
laides ; et par conséquent, elles ne sont non plus ni un bien ni un mal.
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