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[5] (ΖΕΥΣ)
Οὐκ οἶδ´ ὅ τι σοι ταυτὶ βούλεται τὰ ἐρωτήματα.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Ἐκεῖνο, ὦ Ζεῦ· καὶ πρὸς τῶν Μοιρῶν καὶ τῆς
Εἱμαρμένης μὴ τραχέως μηδὲ πρὸς ὀργὴν ἀκούσῃς
μου τἀληθῆ μετὰ παρρησίας λέγοντος. εἰ γὰρ
οὕτως ἔχει ταῦτα καὶ πάντων αἱ Μοῖραι κρατοῦσι
καὶ οὐδὲν ἂν ὑπ´ οὐδενὸς ἔτι ἀλλαγείη τῶν ἅπαξ
δοξάντων αὐταῖς, τίνος ἕνεκα ὑμῖν οἱ ἄνθρωποι
θύομεν καὶ ἑκατόμβας προσάγομεν εὐχόμενοι
γενέσθαι ἡμῖν παρ´ ὑμῶν τἀγαθά; οὐχ ὁρῶ γὰρ
ὅ τι ἂν ἀπολαύσαιμεν τῆς ἐπιμελείας ταύτης,
εἰ μήτε τῶν φαύλων ἀποτροπὰς εὑρέσθαι δυνατὸν
ἡμῖν ἐκ τῶν εὐχῶν μήτε ἀγαθοῦ τινος θεοσδότου
ἐπιτυχεῖν.
| [5] JUPITER. Je ne sais pas où tu veux en venir avec tes questions.
CYNlSCUS. Le voici, Jupiter ; et je te supplie, au nom des Parques et de
la Destinée, de m'entendre, sans humeur et sans colère, te dire
franchement la vérité. Si les choses sont comme nous l'avons dit, si les
Parques sont tellement nos souveraines, que l'on ne puisse rien changer
à ce qu'elles ont une fois résolu, pourquoi donc, nous autres hommes,
vous offrons-nous des sacrifices, pourquoi vous immolons-nous des
hécatombes, vous demandant en échange toutes sortes de biens ? Je ne
vois pas quel profit nous pouvons retirer de ce culte, si nos prières ne
peuvent obtenir l'éloignement des maux, ni aucune des faveurs que les
dieux dispensent.
| [6] (ΖΕΥΣ)
Οἶδα ὅθεν σοι τὰ κομψὰ ταῦτα ἐρωτήματά
ἐστιν, παρὰ τῶν καταράτων σοφιστῶν, οἳ μηδὲ
προνοεῖν ἡμᾶς τῶν ἀνθρώπων φασίν· ἐκεῖνοι γοῦν
τὰ τοιαῦτα ἐρωτῶσιν ὑπ´ ἀσεβείας, ἀποτρέποντες
καὶ τοὺς ἄλλους θύειν καὶ εὔχεσθαι ὡς εἰκαῖον
ὄν· ἡμᾶς γὰρ οὔτ´ ἐπιμελεῖσθαι τῶν πραττομένων
παρ´ ὑμῖν οὔθ´ ὅλως τι δύνασθαι πρὸς τὰ ἐν τῇ
γῇ πράγματα. πλὴν οὐ χαιρήσουσί γε τὰ τοιαῦτα
διεξιόντες.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Οὐ μὰ τὸν τῆς Κλωθοῦς ἄτρακτον, ὦ Ζεῦ, οὐχ
ὑπ´ ἐκείνων ἀναπεισθεὶς ταῦτά σε ἠρώτησα, ὁ δὲ
λόγος αὐτὸς οὐκ οἶδ´ ὅπως ἡμῖν προϊὼν εἰς τοῦτο
ἀπέβη, περιττὰς εἶναι τὰς θυσίας. αὖθις δ´, εἰ
δοκεῖ, διὰ βραχέων ἐρήσομαί σε, σὺ δὲ μὴ ὀκνήσῃς
ἀποκρίνασθαι, καὶ ὅπως ἀσφαλέστερον ἀποκρινῇ.
(ΖΕΥΣ)
Ἐρώτα, εἴ σοι σχολὴ τὰ τοιαῦτα ληρεῖν.
| [6] JUPITER. Je sais où tu vas chercher toutes ces questions : c'est à
l'école de ces maudits philosophes, qui nient notre providence sur les
hommes. C'est leur impiété qui leur inspire de pareilles demandes, et ils
cherchent à détourner les autres de nous adresser des sacrifices et des
prières, tout cela étant fort inutile, vu que nous ne prenons nul soin de ce
qui se passe chez vous, et que nous n'avons aucune influence sur les
affaires terrestres. Mais ils ne se réjouiront pas toujours de leurs
démonstrations.
CYNlSCUS. Non, Jupiter, j'en jure par le fuseau de Clotho, ce ne sont pas
eux qui m'ont inspiré ces questions ; c'est notre propos même, sans que
nous nous en doutions, qui nous amène au point de dire que les sacrifices
sont inutiles. Or, si tu veux le permettre, je t'adresserai encore quelques
petites demandes ; réponds-y sans hésiter, et avec le plus de fermeté possible.
JUPITER. Interroge, puisque tu as du temps à perdre à ces niaiseries.
| [7] (ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Πάντα φὴς ἐκ τῶν Μοιρῶν γίγνεσθαι;
(ΖΕΥΣ) Φημὶ γάρ.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Ὑμῖν δὲ δυνατὸν ἀλλάττειν ταῦτα καὶ ἀνακλώθειν;
(ΖΕΥΣ) Οὐδαμῶς.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Βούλει οὖν ἐπαγάγω καὶ τὸ μετὰ τοῦτο, ἢ
δῆλον, κἂν μὴ εἴπω αὐτό;
(ΖΕΥΣ)
Δῆλον μέν. οἱ δέ γε θύοντες οὐ τῆς χρείας
ἕνεκα θύουσιν, ἀντίδοσιν δή τινα ποιούμενοι καὶ
ὥσπερ ὠνούμενοι τὰ ἀγαθὰ παρ´ ἡμῶν, ἀλλὰ τιμῶντες
ἄλλως τὸ βέλτιον.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Ἱκανὸν καὶ τοῦτο, εἰ καὶ σὺ φὴς ἐπὶ μηδενὶ
χρησίμῳ γίγνεσθαι τὰς θυσίας, εὐγνωμοσύνῃ δέ
τινι τῶν ἀνθρώπων τιμώντων τὸ βέλτιον. καίτοι
εἴ τις τῶν σοφιστῶν ἐκείνων παρῆν, ἤρετο ἄν σε
καθ´ ὅ τι βελτίους φὴς τοὺς θεούς, καὶ ταῦτα
ὁμοδούλους τῶν ἀνθρώπων ὄντας καὶ ὑπὸ ταῖς
αὐταῖς δεσποίναις ταῖς Μοίραις ταττομένους.
οὐ γὰρ ἀποχρήσει αὐτοῖς τὸ ἀθανάτους εἶναι, ὡς
δι´ αὐτὸ ἀμείνους δοκεῖν· ἐπεὶ τοῦτό γε μακρῷ
χεῖρόν ἐστιν, εἴγε τοὺς μὲν κἂν ὁ θάνατος εἰς
ἐλευθερίαν ἀφείλετο, ὑμῖν δὲ εἰς ἄπειρον ἐκπίπτει
τὸ πρᾶγμα καὶ ἀΐδιος ἡ δουλεία γίνεται ὑπὸ
μακρῷ τῷ λίνῳ στρεφομένη.
| [7] CYNlSCUS. Tu dis que tout arrive par ordre des Parques.
JUPITER. Oui.
CYNlSCUS. Qu'il ne vous est pas possible de rien changer à leurs décrets
et de dérouler leur fuseau.
JUPITER. Nous n'y pouvons rien.
CYNlSCUS. Veux-tu que je te tire de là une conséquence, ou te paraît-elle
assez évidente pour que je n'aie pas besoin de la dire ?
JUPITER. Elle est évidente. Ceux qui sacrifient ne le font pas par besoin,
payant ce qu'ils ont reçu de nous et nous achetant en quelque sorte les
biens, mais seulement pour honorer la supériorité de notre nature.
CYNlSCUS. Cela suffit ; tu avoues toi-même que les sacrifices n'ont aucun
but utile, et que c'est par bonté d'âme que les hommes honorent la
supériorité de votre nature. Cependant, si quelqu'un de nos sophistes
était ici, et qu'il te demandât sur quoi tu prétends que les dieux sont
d'une nature supérieure, étant d'ailleurs soumis au même esclavage que
les hommes et aux mêmes maîtresses, qui sont les Parques, il ne suffirait
pas d'alléguer que les dieux sont immortels pour prouver l'excellence de
leur être ; car c'est en cela même que consiste leur infériorité, attendu
que la mort, au défaut de tout autre moyen, nous rend libres, tandis que
votre malheur dure à l'infini, et que votre esclavage éternel est dévidé
par un fil qui ne s'arrête jamais.
| [8] (ΖΕΥΣ)
Ἀλλ´, ὦ Κυνίσκε, τὸ ἀΐδιον τοῦτο καὶ ἄπειρον
εὔδαιμον ἡμῖν ἐστι καὶ ἐν ἅπασιν ἀγαθοῖς ἡμεῖς
βιοῦμεν.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Οὐχ ἅπαντες, ὦ Ζεῦ, ἀλλὰ διώρισται καὶ παρ´
ὑμῖν τὸ πρᾶγμα καὶ πολλὴ ταραχὴ ἔνεστι· σὺ
μὲν γὰρ εὐδαίμων, βασιλεὺς γάρ, καὶ δύνασαι
ἀνασπᾶν τὴν γῆν καὶ τὴν θάλασσαν ὥσπερ ἱμονιὰν
καθείς· ὁ δὲ Ἥφαιστος χωλός ἐστι, βαναυσός
τις καὶ πυρίτης τὴν τέχνην· ὁ Προμηθεὺς δὲ καὶ
ἀνεσκολοπίσθη ποτέ. τὸν γὰρ πατέρα σου τί
ἂν λέγοιμι, πεδήτην ἔτι ἐν τῷ Ταρτάρῳ ὄντα; καὶ
ἐρᾶν δὲ ὑμᾶς φασι καὶ τιτρώσκεσθαι καὶ δουλεύειν
ἐνίοτε παρὰ τοῖς ἀνθρώποις, ὥσπερ ἀμέλει
καὶ τὸν σὸν ἀδελφὸν παρὰ Λαομέδοντι καὶ παρ´
Ἀδμήτῳ τὸν Ἀπόλλω. ταῦτα δέ μοι οὐ πάνυ
εὐδαίμονα δοκεῖ, ἀλλ´ ἐοίκασιν ὑμῶν οἱ μέν τινες
εὐτυχεῖς τε καὶ εὔμοιροι εἶναι, οἱ δὲ ἔμπαλιν· ἐῶ
γὰρ λέγειν, ὅτι καὶ λῃστεύεσθε ὥσπερ ἡμεῖς καὶ
περισυλᾶσθε ὑπὸ τῶν ἱεροσύλων καὶ ἐκ πλουσιωτάτων
πενέστατοι ἐν ἀκαρεῖ γίγνεσθε· πολλοὶ
δὲ καὶ κατεχωνεύθησαν ἤδη χρυσοῖ ἢ ἀργυροῖ
ὄντες, οἷς τοῦτο εἵμαρτο δηλαδή.
| [8] JUPITER. Cependant, Cyniscus, cette éternité, cet infini, c'est là notre
bonheur, et nous y vivons sans cesse au sein des plaisirs.
CYNlSCUS. Pas tous, Jupiter ; mais chez vous les affaires des uns ne sont
pas celles des autres, et il y a là une grande confusion. Toi, tu es
heureux, tu es le roi, tu peux enlever la terre et la mer, comme au bout
d'une corde à puits ; mais Vulcain est boiteux, artisan et forgeron de son
métier. Prométhée a jadis été mis en croix. Que dirai-je de ton père, qui
est encore enchaîné dans le Tartare ? On dit que vous pouvez être
amoureux, sujets à recevoir des blessures, réduits parfois à l'esclavage
chez les hommes, comme ton frère chez Laomédon, comme Apollon chez
Admète. Tout cela ne me paraît pas du bonheur. Quelques-uns d'entre
vous me paraissent heureux et bien partagés, mais pour les autres c'est
tout le contraire. Je ne parle pas des voleurs qui vous attaquent aussi
bien que nous, des sacrilèges qui vous dépouillent, et qui, de riches, vous
réduisent, en un clin d'œil, à la dernière pauvreté. Ajoutons que plusieurs
d'entre vous sont passés à l’état de lingot, pour avoir été d'or ou
d'argent, parce que c’était un décret de la Destinée.
| [9] (ΖΕΥΣ)
Ὁρᾷς; ταῦτ´ ἤδη ὑβριστικά, ὦ Κυνίσκε, φής·
καί σοι τάχα μεταμελήσει ποτὲ αὐτῶν.
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Φείδου, ὦ Ζεῦ, τῶν ἀπειλῶν, εἰδὼς οὐδέν με
πεισόμενον ὅ τι μὴ καὶ τῇ Μοίρᾳ πρὸ σοῦ ἔδοξεν·
ἐπεὶ οὐδ´ αὐτοὺς ἐκείνους ὁρῶ τοὺς ἱεροσύλους
κολαζομένους, ἀλλ´ οἵ γε πλεῖστοι διαφεύγουσιν
ὑμᾶς· οὐ γὰρ εἵμαρτο, οἶμαι, ἁλῶναι αὐτούς.
(ΖΕΥΣ)
Οὐκ ἔλεγον ὡς ἄρ´ ἐκείνων τις εἶ τῶν ἀναιρούντων
τὴν πρόνοιαν τῷ λόγῳ;
(ΚΥΝΙΣΚΟΣ)
Πάνυ, ὦ Ζεῦ, δέδιας αὐτούς, οὐκ οἶδα ὅτου
ἕνεκα· πάντα γοῦν ὁπόσα ἂν εἴπω, ὑποπτεύεις
| [9] JUPITER. Prends garde, Cyniscus, tes discours deviennent insolents, et
tu pourrais bien t'en repentir.
CYNlSCUS. Trêve de menaces, Jupiter ; tu sais qu'il ne peut m'arriver que
ce que les Parques auront décidé avant toi : et puis je vois que les
sacrilèges mêmes, loin d'être punis, vous échappent presque tous. La
Destinée, je pense, ne veut pas qu'ils soient pris.
JUPITER. Ne disais-je pas que tu es un de ces impies, qui, par leurs
raisonnements, cherchent à détruire la Providence ?
CYNlSCUS. Tu en as terriblement peur, Jupiter, et je ne vois pas trop
pourquoi. Ainsi, tu t'imagines que tout ce que je te dis émane de leurs doctrines ?
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