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[16] Ἀλλ´ εἰ καὶ φόνον ζητεῖς, οὐδὲ τοῦτο ἐνδεῖ,
οὐδὲ ἀναίμακτός εἰμι, ἀλλ´ εἴργασμαι μεγάλην
καὶ γενναίαν σφαγὴν νεανίσκου ἀκμάζοντος καὶ
πᾶσι φοβεροῦ, δι´ ὃν ἀνεπιβούλευτος κἀκεῖνος ἦν,
ᾧ μόνῳ ἐθάρρει, ὃς ἀντὶ πολλῶν ἤρκει δορυφόρων.
ἆρ´ οὖν οὐκ ἄξιος, ὦ οὗτος, δωρεᾶς, ἀλλὰ ἄτιμος
ἐπὶ τηλικούτοις γένωμαι; τί γάρ, εἰ δορυφόρον
ἕνα, τί δ´ εἰ ὑπηρέτην τινὰ τοῦ τυράννου ἀπέκτεινα,
τί δ´ εἰ οἰκέτην τίμιον, οὐ μέγα ἂν ἔδοξεν καὶ
τοῦτο, ἀνελθόντα ἐν μέσῃ τῇ ἀκροπόλει, ἐν μέσοις
τοῖς ὅπλοις φόνον τινὸς ἐργάσασθαι τῶν τοῦ
τυράννου φίλων; νῦν δὲ καὶ τὸν πεφονευμένον
αὐτὸν ἰδέ. υἱὸς ἦν τυράννου, μᾶλλον δὲ τύραννος
χαλεπώτερος καὶ δεσπότης ἀπαραίτητος καὶ κολαστὴς
ὠμότερος καὶ ὑβριστὴς βιαιότερος, τὸ δὲ
μέγιστον, κληρονόμος τῶν ὅλων καὶ διάδοχος καὶ
ἐπὶ πολὺ παρατεῖναι τὰ τῆς ἡμετέρας συμφορᾶς
δυνάμενος.
| [16] Ah ! vous voulez du sang ; mais en voici, j'en
suis couvert : j'ai commis un meurtre grand,
héroïque : j'ai tué un jeune homme à la fleur de
l'âge, redoutable à tous, qui faisait avorter tous les
complots, rassurait le tyran et valait pour lui mille
soldats. N’ai-je pas mérité, homme étonnant, le
prix de ma bravoure, et dois-je me retirer sans
honneur après un tel exploit ? Quoi donc ! Si je
n'eusse tué qu'un seul doryphore, qu'un ministre
du tyran, qu'un esclave chéri, ne serait-ce rien,
après tout, que d'être monté à la citadelle, à travers
les armes, et d'avoir fait périr un des amis du
despote ? Mais voyons maintenant qui est tombé
sous mon bras. C'est le fils du tyran, plus cruel
que son père, despote intolérable, punisseur plus
inhumain, plus violent dans son insolence, mais
surtout, héritier de tous les biens paternels,
successeur destiné à prolonger indéfiniment nos
malheurs.
| [17] Βούλει τοῦτο μόνον πεπρᾶχθαί μοι, ζῆν δὲ ἔτι
τὸν τύραννον διαπεφευγότα; γέρας δὴ ἐπὶ τούτοις
αἰτῶ. τί φατέ; οὐ δώσετε; οὐχὶ κἀκεῖνον
ὑφεωρᾶσθε· οὐ δεσπότης; οὐ βαρύς; οὐκ
ἀφόρητος ἦν;
Νῦν δὲ καὶ τὸ κεφάλαιον αὐτὸ ἐννοήσατε·
ὃ γὰρ οὗτος ἀπαιτεῖ παρ´ ἐμοῦ, τοῦτο ὡς ἐνῆν
ἄριστα διεπραξάμην, καὶ τὸν τύραννον ἀπέκτεινα
ἑτέρῳ φόνῳ, οὐχ ἁπλῶς οὐδὲ πληγῇ μιᾷ, ὅπερ
εὐκταιότατον ἦν αὐτῷ ἐπὶ τηλικούτοις ἀδικήμασιν,
ἀλλὰ λύπῃ προβασανίσας πολλῇ καὶ ἐν ὀφθαλμοῖς
δείξας τὰ φίλτατα οἰκτρῶς προκείμενα, υἱὸν ἐν
ἡλικίᾳ, εἰ καὶ πονηρόν, ἀλλ´ οὖν καὶ ἀκμάζοντα
καὶ ὅμοιον τῷ πατρί, αἵματος καὶ λύθρου ἐμπεπλησμένον.
ταῦτ´ ἔστι πατέρων τὰ τραύματα,
ταῦτα ξίφη δικαίων τυραννοκτόνων, οὗτος θάνατος
ἄξιος ὠμῶν τυράννων, αὕτη τιμωρία πρέπουσα
τοσούτοις ἀδικήμασιν· τὸ δ´ εὐθὺς ἀποθανεῖν, τὸ
δ´ ἀγνοῆσαι, τὸ δὲ μηδὲν τοιοῦτο θέαμα ἰδεῖν,
οὐδὲν ἔχει τυραννικῆς κολάσεως ἄξιον.
| [17] Voulez-vous que je n'aie pas fait d'autre action,
que le tyran, échappé à ma vengeance, vive encore ?
Je demande cependant la récompense promise.
Que dites-vous ? Vous ne la donnerez pas ? Ne
haïssiez-vous pas ce jeune homme ? N'était ce pas
aussi un despote ? N'était-il pas cruel,
insupportable ? Mais voyez ce point essentiel. Ce
que mon adversaire exige de moi est précisément
ce que j'ai fait, autant qu'il était en mon pouvoir, et
du mieux qu'il pût souhaiter. J'ai tué le tyran par
la mort d'un autre, non pas simplement, ni d'un
seul coup : il eût désiré mourir ainsi après tous ses
forfaits ; mais j'ai commencé par le déchirer du
plus affreux chagrin, puis j'ai jeté sous ses yeux,
douloureux spectacle, le cadavre gisant de celui
qu'il chérissait le plus au monde, de son fils à la
fleur de l'âge, bien que pervers, de son fils, plein de
vigueur, image de son père, et maintenant tout
souillé de poussière et de sang. Voilà des blessures
faites à un coeur paternel, voilà le glaive de tous
ceux qui veulent immoler un tyran par voie
légitime, voilà une mort digne de ces oppresseurs
barbares, voilà le châtiment dû à de tels crimes.
Mourir sur-le-champ, perdre aussitôt la
connaissance, ne rien voir d'un pareil spectacle, ce
ne serait pas une punition suffisante de leur tyrannie.
| [18] Οὐ γὰρ ἠγνόουν, ὦ οὗτος, οὐκ ἠγνόουν, οὐδὲ
τῶν ἄλλων οὐδείς, ὅσην ἐκεῖνος εὔνοιαν πρὸς τὸν
υἱὸν εἶχεν καὶ ὡς οὐκ ἂν ἠξίωσεν ἐπιβιῶναι
οὐδ´ ὀλίγον αὐτῷ χρόνον. πάντες μὲν γὰρ πατέρες
ἴσως πρὸς τοὺς παῖδας τοιοῦτοι, ὁ δὲ καὶ
περιττότερόν τι τῶν ἄλλων εἶχεν, εἰκότως, ὁρῶν
μόνον ἐκεῖνον κηδεμόνα καὶ φύλακα τῆς τυραννίδος
καὶ μόνον προκινδυνεύοντα τοῦ πατρὸς καὶ
τὴν ἀσφάλειαν τῇ ἀρχῇ παρεχόμενον. ὥστε εἰ καὶ
μὴ διὰ τὴν εὔνοιαν, ἀλλὰ διὰ τὴν ἀπόγνωσιν
εὐθὺς ἠπιστάμην τεθνηξόμενον αὐτὸν καὶ λογιούμενον
ὡς οὐδὲν ἔτι τοῦ ζῆν ὄφελος τῆς ἐκ τοῦ παιδὸς
ἀσφαλείας καθῃρημένης. ἅπαντα τοίνυν αὐτῷ
ἀθρόα περιέστησα, τὴν φύσιν, τὴν λύπην, τὴν
ἀπόγνωσιν, τὸν φόβον, τὰς ἐπὶ τῶν μελλόντων ...
ἐπ´ αὐτὸν ἐχρησάμην τοῖς συμμάχοις καὶ πρὸς
τὴν τελευταίαν ἐκείνην σκέψιν κατηνάγκασα.
ἀπέθανεν ὑμῖν ἄτεκνος, λελυπημένος, ὀδυρόμενος,
δακρύων, πεπενθηκὼς πένθος ὀλιγοχρόνιον
μέν, ἀλλ´ ἱκανὸν πατρί, καὶ τὸ δεινότατον, αὐτὸς
ὑφ´ αὑτοῦ, ὅσπερ θανάτων οἴκτιστος καὶ πολλῷ
χαλεπώτερος ἢ εἰ ὑπ´ ἄλλου γίγνοιτο.
| [18] Je n'ignorais pas, croyez-le bien, je n'ignorais
pas, car c'était un fait notoire, quelle tendresse le
père avait pour son fils, et comme il était résolu à
ne lui pas survivre d'un seul instant. Tous les
pères sont ainsi faits pour leurs enfants. Mais
celui-ci éprouvait une affection plus vive encore
que celle des autres ; et c'était tout naturel,
puisqu'il voyait en lui l'appui et le soutien de sa
tyrannie, l'unique défenseur de son père, le
rempart assuré de son pouvoir. Je savais donc bien
qu'à défaut même de la tendresse, le désespoir le
tuerait, quand il songerait que la vie lui devenait
inutile, privé de la sécurité que lui donnait son fils.
J'ai donc tourné contre lui les traits les plus
poignants, sentiment naturel, douleur, désespoir,
terreur, crainte de l'avenir ; tels ont été mes
auxiliaires, et je l'ai poussé ainsi à une résolution
extrême. Il vous est mort sans postérité, en proie a
la douleur, gémissant, versant des larmes, plongé
dans un deuil trop court, il est vrai, mais suffisant
pour un père ; et, chose encore plus terrible, il est
mort de sa propre main, trépas digne de pitié et
plus déplorable que s'il fût tombé sous les coups
d'un autre.
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