HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Lucien, Toxaris ou l'Amitié

Chapitres 7-9

  Chapitres 7-9

[7] Τὴν δὴ τοσαύτην εὔνοιαν αὐτῶν καὶ τὴν ἐν τοῖς δεινοῖς κοινωνίαν καὶ τὸ πιστὸν καὶ φιλέταιρον καὶ τὸ ἀληθὲς καὶ βέβαιον τοῦ πρὸς ἀλλήλους ἔρωτος, οὐκ ἀνθρώπινα ταῦτα ᾠήθημεν εἶναι, ἀλλά τινος γνώμης βελτίονος κατὰ τοὺς πολλοὺς τούτους ἀνθρώπους, οἳ μέχρι μὲν κατ´ οὖρον πλοῦς εἴη τοῖς φίλοις, ἀγανακτοῦσιν εἰ μὴ ἐπ´ ἴσης κοινωνήσουσιν τῶν ἡδέων, εἰ δέ τι καὶ μικρὸν ἀντιπνεύσειεν αὐτοῖς, οἴχονται μόνους τοῖς κινδύνοις ἀπολιπόντες. καὶ γὰρ οὖν καὶ τόδε ὅπως εἰδῇς, οὐδὲν Σκύθαι φιλίας μεῖζον οἴονται εἶναι, οὐδὲ ἔστιν ἐφ´ ὅτῳ ἄν τις Σκύθης μᾶλλον σεμνύναιτο ἐπὶ τῷ συμπονῆσαι φίλῳ ἀνδρὶ καὶ κοινωνῆσαι τῶν δεινῶν, ὥσπερ οὐδὲν ὄνειδος μεῖζον παρ´ ἡμῖν τοῦ προδότην φιλίας γεγενῆσθαι δοκεῖν. διὰ ταῦτα Ὀρέστην καὶ Πυλάδην τιμῶμεν, ἀρίστους γενομένους τὰ Σκυθῶν ἀγαθὰ καὶ ἐν φιλίᾳ διενεγκόντας, πρῶτον ἡμεῖς ἁπάντων θαυμάζομεν, καὶ τοὔνομα ἐπὶ τούτοις αὐτῶν ἐθέμεθα Κοράκους καλεῖσθαι· τοῦτο δέ ἐστιν ἐν τῇ ἡμετέρᾳ φωνῇ ὥσπερ ἂν εἴ τις λέγοι "φίλιοι δαίμονες." [7] C'est cette amitié, cette communauté de périls ; cette foi, cette confiance, cette sincérité, cette solidité de tendresse réciproque, que nous avons regardées comme n'étant pas de l'homme, mais d'une intelligence supérieure à celle de l'humanité. La plupart des hommes, en effet, tant que souffle une brise favorable, se fâchent contre leurs amis s'ils ne partagent pas avec eux tous leurs plaisirs. Mais si le vent devient contraire, ils fuient et les laissent seuls au milieu du danger. Apprends donc par là qu'il n'y a rien de plus grand que l'amitié aux yeux des Scythes ; qu'un Scythe n'estime rien tant que de partager les travaux et les périls d'un ami, et qu'il n'y a pas chez nous de plus grande honte que de se montrer traître à l'amitié. Voilà pourquoi nous honorons Oreste et Pylade, qui ont surpassé tous les autres dans les vertus pratiquées par les Scythes, et qui se sont distingués dans l'amitié, le premier objet de notre admiration ; voilà pourquoi nous leur avons donné le nom de Coraques, qui signifie dans notre langue génies tutélaires de l'amitié.
[8] ΜΝΗΣΙΠΠΟΣ. Τόξαρι, οὐ μόνον ἄρα τοξεύειν ἀγαθοὶ ἦσαν Σκύθαι καὶ τὰ πολεμικὰ τῶν ἄλλων ἀμείνους, ἀλλὰ καὶ ῥῆσιν εἰπεῖν ἁπάντων πιθανώτατοι. ἐμοὶ γοῦν τέως ἄλλως γιγνώσκοντι ἤδη καὶ αὐτῷ δίκαια ποιεῖν δοκεῖτε οὕτως Ὀρέστην καὶ Πυλάδην ἐκθειάσαντες. ἐλελήθεις δέ με, γενναῖε, καὶ γραφεὺς ἀγαθὸς ὤν. πάνυ γοῦν ἐναργῶς ἐπέδειξας ἡμῖν τὰς ἐν τῷ Ὀρεστείῳ εἰκόνας καὶ τὴν μάχην τῶν ἀνδρῶν καὶ τὰ ὑπὲρ ἀλλήλων τραύματα. πλὴν ἀλλ´ οὐκ ᾠήθην ἂν οὕτω ποτὲ περισπούδαστον εἶναι φιλίαν ἐν Σκύθαις· ἅτε γὰρ ἀξένους καὶ ἀγρίους ὄντας αὐτοὺς ἔχθρᾳ μὲν ἀεὶ συνεῖναι καὶ ὀργῇ καὶ θυμῷ, φιλίαν δὲ μηδὲ πρὸς τοὺς οἰκειοτάτους ἐπαναιρεῖσθαι, τεκμαιρόμενος τοῖς τε ἄλλοις περὶ αὐτῶν ἀκούομεν καὶ ὅτι κατεσθίουσι τοὺς πατέρας ἀποθανόντας. [8] MNÉSIPPE. Ainsi, Toxaris, les Scythes ne sont pas seulement un peuple habile à lancer des flèches et plus belliqueux que les autres, mais ils excellent encore à parler le langage de la persuasion. Pour moi, qui, jusqu'ici, avais une tout autre opinion, je commence à croire que vous n'avez pas eu tort de diviniser Oreste et Pylade. Je ne savais pas non plus, mon cher, que tu fusses un si bon peintre. Il m’a semblé, pendant ton récit, que je voyais les tableaux du temple d'Oreste, et le combat, et les blessures des guerriers. En outre, j'ignorais que les Scythes professaient un pareil culte, pour l'amitié. Je les croyais inhospitaliers, sauvages, toujours en hostilités, irascibles et colères, sans affection même pour leurs proches, les jugeant ainsi et sur les récits que j'avais entendu faire et sur le bruit qu'ils ont de manger leurs pères après leur mort.
[9] ΤΟΞΑΡΙΣ. Εἰ μὲν καὶ τὰ ἄλλα ἡμεῖς τῶν Ἑλλήνων καὶ δικαιότεροι τὰ πρὸς τοὺς γονέας καὶ ὁσιώτεροί ἐσμεν, οὐκ ἂν ἐν τῷ παρόντι φιλοτιμηθείην πρὸς σέ. ὅτι δὲ οἱ φίλοι οἱ Σκύθαι πολὺ πιστότεροι τῶν Ἑλλήνων φίλων εἰσὶν καὶ ὅτι πλείων φιλίας λόγος παρ´ ἡμῖν παρ´ ὑμῖν, ῥᾴδιον ἐπιδεῖξαι· καὶ πρὸς θεῶν τῶν Ἑλλήνων μὴ πρὸς ἀχθηδόνα μου ἀκούσῃς ἢν εἴπω τι ὧν κατανενόηκα πολὺν ἤδη χρόνον ὑμῖν συγγινόμενος. Ὑμεῖς γάρ μοι δοκεῖτε τοὺς μὲν περὶ φιλίας λόγους ἄμεινον ἄλλων ἂν εἰπεῖν δύνασθαι, τἄργα δὲ αὐτῆς οὐ μόνον οὐ κατ´ ἀξίαν τῶν λόγων ἐκμελετᾶν, ἀλλ´ ἀπόχρη ὑμῖν ἐπαινέσαι τε αὐτὴν καὶ δεῖξαι ἡλίκον ἀγαθόν ἐστιν· ἐν δὲ ταῖς χρείαις προδόντες τοὺς λόγους δραπετεύετε οὐκ οἶδ´ ὅπως ἐκ μέσων τῶν ἔργων. καὶ ὁπόταν ὑμῖν οἱ τραγῳδοὶ τὰς τοιαύτας φιλίας ἐπὶ τὴν σκηνὴν ἀναβιβάσαντες δεικνύωσιν ἐπαινεῖτε καὶ ἐπικροτεῖτε καὶ κινδυνεύουσιν αὐτοῖς ὑπὲρ ἀλλήλων οἱ πολλοὶ καὶ ἐπιδακρύετε, αὐτοὶ δὲ οὐδὲν ἄξιον ἐπαίνου ὑπὲρ τῶν φίλων παρέχεσθαι τολμᾶτε, ἀλλ´ ἤν του φίλος δεηθεὶς τύχῃ, αὐτίκα μάλα ὥσπερ τὰ ὀνείρατα οἴχονται ὑμῖν ἐκποδὼν ἀποπτάμεναι αἱ πολλαὶ ἐκεῖναι τραγῳδίαι, τοῖς κενοῖς τούτοις καὶ κωφοῖς προσωπείοις ἐοικότας ὑμᾶς ἀπολιποῦσαι, διηρμένα τὸ στόμα καὶ παμμέγεθες κεχηνότα οὐδὲ τὸ σμικρότατον φθέγγεται. ἡμεῖς δὲ ἔμπαλιν· ὅσῳ γὰρ δὴ λειπόμεθα ἐν τοῖς περὶ φιλίας λόγοις, τοσοῦτον ἐν τοῖς ἔργοις αὐτῆς πλεονεκτοῦμεν. [9] TOXARIS. Valons-nous mieux que les Grecs sous les autres rapports, sommes-nous plus justes, plus respectueux qu'ils ne le sont envers nos parents ? je ne prétends pas entrer en contestation avec toi sur cette question. Toujours est-il que les Scythes sont, plus que les Grecs, amis tendres et fidèles, et que l'amitié est chez nous plus honorée que chez vous : ce serait un point facile à démontrer. Mais, au nom des dieux de la Grèce, ne te fâche pas, si tu m'entends dire ce que j'ai observé pendant le long séjour que j'ai fait chez vous. Vous me paraissez capables de faire sur l'amitié les plus beaux discours du monde ; mais, loin que vos actions répondent à vos paroles, vous vous contentez de la louer et de montrer quel grand bien elle est pour les hommes ; puis, au moment d'agir, traîtres à votre langage, vous fuyez, je ne sais comment, devant la pratique de vos théories. Lorsque vos poètes tragiques exposent sur la scène des exemples d'une amitié parfaite, vous les louez, vous applaudissez, vous partagez les dangers des héros, presque tous vous versez des larmes. Cependant vous n'avez pas le courage de faire pour vos amis des actions dignes de louanges, et, si quelqu'un d'eux a besoin de votre aide, aussitôt, comme un songe, tous ces beaux sentiments de tragédie s'envolent à tire-d'aile, et vous laissent semblables à ces masques vides et muets, dont la bouche, prodigieusement ouverte, ne profère pas une seule parole. Nous, au contraire, autant nous vous sommes inférieurs en discours sur l'amitié, autant nous l'emportons sur vous dans la conduite.


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Dernière mise à jour : 6/05/2009