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[6] ΚΡΟΝΟΣ.
Οἴει γὰρ τὸν ποιμένα ἐκεῖνον, τὸν ἀλαζόνα,
ὑγιές τι περὶ ἐμοῦ εἰδέναι; σκόπει δὲ οὕτως.
ἔσθ´ ὅστις ἄνθρωπος (οὐ γὰρ θεὸν ἐρῶ) ὑπομείνειεν
ἂν ἑκὼν αὐτὸς καταφαγεῖν τὰ τέκνα, εἰ μή
τις Θυέστης ὢν ἀσεβεῖ ἀδελφῷ περιπεσὼν ἤσθιε;
καὶ εἰ τοῦτο μανείη, πῶς ἀγνοήσει λίθον ἀντὶ
βρέφους ἐσθίων, εἰ μὴ ἀνάλγητος εἴη τοὺς ὀδόντας;
ἀλλ´ οὔτε ἐπολεμήσαμεν οὔτε ὁ Ζεὺς βίᾳ τὴν
ἀρχὴν, ἑκόντος δέ μου παραδόντος αὐτῷ καὶ
ὑπεκστάντος, ἄρχει. ὅτι μὲν γὰρ οὔτε πεπέδημαι
οὔτε ἐν τῷ Ταρτάρῳ εἰμί, καὶ αὐτὸς ὁρᾷς οἶμαι εἰ
μὴ τυφλὸς ὥσπερ Ὅμηρος εἶ.
| [6] SATURNE. Tu te figures que ce berger hâbleur a
rien su de positif sur mon compte. Vois un peu : est-il
possible qu'un homme, pour ne pas dire un dieu, ait le
courage de manger volontairement ses enfants, à moins
d'être un Thyeste qui tomba sur un frère impie ? Et,
quand cela serait, comment ne s'apercevrait-il pas qu'il
mange une pierre au lieu d'un enfant, à moins d'avoir les
dents insensibles ? D'autre part, jamais Jupiter et moi
nous ne nous sommes fait la guerre, jamais il ne m'a
enlevé le pouvoir ; c'est de mon plein gré que je m'en
suis démis, et de mon consentement qu'il règne. Enfin je
ne suis ni enchaîné, ni plongé dans le Tartare, tu le vois
toi-même, je crois, si tu n'es pas aveugle comme Homère.
| [7] ΙΕΡΕΥΣ.
Τί παθὼν δέ, ὦ Κρόνε, ἀφῆκας τὴν ἀρχήν;
ΚΡΟΝΟΣ.
Ἐγώ σοι φράσω. τὸ μὲν ὅλον, γέρων ἤδη καὶ
ποδαγρὸς ὑπὸ τοῦ χρόνου ὤν. διὸ καὶ πεπεδῆσθαί
με οἱ πολλοὶ εἴκασαν. οὐ γὰρ ἠδυνάμην διαρκεῖν
πρὸς οὕτω πολλὴν τὴν ἀδικίαν τῶν νῦν, ἀλλ´ ἀεὶ
ἀναθεῖν ἔδει ἄνω καὶ κάτω τὸν κεραυνὸν διηρμένον
τοὺς ἐπιόρκους ἢ ἱεροσύλους ἢ βιαίους καταφλέγοντα,
καὶ τὸ πρᾶγμα πάνυ ἐργῶδες ἦν καὶ
νεανικόν. ἐξέστην οὖν εὖ ποιῶν τῷ Διί. καὶ
ἄλλως δὲ καλῶς ἔχειν ἐδόκει μοι διανείμαντα τοῖς
παισὶν οὖσι τὴν ἀρχὴν αὐτὸν εὐωχεῖσθαι τὰ
πολλὰ ἐφ´ ἡσυχίας οὔτε τοῖς εὐχομένοις χρηματίζοντα
οὔτε ὑπὸ τῶν τἀναντία αἰτούντων ἐνοχλούμενον
οὔτε βροντῶντα ἢ ἀστράπτοντα ἢ χάλαζαν
ἐνίοτε βάλλειν ἀναγκαζόμενον· ἀλλὰ πρεσβυτικόν
τινα τοῦτον ἥδιστον βίον διάγω ζωρότερον πίνων
τὸ νέκταρ, τῷ Ἰαπετῷ καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς
ἡλικιώταις προσμυθολογῶν· ὁ δὲ ἄρχει μυρία
ἔχων πράγματα. πλὴν ὀλίγας ταύτας ἡμέρας ἐφ´
οἷς εἶπον ὑπεξελέσθαι μοι ἔδοξε καὶ ἀναλαμβάνω
τὴν ἀρχήν, ὡς ὑπομνήσαιμι τοὺς ἀνθρώπους οἷος
ἦν ὁ ἐπ´ ἐμοῦ βίος, ὁπότε ἄσπορα καὶ ἀνήροτα
πάντα ἐφύετο αὐτοῖς, οὐ στάχυες, ἀλλ´ ἕτοιμος
ἄρτος καὶ κρέα ἐσκευασμένα, καὶ ὁ οἶνος ἔρρει
ποταμηδὸν καὶ πηγαὶ μέλιτος καὶ γάλακτος·
ἀγαθοὶ γὰρ ἦσαν καὶ χρυσοῖ ἅπαντες. αὕτη μοι
ἡ αἰτία τῆς ὀλιγοχρονίου ταύτης δυναστείας, καὶ
διὰ τοῦτο ἁπανταχοῦ κρότος καὶ ᾠδὴ καὶ παιδιὰ
καὶ ἰσοτιμία πᾶσι καὶ δούλοις καὶ ἐλευθέροις.
οὐδεὶς γὰρ ἐπ´ ἐμοῦ δοῦλος ἦν.
| [7] LE PRÊTRE. Pour quelles raisons, Saturne, as-tu quitté
l'empire ?
SATURNE. Je vais te le dire. D'abord, j'étais vieux et
atteint d'une goutte chronique, ce qui a fait croire au
vulgaire que j'étais enchaîné. Je ne pouvais non plus
suffire à ce qu'exigent les nombreuses injustices de ce
temps-ci ; courir sans cesse en haut et en bas ; avoir la
foudre en mains, brûler les parjures, les sacrilèges, les
scélérats, besogne très pénible et qui demande la vigueur
de la jeunesse. Je pris donc le parti de céder à Jupiter, et
je ne m'en repens pas : d'ailleurs, il me parut convenable
de partager mon empire entre mes enfants, et de passer
mon temps à mon aise dans les festins, sans être occupé
à écouter les prières, ni fatigué de demandes contradictoires,
ni obligé de tonner, d'éclairer et de grêler parfois.
Au contraire, je mène une bonne vie de vieillard,
buvant mon nectar sans eau, devisant avec Japet et les
autres Titans de mon âge. Pendant ce temps-là, Jupiter
fait aller le monde avec mille tracas, à l'exception de
quelques jours, où il me rend la royauté aux conditions
que je t'ai dites, et je reprends le pouvoir, afin de
rappeler aux hommes comment on vivait sous mon
empire. Tout poussait alors sans soins et sans culture :
point d'épis, mais le pain tout préparé et les viandes tout
apprêtées ; le vin coulait en ruisseaux ; l'on avait des
fontaines de lait et de miel ; tout le monde était bon et en
or. Telle est la cause de mon empire éphémère : voilà
pourquoi ce n'est partout que bruit, chansons, jeux,
égalité parfaite entre les esclaves et les hommes libres ;
car, sous mon règne, il n'y avait pas d'esclaves.
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