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[7] εἶτ´ ἐπειδὰν πλησιάσῃς τῷ ὄρει, τὸ μὲν πρῶτον
ἀπογιγνώσκεις τὴν ἄνοδον, καὶ τὸ πρᾶγμα ὅμοιον εἶναί
σοι δοκεῖ οἵα ἡ Ἄορνος ἐφάνη τοῖς Μακεδόσιν ἀπόξυρον
αὐτὴν ἁπανταχόθεν ἰδοῦσιν, ἀτεχνῶς οὐδὲ ὀρνέοις
ὑπερπτῆναι ῥᾳδίαν, Διονύσου τινὸς ἢ Ἡρακλέους,
εἰ μέλλοι καθαιρεθήσεσθαι, δεομένην.
Ταῦτά σοι δοκεῖ τὸ πρῶτον· εἶτα μετ´ ὀλίγον
ὁρᾷς δύο τινὰς ὁδούς. μᾶλλον δὲ ἡ μὲν ἀτραπός
ἐστι στενὴ καὶ ἀκανθώδης καὶ τραχεῖα, πολὺ τὸ
δίψος ἐμφαίνουσα καὶ ἱδρῶτα· καὶ ἔφθη γὰρ ἤδη
Ἡσίοδος εὖ μάλα ὑποδείξας αὐτήν, ὥστε οὐδὲν
ἐμοῦ δεήσει. ἡ ἑτέρα δὲ πλατεῖα καὶ ἀνθηρὰ καὶ
εὔυδρος, τοιαύτη οἵαν μικρῷ πρόσθεν εἶπον, ἵνα
μὴ πολλάκις τὰ αὐτὰ λέγων ἐπέχω σε ἤδη ῥήτορα
εἶναι δυνάμενον.
| [7] Mais, lorsque tu arriveras auprès de la montagne, tu commenceras par
désespérer d'y atteindre. Elle te fera le même effet que la roche Aornos
aux Macédoniens, qui, la voyant escarpée de toutes parts et infranchissable même
aux oiseaux, crurent qu'il fallait être, pour la gravir, un Bacchus ou un
Hercule. C'est ainsi que tu en jugeras au premier coup d'oeil. Mais bientôt
après tu aperçois deux routes : l'une est étroite, hérissée d'épines, escarpée,
faisant pressentir et la soif et la sueur. Hésiode, avant moi, l'a trop
bien représentée, pour que j'aie besoin de la décrire ; l'autre est plate,
fleurie, arrosée de ruisseaux, telle enfin que je te l'ai dit à l'instant :
aussi je ne veux pas, en te répétant souvent la même chose, te retenir plus
longtemps ; car tu pourrais déjà même être rhéteur.
| [8] πλὴν τό γε τοσοῦτον προσθήσειν μοι δοκῶ,
διότι ἡ μὲν τραχεῖα ἐκείνη καὶ ἀνάντης
οὐ πολλὰ ἴχνη τῶν ὁδοιπόρων εἶχεν, εἰ
δέ τινα, πάνυ παλαιά. καὶ ἔγωγε κατ´ ἐκείνην
ἄθλιος ἀνῆλθον τοσαῦτα καμὼν οὐδὲν δέον· ἡ
ἑτέρα δὲ ἅτε ὁμαλὴ οὖσα καὶ ἀγκύλον οὐδὲν
ἔχουσα πόρρωθέν μοι ἐφάνη οἵα ἐστὶν οὐχ
ὁδεύσαντι αὐτῷ. οὐ γὰρ ἑώρων νέος ὢν ἔτι τὸ
βέλτιον, ἀλλὰ τὸν ποιητὴν ἐκεῖνον ἀληθεύειν
ᾤμην λέγοντα ἐκ τῶν πόνων φύεσθαι τὰ ἀγαθά.
τὸ δ´ οὐκ εἶχεν οὕτως· ἀπονητὶ γοῦν ὁρῶ τοὺς
πολλοὺς μειζόνων ἀξιουμένους εὐμοιρίᾳ τῆς
αἱρέσεως τῶν λόγων καὶ ὁδῶν.
Ἐπὶ δ´ οὖν τὴν ἀρχὴν ἀφικόμενος εὖ οἶδ´ ὅτι
ἀπορήσεις, καὶ ἤδη ἀπορεῖς, ποτέραν τρεπτέον.
ὡς οὖν ποιήσας ἤδη ῥᾷστα ἐπὶ τὸ ἀκρότατον
ἀναβήσῃ καὶ εὐδαιμονήσεις καὶ γαμήσεις καὶ
θαυμαστὸς πᾶσι δόξεις, ἐγώ σοι φράσω· ἱκανὸν
γὰρ τὸ αὐτὸν ἐξαπατηθῆναι καὶ πονῆσαι. σοὶ
δὲ ἄσπορα καὶ ἀνήροτα πάντα φυέσθω καθάπερ
ἐπὶ τοῦ Κρόνου.
| [8] Je crois pourtant essentiel d'ajouter que cette route rude et escarpée ne
porte les traces que d'un très petit nombre de voyageurs. Si l'on en voit
quelques-unes, elles sont bien vieilles. Et moi aussi, malheureux, j'ai essayé
de la gravir, j'ai pris cette peine, peine inutile! C'est alors que je découvris
l'autre chemin; il me parut de loin, tel qu'il est, uni et sans détour.
Cependant je ne le suivis point. J'étais jeune dans ce temps-là, et je ne
connaissais pas encore ce qu'il valait mieux faire. Je croyais que notre poète
de tout à l'heure était dans le vrai, quand il dit :
"C'est du sein des travaux que naissent tous les biens".
Mais il n'en va point ainsi. Je vois une foule de gens qui sont arrivés, sans se
donner de mal, à une position excellente, grâce à l'heureux choix du genre
oratoire et de la route qu'ils ont adoptée. Lors donc que tu seras arrivé à
l'entrée de ces deux chemins, tu seras fort embarrassé, je le sais bien, et tu
l'es même en ce moment, pour savoir lequel suivre. Que feras-tu donc pour
arriver aisément au sommet de la montagne, devenir le plus heureux tes hommes,
épouser la Rhétorique et paraître à tous un homme admirable ? Le voici. C'est
assez que j'aie été trompé moi-même et que je me sois donné beaucoup de mal. Je
veux que pour toi tout pousse sans semence ni culture, comme au temps de Saturne.
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