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[9] Καὶ γὰρ ἀπαρρησίαστος καὶ δειλὸς ἅπας ὁ
τοιοῦτος ἄνθρωπος οὐδὲν ἐς τοὐμφανὲς ἄγων, ἀλλ´
ὥσπερ οἱ λοχῶντες ἐξ ἀφανοῦς ποθεν τοξεύων, ὡς
μηδὲ ἀντιτάξασθαι δυνατὸν εἶναι μηδὲ ἀνταγωνίσασθαι,
ἀλλ´ ἐν ἀπορίᾳ καὶ ἀγνοίᾳ τοῦ πολέμου
διαφθείρεσθαι, ὃ μέγιστόν ἐστι σημεῖον τοῦ μηδὲν
ὑγιὲς τοὺς διαβάλλοντας λέγειν. ἐπεὶ εἴ τίς γε
τἀληθῆ κατηγοροῦντι ἑαυτῷ συνεπίσταται, οὗτος,
οἶμαι, καὶ εἰς τὸ φανερὸν ἐλέγχει καὶ διευθύνει καὶ
ἀντεξετάζει τῷ λόγῳ, ὥσπερ οὐδεὶς ἂν ἐκ τοῦ
προφανοῦς νικᾶν δυνάμενος ἐνέδρᾳ ποτὲ καὶ ἀπάτῃ
χρήσαιτο κατὰ τῶν πολεμίων.
| [9] Naturellement de tels hommes sont toujours faux
et lâches; ils n'agissent jamais au grand jour; comme des
soldats en embuscade, ils décochent leurs traits d'un
endroit caché, de manière que l'adversaire ne puisse se
déployer contre eux et les combattre et que l'embarras
et l'ignorance des positions ennemies cause sa perte :
c'est là le signe le plus certain que les délateurs ne disent
rien de vrai. Car si un homme a conscience de la vérité
de son accusation, cet homme, j'imagine, cherche à
convaincre publiquement son adversaire, il épluche sa
conduite et oppose ses arguments aux siens, par la
même raison qu'il n'est point de capitaine qui, pouvant
vaincre à découvert, voulût recourir aux embuscades et
aux ruses contre ses ennemis.
| [10] Ἴδοι δ´ ἄν τις τοὺς τοιούτους μάλιστα ἔν τε
βασιλέων αὐλαῖς καὶ περὶ τὰς τῶν ἀρχόντων καὶ
δυναστευόντων φιλίας εὐδοκιμοῦντας, ἔνθα πολὺς
μὲν ὁ φθόνος, μυρίαι δὲ ὑπόνοιαι, πάμπολλαι δὲ
κολακειῶν καὶ διαβολῶν ὑποθέσεις· ὅπου γὰρ ἀεὶ
μείζους ἐλπίδες, ἐνταῦθα καὶ οἱ φθόνοι χαλεπώτεροι
καὶ τὰ μίση ἐπισφαλέστερα καὶ αἱ ζηλοτυπίαι
κακοτεχνέστεραι. πάντες οὖν ἀλλήλους ὀξὺ
δεδόρκασι καὶ ὥσπερ οἱ μονομαχοῦντες ἐπιτηροῦσιν
εἴ πού τι γυμνωθὲν μέρος θεάσαιντο τοῦ σώματος·
καὶ πρῶτος αὐτὸς ἕκαστος εἶναι βουλόμενος παρωθεῖται
καὶ παραγκωνίζεται τὸν πλησίον καὶ τὸν
πρὸ αὑτοῦ, εἰ δύναιτο, ὑποσπᾷ καὶ ὑποσκελίζει.
ἔνθα ὁ μὲν χρηστὸς ἀτεχνῶς εὐθὺς ἀνατέτραπται
καὶ παρασέσυρται καὶ τὸ τελευταῖον ἀτίμως
ἐξέωσται, ὁ δὲ κολακευτικώτερος καὶ πρὸς τὰς
τοιαύτας κακοηθείας πιθανώτερος εὐδοκιμεῖ· καὶ
ὅλως ὁ φθάσας κρατεῖ· τὰ γὰρ τοῦ Ὁμήρου πάνυ
ἐπαληθεύουσιν, ὅτι τοι
"ξυνὸς Ἐνυάλιος καὶ τὸν κτανέοντα κατέκτα".
τοιγαροῦν ὡς οὐ περὶ μικρῶν τοῦ ἀγῶνος ὄντος
ποικίλας κατ´ ἀλλήλων ὁδοὺς ἐπινοοῦσιν, ὧν
ταχίστη καὶ ἐπισφαλεστάτη ἐστὶν ἡ τῆς διαβολῆς,
τὴν μὲν ἀρχὴν ἀπὸ φθόνου ἢ μίσους εὐέλπιδα
λαμβάνουσα, οἰκτρότερα δὲ καὶ τραγικὰ ἐπάγουσα
τὰ τέλη καὶ πολλῶν συμφορῶν ἀνάπλεα.
| [10] C'est surtout à la cour des rois et parmi les amis
des gouverneurs et des princes que l'on voit de tels
hommes en faveur. C'est là que l'envie est grande, que
les soupçons foisonnent, que les sujets de flatteries et de
calomnies sont innombrables. Partout où les espérances
sont plus grandes, l'envie est plus amère, les haines plus
dangereuses et les rivalités plus artificieuses. Là, tous
les courtisans jettent les uns sur les autres des regards
aigus et s'observent comme les gladiateurs pour découvrir
quelque partie du corps à nu. Chacun désirant être
le premier, pousse et écarte du coude son voisin, et, s'il
le peut, tire en arrière et supplante par un croc-en-jambes
celui qui est avant lui. Là, l'honnête homme est sûrement
culbuté au premier coup, tiré de côté et finalement
mis dehors ignominieusement, tandis que le flatteur,
plus adroit dans la pratique de ces machinations, obtient
l'avantage; car, en général, c'est en portant les premiers
coups qu'on gagne la victoire, et les courtisans vérifient
parfaitement ce vers d'Homère :
«Mars est indifférent et tue souvent celui qui est sur
le point de tuer".
Aussi, comme l'enjeu de la lutte n'est pas mince, ils
imaginent toutes sortes de moyens pour se perdre les
uns les autres. Le plus prompt et le plus dangereux
est la délation. Elle tire son origine d'une jalousie ou
d'une haine qui se berce d'espérances, mais elle entraîne
des résultats déplorables, tragiques, et fertiles en malheurs.
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