|
[23] Καὶ τὸ πάντων οἴκτιστον, ὁ μὲν οὐκ εἰδὼς τὰ
γεγενημένα προσέρχεται τῷ φίλῳ φαιδρὸς ἅτε
μηδὲν ἑαυτῷ φαῦλον συνεπιστάμενος καὶ τὰ
συνήθη λέγει καὶ ποιεῖ, παντὶ τρόπῳ ὁ ἄθλιος
ἐνηδρευμένος· ὁ δὲ ἢν μὲν ἔχῃ τι γενναῖον καὶ
ἐλεύθερον καὶ παρρησιαστικόν, εὐθὺς ἐξέρρηξε τὴν
ὀργὴν καὶ τὸν θυμὸν ἐξέχεε, καὶ τέλος τὴν ἀπολογίαν
προσιέμενος ἔγνω μάτην κατὰ τοῦ φίλου παρωξυμμένος.
| [23] Mais ce qu'il y a de plus pitoyable, c'est que
l'accusé, ignorant ce qui est arrivé, aborde son ami
allègrement, comme un homme qui n'a rien à se reprocher,
et qu'il parle et agit comme à son ordinaire, alors
qu'il est environné d'embûches de toute espèce, le
malheureux. Pour l'autre, s'il est tant soit peu généreux,
galant homme, ami de la franchise, il fait à l'instant éclater
sa colère et décharge sa bile, jusqu'à ce qu'enfin
permettant à son ami de se justifier, il reconnaisse qu'il
s'est irrité contre lui sans sujet.
| [24] ἢν δὲ ἀγεννέστερος καὶ ταπεινότερος,
προσίεται μὲν καὶ προσμειδιᾷ τοῖς χείλεσιν
ἄκροις, μισεῖ δὲ καὶ λάθρᾳ τοὺς ὀδόντας διαπρίει
καί, ὡς ὁ ποιητής φησι, βυσσοδομεύει τὴν ὀργήν.
οὗ δὴ ἐγὼ οὐδὲν οἶμαι ἀδικώτερον οὐδὲ δουλοπρεπέστερον,
ἐνδακόντα τὸ χεῖλος ὑποτρέφειν τὴν
χολὴν καὶ τὸ μῖσος ἐν αὑτῷ κατάκλειστον αὔξειν
ἕτερα μὲν κεύθοντα ἐνὶ φρεσίν, ἄλλα δὲ λέγοντα
καὶ ὑποκρινόμενον ἱλαρῷ καὶ κωμικῷ τῷ προσώπῳ
μάλα περιπαθῆ τινα καὶ ἰοῦ γέμουσαν τραγῳδίαν.
Μάλιστα δὲ τοῦτο πάσχουσιν, ἐπειδὰν πάλαι
φίλος ὁ ἐνδιαβάλλων δοκῶν εἶναι τῷ ἐνδιαβαλλομένῳ
ποιῆται ὅμως· τότε γὰρ οὐδὲ φωνὴν
ἀκούειν ἔτι θέλουσι τῶν διαβαλλομένων ἢ τῶν
ἀπολογουμένων, τὸ ἀξιόπιστον τῆς κατηγορίας
ἐκ τῆς πάλαι δοκούσης φιλίας προειληφότες,
οὐδὲ τοῦτο λογιζόμενοι, ὅτι πολλαὶ πολλάκις ἐν
τοῖς φιλτάτοις μίσους παραπίπτουσιν αἰτίαι τοὺς
ἄλλους λανθάνουσαι· καὶ ἐνίοτε οἷς αὐτός τις
ἔνοχός ἐστι, ταυτὶ φθάσας κατηγόρησε τοῦ πλησίον
ἐκφυγεῖν οὕτω πειρώμενος τὴν διαβολήν.
καὶ ὅλως ἐχθρὸν μὲν οὐδεὶς ἂν τολμήσειε διαβαλεῖν·
ἄπιστος γὰρ αὐτόθι ἡ κατηγορία πρόδηλον
ἔχουσα τὴν αἰτίαν· τοῖς δοκοῦσι δὲ μάλιστα
φίλοις ἐπιχειροῦσι τὴν πρὸς τοὺς ἀκούοντας
εὔνοιαν ἐμφῆναι προαιρούμενοι, ὅτι ἐπὶ τῷ ἐκείνων
συμφέροντι οὐδὲ τῶν οἰκειοτάτων ἀπέσχοντο.
| [24] Si au contraire il porte une âme lâche et basse,
il reçoit son ami en lui souriant du bord des lèvres, mais
il le hait, il grince des dents en secret et, comme dit le
poète, « il couve sa colère dans le fond de son coeur.»
Pour moi, je ne vois rien de plus injuste ni de plus vil
que de nourrir sournoisement sa colère en se mordant
les lèvres, que d'accroître sa haine en la renfermant en
soi-même, de penser une chose au fond de son âme et
d'en dire une autre et de jouer sous un masque gai et
comique une tragédie pleine de tristesse et de douleurs.
C'est ce qui arrive surtout quand le délateur a longtemps
paru être l'ami de celui qu'il accuse et ne l'en calomnie
pas moins; car alors on ne veut même plus entendre
la voix des accusés ni de ceux qui prennent leur défense.
On préjuge que l'accusation mérite confiance parce que
les deux hommes passaient pour être amis depuis longtemps,
et l'on ne réfléchit pas que parmi les meilleurs
amis il s'élève souvent de nombreux motifs de haine
dont le monde ne se doute pas. Quelquefois même un
homme se hâte d'accuser son voisin de crimes dont il
est lui-même coupable, pour essayer d'échapper ainsi
lui-même à l'accusation. En général personne ne s'aventure
à dénoncer un ennemi. En ce cas, en effet, on se
méfie de la délation, parce que le motif en est trop
visible. C'est contre ceux qui passent pour être leurs
meilleurs amis que les délateurs dirigent leurs manoeuvres.
Ils tiennent à faire paraître leur dévouement à celui qui
les écoute en sacrifiant à son intérêt jusqu'à leurs plus
chères affections.
| | |