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[11] (ΑΝΑΧΑΡΣΙΣ)
Αὐτὸ τοῦτο, ὦ Σόλων, καὶ τὸ οἴκτιστόν ἐστιν,
εἰ μὴ ἐπ´ ὀλίγων ταῦτα πάσχουσιν, ἀλλὰ ἐν
τοσούτοις θεαταῖς καὶ μάρτυσι τῆς ὕβρεως, οἳ
δηλαδὴ εὐδαιμονίζουσιν αὐτοὺς αἵματι ῥαινομένους
ὁρῶντες ἢ ἀγχομένους ὑπὸ τῶν ἀντιπάλων· ταῦτα
γὰρ τὰ εὐδαιμονέστατα πρόσεστι τῇ νίκῃ αὐτῶν.
παρ´ ἡμῖν δὲ τοῖς Σκύθαις ἤν τις, ὦ Σόλων, ἢ
πατάξῃ τινὰ τῶν πολιτῶν ἢ ἀνατρέψῃ προσπεσὼν
ἢ θοἰμάτια περιρρήξῃ, μεγάλας οἱ πρεσβῦται τὰς
ζημίας ἐπάγουσι, κἂν ἐπ´ ὀλίγων μαρτύρων τοῦτο
πάθῃ τις, οὔτι γε ἐν τηλικούτοις θεάτροις, οἷα σὺ
διηγῇ τὸ Ἰσθμοῖ καὶ τὸ ἐν Ὀλυμπίᾳ. οὐ μὴν
ἀλλὰ τοὺς μὲν ἀγωνιστὰς οἰκτείρειν μοι ἔπεισιν
ὧν πάσχουσιν, τῶν δὲ θεατῶν οὓς φὴς ἁπανταχόθεν
τοὺς ἀρίστους παραγίγνεσθαι εἰς τὰς πανηγύρεις
καὶ πάνυ θαυμάζω, εἰ τἀναγκαῖα παρέντες
σχολάζουσιν ἐπὶ τοῖς τοιούτοις. οὐδὲ γὰρ ἐκεῖνό
πω δύναμαι κατανοῆσαι ὅ τι τὸ τερπνὸν αὐτοῖς,
ὁρᾶν παιομένους τε καὶ διαπληκτιζομένους ἀνθρώπους
καὶ πρὸς τὴν γῆν ἀραττομένους καὶ συντριβομένους
ὑπ´ ἀλλήλων.
| [11] (ANACHARSIS)
C'est justement cela, Solon, qui est le plus pitoyable.
C'est que ce n'est pas sous les yeux de quelques personnes
qu'ils endurent ces traitements, mais parmi des milliers
de spectateurs qui assistent à ces brutalités et qui sans
doute les estiment heureux, en les voyant ruisseler de
sang ou étouffer par leurs adversaires; car c'est là le
grand bonheur attaché à leur victoire. Chez nous autres
Scythes, Solon, si quelqu'un frappe un citoyen, ou l'assaille
et le renverse, ou lui déchire ses habits, les vieillards
lui infligent un châtiment rigoureux, même s'il n'a commis
sa violence que devant un petit nombre de témoins,
et non dans ces grands amphithéâtres, tels que tu dépeins
ceux de l'Isthme et d'Olympie. Quoi qu'il en soit, je
ne puis m'empêcher de plaindre les lutteurs de ce qu'ils
ont à souffrir. Quant aux spectateurs, qui sont, dis-tu,
l'élite du pays et qui viennent à ces fêtes de tous les
points de la Grèce, je ne me tiens pas d'étonnement
qu'ils abandonnent leurs affaires et gaspillent leur temps
à ces spectacles. Je ne puis même pas comprendre encore
quel plaisir ils ont à voir des hommes frappés, gourmés,
jetés à terre et meurtris les uns par les autres.
| [12] (ΣΟΛΩΝ)
Εἰ καιρὸς ἦν, ὦ Ἀνάχαρσι, Ὀλυμπίων ἢ
Ἰσθμίων ἢ Παναθηναίων, αὐτὸ ἄν σε τὸ γιγνόμενον
ἐδίδαξεν ὡς οὐ μάτην ἐσπουδάκαμεν ἐπὶ
τούτοις. οὐ γὰρ οὕτω λέγων ἄν τις προσβιβάσειέν
σε τῇ ἡδονῇ τῶν ἐκεῖ δρωμένων, ὡς εἰ
καθεζόμενος αὐτὸς ἐν μέσοις τοῖς θεαταῖς βλέποις
ἀρετὰς ἀνδρῶν καὶ κάλλη σωμάτων καὶ εὐεξίας
θαυμαστὰς καὶ ἐμπειρίας δεινὰς καὶ ἰσχὺν ἄμαχον
καὶ τόλμαν καὶ φιλοτιμίαν καὶ γνώμας ἀηττήτους
καὶ σπουδὴν ἄλεκτον ὑπὲρ τῆς νίκης. εὖ γὰρ δὴ
οἶδα ὡς οὐκ ἂν ἐπαύσω ἐπαινῶν καὶ ἐπιβοῶν καὶ ἐπικροτῶν.
| [12] (SOLON)
Si nous étions, Anacharsis, au temps des jeux
olympiques ou des jeux isthmiques, ou des Panathénées,
tu apprendrais, en voyant ce qui s'y passe, que ce n'est
pas pour rien que nous avons pris tant de goût à ces
spectacles. La parole est impuissante à te donner une
idée complète du plaisir qu'on y prend. Il faudrait pour
cela que tu pusses voir toi-même, assis au milieu des
spectateurs, la bravoure des athlètes, la beauté et la
merveilleuse condition de leurs corps, leur adresse extrême,
leur force invincible, leur hardiesse, leur émulation,
leur indomptable résolution et leur ardeur acharnée pour
la victoire. Je suis bien sûr que tu ne cesserais pas alors
de louer, de te récrier, d'applaudir.
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