[5] Ὅτι δὲ οὐκ ἐγὼ μόνος τὴν τύχην ἐπὶ πλεῖστον ἐν
τοῖς πρακτέοις κρατεῖν νενόμικα, λέγοιμ´ ἂν ἤδη σοι τὰ
τοῦ Πλάτωνος ἐκ τῶν θαυμασίων Νόμων, εἰδότι μὲν καὶ
διδάξαντί με, ἀπόδειξιν δὲ ὥσπερ τοῦ μὴ ῥᾳθυμεῖν ποιούμενος
παραγέγραφά σοι τὴν ῥῆσιν ὧδέ πως ἔχουσαν·
«Θεὸς μὲν πάντα καὶ μετὰ θεοῦ τύχη καὶ καιρὸς τὰ
ἀνθρώπινα διακυβερνῶσι ξύμπαντα. Ἡμερώτερον μὴν τούτοις
συγχωρῆσαι τρίτον δεῖν ἕπεσθαι τέχνην.» Εἶτα ὁποῖον
εἶναι χρὴ τὸν τεχνίτην καὶ δημιουργὸν τῶν καλῶν πράξεων
καὶ βασιλέα θεῖον ὑπογράφων· «Γινώσκων ὁ Κρόνος ἄρα,
καθάπερ ἡμεῖς, φησί, διεληλύθαμεν, ὡς ἀνθρωπεία φύσις
οὐδαμῇ οὐδεμία ἱκανὴ τὰ ἀνθρώπινα διοικοῦσα αὐτοκράτωρ
πάντα μὴ οὐχ ὕβρεώς τε καὶ ἀδικίας μεστοῦσθαι, ταῦτ´
οὖν διανοούμενος ἐφίστη τότε βασιλέας καὶ ἄρχοντας ταῖς
πόλεσιν ἡμῶν οὐκ ἀνθρώπους, ἀλλὰ γένους θειοτέρου καὶ
ἀμείνονος δαίμονας, οἷον νῦν ἡμεῖς δρῶμεν τοῖς ποιμνίοις
καὶ ὅσων ἡμεροί εἰσιν ἀγέλαι· οὐ βοῦς βοῶν οὐδὲ αἶγας
αἰγῶν ἄρχοντας ποιοῦμεν αὐτοῖς τινας, ἀλλ´ ἡμεῖς αὐτῶν
δεσπόζομεν, ἄμεινον ἐκείνων γένος. Ταὐτὸν δὴ καὶ ὁ θεὸς
φιλάνθρωπος ὢν τὸ γένος ἄμεινον ἡμῶν ἐφίστη τὸ τῶν
δαιμόνων, ὃ διὰ πολλῆς μὲν αὐτοῖς ῥᾳστώνης, διὰ πολλῆς
δ´ ἡμῖν, ἐπιμελόμενον ἡμῶν, εἰρήνην τε καὶ αἰδῶ καὶ δὴ
ἀφθονίαν δίκης παρεχόμενον, ἀστασίαστα καὶ εὐδαίμονα
τὰ τῶν ἀνθρώπων ἀπειργάζετο γένη. Λέγει δὴ καὶ νῦν
οὗτος ὁ λόγος ἀληθείᾳ χρώμενος, ὅσων πόλεων μὴ
θεός, ἀλλά τις ἄρχει θνητός, οὐκ ἔστι κακῶν αὐτοῖς
οὐδὲ πόνων ἀνάψυξις· ἀλλὰ μιμεῖσθαι δεῖν ἡμᾶς οἴεται
πάσῃ μηχανῇ τὸν ἐπὶ τοῦ Κρόνου λεγόμενον βίον, καὶ
ὅσον ἐν ἡμῖν ἀθανασίας ἔνεστι, τούτῳ πειθομένους δημοσίᾳ
καὶ ἰδίᾳ τάς τε οἰκήσεις καὶ τὰς πόλεις διοικεῖν, τὴν
τοῦ νοῦ διανομὴν ὀνομάζοντας νόμον. Εἰ δὲ ἄνθρωπος εἷς
ἢ ὀλιγαρχία τις ἢ δημοκρατία ψυχὴν ἔχουσα ἡδονῶν καὶ
ἐπιθυμιῶν ὀρεγομένην καὶ πληροῦσθαι τούτων δεομένην
ἄρξει δὴ πόλεώς τινος ἢ ἰδιώτου καταπατήσας τοὺς
νόμους, οὐκ ἔστι σωτηρίας μηχανή.» Ταύτην ἐγώ σοι τὴν
ῥῆσιν ἐξεπίτηδες ὅλην παρέγραψα, μή με κλέπτειν ὑπολάβῃς
καὶ κακουργεῖν μύθους ἀρχαίους προφέροντα, τυχὸν
μὲν ἐμφερῶς, οὐ μὴν ἀληθῶς πάντη ξυγκειμένους. Ἀλλ´ ὅ
γε ἀληθὴς ὑπὲρ αὐτῶν λόγος τί φησιν; Ἀκούεις ὅτι, κἂν
ἄνθρωπός τις ᾖ τῇ φύσει, θεῖον εἶναι χρὴ τῇ προαιρέσει
καὶ δαίμονα, πᾶν ἅπλως ἐκβαλόντα τὸ θνητὸν καὶ θηριῶδες
τῆς ψυχῆς, πλὴν ὅσα ἀνάγκη διὰ τὴν τοῦ σώματος παραμένειν
σωτηρίαν. Ταῦτα εἴ τις ἐννοῶν δέδοικεν ἐπὶ τηλικοῦτον
ἑλκόμενος βίον, ἆρά σοι φαίνεται τὴν ἐπικούρειον
θαυμάζειν ἀπραγμοσύνην καὶ τοὺς κήπους καὶ τὸ προάστειον
τῶν Ἀθηνῶν καὶ τὰς μυρρίνας καὶ τὸ Σωκράτους
δωμάτιον; Ἀλλ´ οὐκ ἔστιν ὄπου γε ἐγὼ ταῦτα προτιμήσας
τῶν πόνων ὤφθην.
| [5] Du reste, je ne suis pas le seul qui croie que la fortune est la
souveraine des affaires de ce monde. Je puis te citer ce qu'en dit Platon
dans son admirable livre des Lois. Tu connais le passage et tu me l'as
appris; mais, afin de te montrer que ce n'est point par faiblesse que je
pense de la sorte, j'ai cru devoir transcrire ses paroles, qui sont à peu
près ainsi : « Dieu est le maître de tout, et après Dieu la fortune
et l'occasion gouvernent toutes les choses humaines. On est moins exclusif
cependant en admettant un troisième principe et en ajoutant l'art aux deux
autres. » Platon, pour montrer ensuite quel doit être celui qui conçoit et
qui exécute de bonnes actions, fait le portrait d'un dieu souverain.
« Saturne, dit-il, reconnaissant qu'aucune nature humaine, ainsi que nous
l'avons démontré, n'est capable de gouverner les hommes, avec une autorité
absolue, sans s'abandonner à la violence et à l'injustice, préposa, par
suite de cette idée, pour chefs et pour rois dans nos cités, non pas des
hommes, mais des démons d'une nature supérieure et divine. C'est ce que
nous faisons pour nos moutons et pour nos autres troupeaux. Nous ne
mettons pas des bœufs à la tête des bœufs, ni des chèvres à la tète des
chèvres, mais nous les conduisons nous-mêmes, étant d'une espèce
supérieure à eux. Ainsi ce dieu, dans sa philanthropie, nous fit gouverner
par des démons, race supérieure à la nôtre. Ces démons, sans beaucoup de
peine pour eux et avec beaucoup de douceur pour nous, faisant fleurir la
paix, la pudeur et une justice parfaite, procurèrent aux générations
humaines la concorde et le bonheur. Ce récit ne sort point de la vérité,
en nous montrant que toutes les villes qui ne sont point régies par un
dieu, mais par un mortel, ne sauraient trouver de remède à leurs maux et à
leurs peines. Il nous fait voir que nous devons nous rapprocher par tous
les moyens possibles du genre de vie inauguré par Saturne, et confier à là
partie immortelle de notre être la direction des affaires publiques et
privées, la gestion des familles et des États, en donnant le nom de lois
aux préceptes émanés de la raison. Si un monarque absolu , si une
oligarchie ou une démocratie, dont l'âme, asservie aux passions et aux
plaisirs, ne s'en peut assouvir jamais, veut commander à une cité ou à un
individu, il foulera aux pieds toutes les lois et il n'y aura plus aucun
espoir de salut. » Je t'ai transcrit à dessein ce passage tout entier,
pour que tu ne m'accuses point de dol ou de mauvaise foi, quand je cite
les paroles des anciens, d'une manière approchante, mais pas tout à fait
vraie. Mais que fait cette citation vraie à ce dont il est question entre
nous? Tu vois qu'un prince, homme par sa nature, a besoin de devenir par
les sentiments un être divin, un démon, et de bannir entièrement de son
âme ce qu'elle a de mortel et d'animal, excepté ce qui est nécessaire pour
la conservation du corps. Lors donc que l'on a peur, en songeant à un état
si parfait, est-ce là ce que tu appelles s'extasier sur la vie fainéante
d'Épicure, les jardins, le faubourg d'Athènes, les allées de myrtes et la
petite maison de Socrate? Non, l'on ne m'a jamais vu préférer ces biens
aux labeurs.
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