[6] Ἀλλ´ ὁ μὲν Περικλῆς, ἅτε δὴ μεγαλόφρων ἀνὴρ καὶ
τραφεὶς ἐλεύθερος ἐν ἐλευθέρᾳ τῇ πόλει, ὑψηλοτέροις
ἐψυχαγώγει λόγοις αὑτόν· ἐγὼ δέ, γεγονὼς ἐκ τούτων
οἷοι νῦν βροτοί εἰσιν,
ἀνθρωπικωτέροις ἐμαυτὸν θέλγω καὶ παράγω λόγοις καὶ τὸ
λίαν πικρὸν ἀφαιρῶ τῆς λύπης, πρὸς ἕκαστον τῶν ἀεί
μοι προσπιπτόντων ἀπὸ τοῦ πράγματος δυσχερῶν τε καὶ
ἀτόπων φαντασμάτων ἐφαρμόζειν τινὰ παραμυθίαν πειρώμενος,
ὥσπερ ἐπῳδὴν θηρίου δήγματι δάκνοντος αὐτὴν
ἔσω τὴν καρδίαν ἡμῶν καὶ τὰς φρένας Ἐκεῖνό τοι πρῶτόν
ἐστί μοι τῶν φαινομένων δυσχερῶν· νῦν ἐγὼ μόνος ἀπολελείψομαι,
καθαρᾶς ἐνδεὴς ὁμιλίας καὶ ἐλευθέρας ἐντεύξεως·
οὐ γὰρ ἔστι μοι τέως ὅτῳ διαλέξομαι θαρρῶν ὁμοίως.
Πότερον οὖν οὐδ´ ἐμαυτῷ διαλέγεσθαι ῥᾴδιόν ἐστί μοι,
ἀλλ´ ἀφαιρήσεταί μέ τις καὶ τὴν ἔννοιαν καὶ προσαναγκάσει
νοεῖν ἕτερα καὶ θαυμάζειν παρ´ ἃ βούλομαι; ἢ τοῦτο μέν
ἐστι τέρας ἤδη καὶ προσόμοιον τῷ γράφειν ἐφ´ ὕδατος καὶ
τῷ λίθον ἕψειν καὶ τῷ ἱπταμένων ὀρνίθων ἐρευνᾶν ἴχνη τῆς
πτήσεως; οὐκοῦν ἐπειδὴ τούτων ἡμᾶς οὐδεὶς ἀφαιρήσεται,
συνεσόμεθα δήπουθεν αὐτοί πως ἑαυτοῖς, ἴσως δὲ καὶ ὁ
δαίμων ὑποθήσεταί τι χρηστόν· οὐ γὰρ εἰκὸς ἄνδρα ἑαυτὸν
ἐπιτρέψαντα τῷ κρείττονι παντάπασιν ἀμεληθῆναι καὶ
καταλειφθῆναι παντελῶς ἔρημον· ἀλλ´ αὐτοῦ καὶ ὁ θεὸς
χεῖρα ἑὴν ὑπερέσχε
καὶ θάρσος δίδωσι καὶ μένος ἐμπνεῖ καὶ τὰ πρακτέα
τίθησιν ἐπὶ νοῦν καὶ τῶν μὴ πρακτέων ἀφίστησιν. Εἵπετό
τοι καὶ Σωκράτει δαιμονία φωνὴ κωλύουσα πράττειν ὅσα
μὴ χρεὼν ἦν. Φησὶ δὲ καὶ Ὅμηρος ὑπὲρ Ἀχιλλέως
"Τῷ γὰρ ἐπὶ φρεσὶ θῆκεν",
ὡς τοῦ θεοῦ καὶ τὰς ἐννοίας ἡμῶν ἐγείροντος, ὅταν ἐπιστρέψας
ὁ νοῦς εἰς ἑαυτὸν αὑτῷ τε πρότερον ξυγγένηται
καὶ τῷ θεῷ δι´ ἑαυτοῦ μόνου, κωλυόμενος ὑπ´ οὐδενός. Οὐ
γὰρ ἀκοῆς ὁ νοῦς δεῖται πρὸς τὸ μαθεῖν οὐδὲ μὴν ὁ θεὸς
φωνῆς πρὸς τὸ διδάξαι τὰ δέοντα, ἀλλ´ αἰσθήσεως ἔξω
πάσης ἀπὸ τοῦ κρείττονος ἡ μετουσία γίνεται τῷ νῷ·
τίνα μὲν τρόπον καὶ ὅπως, οὐ σχολὴ νῦν ἐπεξιέναι· τὸ
δ´ ὅτι γίνεται, δῆλοι καὶ σαφεῖς οἱ μάρτυρες, οὐκ ἄδοξοί
τινες οὐδ´ ἐν τῇ Μεγαρέων ἄξιοι τάττεσθαι μερίδι, ἀλλὰ
τῶν ἀπενεγκαμένων ἐπὶ σοφίᾳ τὰ πρῶτα. Οὐκοῦν ἐπειδὴ
χρὴ προσδοκᾶν καὶ θεὸν ἡμῖν παρέσεσθαι πάντως καὶ ἡμᾶς
αὐτοὺς αὑτοῖς συνέσεσθαι, τὸ λίαν δυσχερὲς ἀφαιρετέον
ἐστὶ τῆς λύπης. Ἐπεὶ καὶ τὸν Ὀδυσσέα μόνον ἐν τῇ νήσῳ
καθειργμένον ἑπτὰ τοὺς πάντας ἐνιαυτούς, εἶτ´ ὀδυρόμενον,
τῆς μὲν ἄλλης ἐπαινῶ καρτερίας, τῶν θρήνων δὲ
οὐκ ἄγαμαι· τί γὰρ ὄφελος «πόντον ἐπ´ ἰχθυόεντα
δέρκεσθαι καὶ λείβειν δάκρυα»; τὸ δὲ μὴ προέσθαι
μηδ´ ἀπαγορεῦσαι πρὸς τὴν τύχην, ἀλλ´ ἄνδρα μέχρις
ἐσχάτων γενέσθαι φόβων καὶ κινδύνων, τοῦτο ἔμοιγε φαίνεται
μεῖζον ἢ κατὰ ἄνθρωπον. Οὐ δὴ δίκαιον ἐπαινεῖν μὲν
αὐτούς, μὴ μιμεῖσθαι δέ, μηδὲ νομίζειν ὡς ἐκείνοις μὲν ὁ
θεὸς προθύμως συνελάμβανε, τοὺς δὲ νῦν περιόψεται τῆς
ἀρετῆς ὁρῶν ἀντιποιουμένους, δι´ ἥνπερ ἄρα κἀκείνοις
ἔχαιρεν· οὐ γὰρ διὰ τὸ κάλλος τοῦ σώματος, ἐπεί τοι καὶ
τὸν Νιρέα μᾶλλον ἐχρῆν ἀγαπᾶσθαι, οὐδὲ διὰ τὴν ἰσχύν,
ἀπείρῳ γὰρ ὅσῳ Λαιστρυγόνες καὶ Κύκλωπες ἦσαν αὐτοῦ
κρείττους, οὐδὲ διὰ τὸν πλοῦτον, οὕτω γὰρ ἂν ἔμεινεν
ἀπόρθητος ἡ Τροία. Τί δὲ δεῖ πράγματα ἔχειν αὐτὸν
ἐπιζητοῦντα τὴν αἰτίαν δι´ ἣν Ὀδυσσέα φησὶν ὁ ποιητὴς
θεοφιλῆ, αὐτοῦ γε ἐξὸν ἀκούειν;
"Οὕνεκ´ ἐπητής ἐσσι καὶ ἀγχίνοος καὶ ἐχέφρων".
Δῆλον οὖν ὡς, εἴπερ ἡμῖν ταῦτα προσγένοιτο, τὸ κρεῖττον
οὐκ ἐλλείψει τὰ παρ´ ἑαυτοῦ, ἀλλὰ καὶ κατὰ τὸν δοθέντα
πάλαι ποτὲ Λακεδαιμονίοις χρησμὸν καλούμενός τε καὶ
ἄκλητος ὁ θεὸς παρέσται.
| [6] Voilà comment Périclès, grand cœur, citoyen libre et nourri dans une
cité libre, relevait son âme par ces sublimes pensées. Pour moi, qui dois
la naissance "A des mortels ainsi qu'on en voit aujourd'hui",
je me console et me distrais par des considérations plus humaines :
j'enlève quelque amertume à ma douleur et je cherche à tempérer par
quelque remède consolant chacune des images cruelles et étranges que la
circonstance présente fait fondre à chaque instant sur moi. C'est un baume
à la dent d'une bête, dont la morsure a pénétré dans notre cœur et jusqu'à
notre âme. Oui, c'est la première de mes douleurs cuisantes. Désormais je
demeurerai seul, privé de nos sincères entretiens, de nos libres causeries
: car il n'y a plus personne avec qui je puisse converser de même avec un
entier abandon. Mais ne m'est-il donc pas possible de converser avec
moi-même? Oui, si l'on m'enlève la pensée, si l'on me contraint de songer
et de me complaire à autre chose que ce que je veux. Mais n'est-ce pas
écrire sur l'eau, faire cuire une pierre, ou suivre la trace du vol des
oiseaux? Il est un bien que l'on ne peut nous ravir : jouissons-en :
soyons toujours l'un avec l'autre : peut-être le ciel nous suggérera-t-il
quelque chose de meilleur. Car il n'est pas vraisemblable que l'Être
suprême néglige tout à fait et abandonne entièrement celui qui a mis en
lui sa confiance. Dieu, au contraire, lui tend la main, lui rend le
courage, lui inspire la force, lui fait entrer ce qu'il doit faire dans la
pensée et le détourne de ce qu'il ne doit point faire. Une voix divine
accompagnait ainsi Socrate et lui interdisait tout ce dont il devait
s'abstenir, et Homère a dit, en parlant d'Achille,
". . . Junon lui mit au cœur cette pensée",
comme pour nous faire entendre que Dieu réveille les pensées dans notre
âme, lorsque notre esprit, se repliant sur lui-même, commence par se
reconnaître, et se lie ensuite spontanément avec la Divinité, sans
éprouver aucun obstacle. Car l'esprit n'a pas plus besoin d'oreilles pour
comprendre que Dieu n'a besoin de voix pour enseigner ce qui doit être
fait; mais, en dehors de toute espèce de sens, il y a communication entre
notre esprit et l'Être suprême. Comment et par quel moyen, je n'ai pas le
loisir de l'examiner en ce moment; mais le fait existe; il est attesté par
des témoins sûrs, connus, et qui ne méritent pas d'être confondus avec les
Mégariens, mais par des hommes que leur sagesse place au premier
rang. Si donc nous pouvons compter sur l'entière assistance divine et sur
l'espoir de vivre ensemble, il est juste de mettre des bornes à notre
tristesse. Certes, quand je vois Ulysse enfermé seul dans une île durant
sept longues années et déplorant son sort, j'admire ailleurs sa patience,
mais ici je n'aime point ses lamentations. Que lui servait
"De jeter ses regards sur la mer poissonneuse,
Et de verser des pleurs?"
Ne pas se laisser abattre, ne jamais désespérer de la fortune, mais se
montrer homme au milieu des labeurs et des dangers les plus
redoutables, me semble, j'en conviens, au-dessus de la nature humaine.
Mais il ne serait pas juste de louer les héros anciens sans les imiter, et
de croire que Dieu, qui s'est plu à les secourir, néglige les hommes de
notre temps, qu'il voit ornés des vertus qui l'ont charmé dans les autres.
En effet, ce n'est point la beauté qui lui plaît dans Ulysse : autrement
il eût préféré Nirée; ni la force : les Lestrygons et les Cyclopes
lui étaient de beaucoup supérieurs ; ni la richesse : car Troie fût
demeurée inexpugnable. Mais pourquoi nous donner la peine de chercher le
motif pour lequel le poète dit qu'Ulysse était aimé de Dieu? On peut
l'apprendre de lui-même : "Parce que ton esprit répond à ta prudence".
Il est évident que, si nous cultivons les mêmes vertus, la même faveur
divine ne nous fera pas plus défaut qu'à lui; mais, suivant l'oracle rendu
jadis aux Lacédémoniens, appelé ou non appelé, le dieu viendra vers nous.
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