[50] Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐδὲ τὰς ἄλλας αἰσχύνας ἀγνοεῖν τὰς διὰ πενίαν
καὶ φυγὴν γιγνομένας, ἃς ἡμεῖς τῇ μὲν διανοίᾳ χαλεπώτερον τῶν ἄλλων φέρομεν, τῷ δὲ
λόγῳ παραλείπομεν, αἰσχυνόμενοι λίαν ἀκριβῶς τὰς ἡμετέρας αὐτῶν ἀτυχίας ἐξετάζειν.
(51) Ὧν αὐτοὺς ὑμᾶς ἀξιοῦμεν ἐνθυμουμένους ἐπιμέλειάν τινα ποιήσασθαι περὶ ἡμῶν.
Καὶ γὰρ οὐδ' ἀλλότριοι τυγχάνομεν ὑμῖν ὄντες, ἀλλὰ ταῖς μὲν εὐνοίαις ἅπαντες οἰκεῖοι, τῇ δὲ
συγγενείᾳ τὸ πλῆθος ἡμῶν· διὰ γὰρ τὰς ἐπιγαμίας τὰς δοθείσας ἐκ πολιτίδων ὑμετέρων
γεγόναμεν· ὥστ' οὐχ οἷόν θ' ὑμῖν ἀμελῆσαι περὶ ὧν ἐληλύθαμεν δεησόμενοι. Καὶ γὰρ ἂν
πάντων εἴη δεινότατον, (52) εἰ πρότερον μὲν ἡμῖν μετέδοτε τῆς πατρίδος τῆς ὑμετέρας
αὐτῶν, νῦν δε μηδὲ τὴν ἡμετέραν ἀποδοῦναι δόξειεν ὑμῖν. Ἔπειτ' οὐδ' εἰκὸς ἕνα μὲν
ἕκαστον ἐλεεῖσθαι τῶν παρὰ τὸ δίκαιον δυστυχούντων, ὅλην δὲ πόλιν οὕτως ἀνόμως
διεφθαρμένην μηδὲ κατὰ μικρὸν οἴκτου δυνηθῆναι τυχεῖν, ἄλλως τε καὶ παρ' ὑμᾶς
καταφυγοῦσαν, οἷς οὐδὲ τὸ πρότερον αἰσχρῶς οὐδ' ἀκλεῶς ἀπέβη τοὺς ἱκέτας ἐλεήσασιν.
(53) Ἐλθόντων γὰρ Ἀργείων ὡς τοὺς προγόνους ὑμῶν καὶ δεηθέντων ἀνελέσθαι τοὺς
ὑπὸ τῇ Καδμείᾳ τελευτήσαντας, πεισθέντες ὑπ' ἐκείνων καὶ Θηβαίους ἀναγκάσαντες
βουλεύσασθαι νομιμώτερον οὐ μόνον αὐτοὶ κατ' ἐκείνους τοὺς καιροὺς εὐδοκίμησαν, ἀλλὰ
καὶ τῇ πόλει δόξαν ἀείμνηστον εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον κατέλιπον, ἧς οὐκ ἄξιον προδότας
γενέσθαι. Καὶ γὰρ αἰσχρὸν φιλοτιμεῖσθαι μὲν ἐπὶ τοῖς τῶν προγόνων ἔργοις, φαίνεσθαι δ'
ἐκείνοις τἀναντία περὶ τῶν ἱκετῶν πράττοντας.
(54) Καίτοι πολὺ περὶ μειζόνων καὶ δικαιοτέρων ἥκομεν ποιησόμενοι τὰς δεήσεις· οἱ
μὲν γὰρ ἐπὶ τὴν ἀλλοτρίαν στρατεύσαντες ἱκέτευον ὑμᾶς, ἡμεῖς δὲ τὴν ἡμετέραν αὐτῶν
ἀπολωλεκότες, κἀκεῖνοι μὲν παρεκάλουν ἐπὶ τὴν τῶν νεκρῶν ἀναίρεσιν, ἡμεῖς δ' ἐπὶ τὴν
τῶν λοιπῶν σωτηρίαν. (55) Ἔστι δ' οὐκ ἴσον κακὸν οὐδ' ὅμοιον τοὺς τεθνεῶτας ταφῆς
εἴργεσθαι καὶ τοὺς ζῶντας πατρίδος ἀποστερεῖσθαι καὶ τῶν ἄλλων ἀγαθῶν ἁπάντων, ἀλλὰ
τὸ μὲν δεινότερον τοῖς κωλύουσιν ἢ τοῖς ἀτυχοῦσι, τὸ δὲ μηδεμίαν ἔχοντα καταφυγὴν ἀλλ'
ἄπολιν γενόμενον καθ' ἑκάστην τὴν ἡμέραν κακοπαθεῖν καὶ τοὺς αὑτοῦ περιορᾶν μὴ
δυνάμενον ἐπαρκεῖν, τί δεῖ λέγειν ὅσον τὰς ἄλλας συμφορὰς ὑπερβέβληκεν;
(56) Ὑπὲρ ὧν ἅπαντας ὑμᾶς ἱκετεύομεν ἀποδοῦναι τὴν χώραν ἡμῖν καὶ τὴν πόλιν,
τοὺς μὲν πρεσβυτέρους ὑπομιμνῄσκοντες, ὡς οἰκτρὸν τοὺς τηλικούτους ὁρᾶσθαι
δυστυχοῦντας καὶ τῶν καθ' ἡμέραν ἀποροῦντας, τοὺς δὲ νεωτέρους ἀντιβολοῦντες καὶ
δεόμενοι βοηθῆσαι τοῖς ἡλικιώταις καὶ μὴ περιιδεῖν ἔτι πλείω κακὰ τῶν εἰρημένων
παθόντας. (57) Ὀφείλετε δὲ μόνοι τῶν Ἑλλήνων τοῦτον τὸν ἔρανον, ἀναστάτοις ἡμῖν
γεγενημένοις ἐπαμῦναι. Καὶ γὰρ τοὺς ἡμετέρους προγόνους φασὶν ἐκλιπόντων τῶν
ὑμετέρων πατέρων ἐν τῷ Περσικῷ πολέμῳ ταύτην τὴν χώραν μόνους τῶν ἔξω
Πελοποννήσου κοινωνοὺς ἐκείνοις τῶν κινδύνων γενομένους συνανασῶσαι τὴν πόλιν
αὐτοῖς· ὥστε δικαίως ἂν τὴν αὐτὴν εὐεργεσίαν ἀπολάβοιμεν ἥνπερ αὐτοὶ τυγχάνομεν εἰς
ὑμᾶς ὑπάρξαντες.
(58) Εἰ δ' οὖν καὶ μηδὲν ὑμῖν τῶν σωμάτων τῶν ἡμετέρων δέδοκται φροντίζειν, ἀλλὰ
τήν γε χώραν οὐ πρὸς ὑμῶν ἐστὶν ἀνέχεσθαι πεπορθημένην, ἐν ᾗ μέγιστα σημεῖα τῆς
ἀρετῆς τῆς ὑμετέρας καὶ τῶν ἄλλων τῶν συναγωνισαμένων καταλείπεται· (59) τὰ μὲν γὰρ
ἄλλα τρόπαια πόλει πρὸς πόλιν γέγονεν, ἐκεῖνα δ' ὑπὲρ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος πρὸς ὅλην
τὴν ἐκ τῆς Ἀσίας δύναμιν ἕστηκεν. Ἃ Θηβαῖοι μὲν εἰκότως ἀφανίζουσι, τὰ γὰρ μνημεῖα τῶν
τότε γενομένων αἰσχύνη τούτοις ἐστίν, ὑμῖν δὲ προσήκει διασῴζειν· ἐξ ἐκείνων γὰρ τῶν
ἔργων ἡγεμόνες κατέστητε τῶν Ἑλλήνων.
| [50] Vous ne pouvez, ignorer les autres humiliations qui accompagnent l'exil
et la pauvreté, elles sont pour notre courage plus dures à supporter que toutes les autres
calamités, mais nous les passons sous silence ; nous aurions trop à rougir, s'il nous fallait
présenter le tableau complet de nos désastres.
(51) 20. Nous vous supplions, Athéniens, de vous pénétrer de cette situation, et de
nous secourir dans notre infortune. Nous ne vous sommes point étrangers ; nous vous
appartenons tous par les sentiments d'affection, et la plupart d'entre nous vous sont unis
par les liens d'une origine commune ; nous sommes le fruit des alliances que nos pères
ont contractées avec des femmes sorties des villes que vous habitez ; il vous est donc
impossible d'accueillir avec indifférence les demandes que nous sommes venus vous
présenter. Il y aurait quelque chose de monstrueux (52) si, après nous avoir autrefois
admis à partager votre patrie, vous décidiez aujourd'hui que la nôtre ne nous sera pas
rendue. Il serait même contraire à la raison, lorsque chacun de ceux que le malheur
accable injustement est sûr de vous inspirer de la pitié, qu'une ville entière détruite avec
tant d'iniquité ne pût pas obtenir de vous une légère commisération, lorsque surtout c'est
vers vous qu'elle se réfugie, vous qui, dans d'autres temps, avez mérité une noble gloire
par votre compassion envers ceux qui se faisaient vos suppliants.
(53) 21. Les Argiens, autrefois, s'étant présentés devant vos ancêtres et ayant
imploré leur assistance afin de pouvoir enlever les corps de leurs concitoyens morts sous
les murs de la Cadmée, vos ancêtres se laissèrent toucher par leurs prières, et, en
obligeant les Thébains à prendre une résolution plus conforme à la justice, non seulement
ils acquirent à cette époque une grande renommée pour eux-mêmes, mais ils transmirent
à leur patrie une gloire qui se perpétuera d'âge en âge, et qu'il serait indigne de trahir. Ne
serait-ce pas une honte, lorsque vous vous glorifiez des actes de vos pères, que l'on vous
vît agir autrement à l'égard de ceux qui vous implorent?
(54) 22. Nous venons d'ailleurs vous solliciter en faveur d'intérêts beaucoup plus
grands et d'une cause beaucoup plus juste. Les Argiens imploraient votre secours après
avoir porté la guerre sur un territoire étranger ; nous, c'est après avoir perdu notre patrie ;
ils imploraient votre appui pour enlever leurs morts, et nous, nous vous implorons pour le
salut de ceux qui vivent encore. (55) Être privé de sépulture, quand on a perdu la vie,
n'est pas un malheur égal ou même semblable à celui d'être dépouillé vivant de sa patrie
et de tous les biens que l'on possède : il y a quelque chose de plus odieux pour ceux qui
refusent un tombeau que pour ceux qui ne peuvent l'obtenir ; mais exister sans patrie,
sans avoir aucun refuge, souffrir soi-même chaque jour et voir souffrir tous les siens sans
pouvoir les secourir, est-il besoin de dire à quel point un tel malheur surpasse tous les
autres ?
(56) 23. Appuyés sur ces motifs, nous vous supplions tous, Athéniens, de nous
rendre notre pays, de nous rendre notre patrie. Nous nous adressons aux vieillards, en
leur rappelant à quel point il est douloureux de voir des hommes accablés par les années
gémissant sous le poids de la misère et manquant du pain de chaque jour. Nous nous
adressons aux jeunes gens, en les priant, en les conjurant de secourir les hommes de
leur âge et de ne pas les voir avec indifférence en proie à des maux plus grands encore
que ceux dont nous avons fait le tableau. (57) Seuls, entre tous les Grecs, lorsque nous
sommes chassés de notre patrie, vous nous devez ce témoignage de reconnaissance,
car l'histoire nous apprend qu'à l'époque de la guerre Persique, vos ancêtres ayant
abandonné leur pays, nos pères, parmi tous les peuples qui habitaient en dehors du
Péloponnèse, furent les seuls qui s'unirent à leurs dangers, et les aidèrent à relever leur
patrie. Il est donc juste que nous recevions de vous un bienfait semblable à celui dont, les
premiers, nous vous avons donné l'exemple.
(58) 24. Lors même que vous auriez résolu de ne tenir aucun compte de nos
malheurs personnels, il ne serait pas digne de vous de supporter la dévastation d'une
terre sur laquelle reposent les plus nobles monuments de votre valeur et de celle des
peuples qui ont combattu avec vous. (59) Les autres trophées rappellent les avantages
qu'une ville a remportés sur une ville rivale; ceux-ci ont été élevés pour consacrer le
triomphe complet de la Grèce sur toutes les forces de l'Asie. Certes, les Thébains
voudraient les faire disparaître, parce que, rappelant les faits accomplis à cette époque,
ils sont une honte pour eux ; mais c'est pour vous un devoir de les sauver, puisque ces
faits glorieux vous ont placés à la tète de la Grèce.
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