[60] Χρὴ δὲ τοὺς καὶ μικρὰ λογίζεσθαι
δυναμένους οὐκ ἐν τοῖς τῶν ἐχθρῶν ἁμαρτήμασι τὰς ἐλπίδας ἔχειν τῆς σωτηρίας, ἀλλ'
ἐν τοῖς αὑτῶν πράγμασι καὶ ταῖς αὑτῶν διανοίαις· τὸ μὲν γὰρ διὰ τὴν ἐκείνων ἀμαθίαν
συμβαῖνον ἡμῖν ἀγαθὸν τυχὸν ἂν παύσαιτο καὶ λάβοι μεταβολήν, τὸ δὲ δι' ἡμᾶς αὐτοὺς
γιγνόμενον βεβαιοτέρως ἂν ἔχοι καὶ μᾶλλον παραμείνειεν ἡμῖν.
(61) Πρὸς μὲν οὖν τοὺς εἰκῇ τὰς ἐπιλήψεις ποιουμένους οὐ χαλεπὸν ἀντειπεῖν· εἰ δὲ
δή τίς μοι παραστὰς τῶν ἐπιεικέστερον διακειμένων ἀληθῆ μὲν λέγειν με
προσομολογήσειε καὶ προσηκόντως ἐπιτιμᾶν τοῖς γιγνομένοις, δίκαιον δ' εἶναι φαίη τοὺς
ἐπ' εὐνοίᾳ νουθετοῦντας μὴ μόνον κατηγορεῖν τῶν πεπραγμένων, (62) ἀλλὰ καὶ
συμβουλεύειν τίνων ἀπεχόμενοι καὶ ποίων ὀρεγόμενοι παυσαίμεθ' ἂν ταύτην ἔχοντες
τὴν γνώμην καὶ τοιαῦτ' ἐξαμαρτάνοντες, οὗτος ὁ λόγος ἀπορεῖν ἄν με ποιήσειεν
ἀποκρίσεως, οὐκ ἀληθοῦς καὶ συμφερούσης, ἀλλ' ἀρεσκούσης ὑμῖν. Οὐ μὴν ἀλλ'
ἐπειδή περ ἀποκεκαλυμμένως ὥρμημαι λέγειν, οὐκ ἀποκνητέον ἀποφήνασθαι καὶ περὶ
τούτων.
(63) Ἃ μὲν οὖν ὑπάρχειν δεῖ τοῖς μέλλουσιν εὐδαιμονήσειν, τὴν εὐσέβειαν καὶ τὴν
σωφροσύνην καὶ τὴν δικαιοσύνην καὶ τὴν ἄλλην ἀρετὴν ὀλίγῳ πρότερον εἰρήκαμεν· ὡς
δ' ἂν τάχιστα πρὸς τὸ τοιοῦτοι γενέσθαι παιδευθεῖμεν, ἀληθὲς μέν ἐστι τὸ ῥηθησόμενον,
ἴσως δ' ἂν ἀκούσασιν ὑμῖν δεινὸν εἶναι δόξειε καὶ παρὰ πολὺ τῆς τῶν ἄλλων
ἐξηλλαγμένον διανοίας.
(64) Ἐγὼ γὰρ ἡγοῦμαι καὶ τὴν πόλιν ἡμᾶς ἄμεινον οἰκήσειν καὶ βελτίους αὐτοὺς
ἔσεσθαι καὶ πρὸς ἁπάσας τὰς πράξεις ἐπιδώσειν, ἢν παυσώμεθα τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ
θάλατταν ἐπιθυμοῦντες. Αὕτη γάρ ἐστιν ἡ καὶ νῦν εἰς ταραχὴν ἡμᾶς καθιστᾶσα, καὶ τὴν
δημοκρατίαν ἐκείνην καταλύσασα μεθ' ἧς οἱ πρόγονοι ζῶντες εὐδαιμονέστατοι τῶν
Ἑλλήνων ἦσαν, καὶ σχεδὸν ἁπάντων αἰτία τῶν κακῶν ὧν αὐτοί τ' ἔχομεν καὶ τοῖς ἄλλοις
παρέχομεν. (65) Οἶδα μὲν οὖν ὅτι χαλεπόν ἐστι δυναστείας ὑπὸ πάντων ἐρωμένης καὶ
περιμαχήτου γεγενημένης κατηγοροῦντα δοκεῖν ἀνεκτόν τι λέγειν· ὅμως δ' ἐπειδή περ
ὑπεμείνατε καὶ τοὺς ἄλλους λόγους, ἀληθεῖς μὲν ὄντας φιλαπεχθήμονας δέ, καὶ τοῦτον
ὑμῶν ἀνασχέσθαι δέομαι, (66) καὶ μὴ καταγνῶναί μου τοιαύτην μανίαν, ὡς ἄρ' ἐγὼ
προειλόμην ἂν διαλεχθῆναι πρὸς ὑμᾶς περὶ πραγμάτων οὕτω παραδόξων, εἰ μή τι
λέγειν ἀληθὲς εἶχον περὶ αὐτῶν. Νῦν δ' οἶμαι πᾶσι φανερὸν ποιήσειν ὡς οὔτε δικαίας
ἀρχῆς ἐπιθυμοῦμεν οὔτε γενέσθαι δυνατῆς οὔτε συμφερούσης ἡμῖν.
(67) Ὅτι μὲν οὖν οὐ δικαίας, παρ' ὑμῶν μαθὼν ὑμᾶς ἔχω διδάσκειν. Ὅτε γὰρ
Λακεδαιμόνιοι ταύτην εἶχον τὴν δύναμιν, ποίους λόγους οὐκ ἀνηλώσαμεν
κατηγοροῦντες μὲν τῆς ἐκείνων ἀρχῆς, διεξιόντες δ' ὡς δίκαιόν ἐστιν αὐτονόμους εἶναι
τοὺς Ἕλληνας; (68) Τίνας δὲ τῶν πόλεων τῶν ἐλλογίμων οὐ παρεκαλέσαμεν ἐπὶ τὴν
συμμαχίαν τὴν ὑπὲρ τούτων συστᾶσαν; Πόσας δὲ πρεσβείας ὡς βασιλέα τὸν μέγαν
ἀπεστείλαμεν, διδαξούσας αὐτὸν ὡς οὔτε δίκαιόν ἐστιν οὔτε συμφέρον μίαν πόλιν
κυρίαν εἶναι τῶν Ἑλλήνων; Οὐ πρότερον δ' ἐπαυσάμεθα πολεμοῦντες καὶ
κινδυνεύοντες καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν, πρὶν ἠθέλησαν Λακεδαιμόνιοι
ποιήσασθαι τὰς συνθήκας τὰς περὶ τῆς αὐτονομίας.
(69) Ὅτι μὲν οὖν οὐ δίκαιόν ἐστι τοὺς κρείττους τῶν ἡττόνων ἄρχειν, ἐν ἐκείνοις τε
τοῖς χρόνοις τυγχάνομεν ἐγνωκότες, καὶ νῦν ἐπὶ τῆς πολιτείας τῆς παρ' ἡμῖν
καθεστηκυίας· ὡς δ' οὐδ' ἂν δυνηθείημεν τὴν ἀρχὴν ταύτην καταστήσασθαι, ταχέως
οἶμαι δηλώσειν. Ἣν γὰρ μετὰ μυρίων ταλάντων οὐχ οἷοί τ' ἦμεν διαφυλάξαι, πῶς ἂν
ταύτην ἐκ τῆς παρούσης ἀπορίας κτήσασθαι δυνηθεῖμεν, ἄλλως τε καὶ χρώμενοι τοῖς
ἤθεσιν οὐχ οἷς ἐλάβομεν ἀλλ' οἷς ἀπωλέσαμεν αὐτήν;
| [60] Les hommes, et même ceux qui ne possèdent qu'une intelligence ordinaire, ne doivent
pas fonder l'espoir de leur salut sur les fautes de leurs ennemis, mais ils doivent se
confier dans leurs propres ressources et dans la sagesse de leurs conseils. Le bien
qui nous arrive par les fausses combinaisons de nos adversaires peut facilement
cesser ou se changer en mal ; celui qui vient de nous-mêmes est plus solide et plus durable.
(61) 19. Il n'est pas difficile de réfuter ceux qui critiquent au hasard; mais si
quelqu'un, doué d'un esprit plus sensé, se présentait à moi, et, après avoir reconnu
que je dis la vérité et que je blâme avec justice les choses qui se sont passées,
ajoutait que ceux qui donnent des avis inspirés par la bienveillance ne doivent pas
seulement incriminer les faits accomplis, (62) mais qu'ils doivent encore, après nous
avoir indiqué ce qu'il faut faire comme ce qu'il convient d'éviter, nous donner des
conseils à l'aide desquels nous puissions corriger notre opinion et notre conduite : un
tel discours me mettrait dans l'embarras pour y faire une réponse, non pas vraie, non
pas utile, mais qui fût de nature à vous plaire. Néanmoins, puisque j'ai entrepris de
vous parler ouvertement, je n'hésiterai pas à m'expliquer, même sur ce sujet.
(63) 20. Nous avons indiqué tout à l'heure les qualités qui doivent exister chez les
hommes pour qu'ils puissent être heureux : la piété, la sagesse, la justice et tout ce qui
constitue la vertu. Quant aux institutions qui peuvent nous conduire le plus rapidement
au but, ce que je dirai sera vrai, mais pourra vous sembler sévère lorsque vous
l'entendrez, et à beaucoup d'égards éloigné de l'opinion commune.
(64) 21. Je crois que nous administrerons mieux notre ville, que nous deviendrons
nous-mêmes meilleurs, et que nous obtiendrons des succès dans toutes nos affaires,
si nous cessons d'aspirer à la suprématie sur la mer. C'est elle qui a produit les
troubles au milieu desquels nous vivons ; qui a dissous la démocratie, sous l'empire de
laquelle nos ancêtres ont été les plus heureux des Grecs; c'est elle qui est la cause de
presque tous les maux que nous souffrons et de ceux que nous faisons souffrir aux
autres. (65) Je sais qu'il est difficile de paraître s'exprimer d'une manière supportable,
quand on accuse une domination objet de tous les vœux, but de tous les efforts ; mais
puisque jusqu'ici vous avez consenti à entendre des paroles qui, bien qu'elles fussent
vraies, pouvaient vous sembler odieuses, je vous demande de m'accorder encore la
même tolérance (66) et de ne pas me condamner comme assez insensé pour avoir
voulu vous entretenir d'objets aussi contraires à l'opinion générale, si je n'avais pas la
vérité pour appui de mes assertions. J'ai d'ailleurs la ferme confiance de rendre
évident pour tous que cette suprématie, à laquelle nous aspirons, n'est ni juste, ni
possible, ni avantageuse pour nous.
(67) 22. Qu'ainsi donc cette domination ne soit pas juste, instruit par vous, je puis
vous instruire à mon tour. Lorsque les Lacédémoniens possédaient la suprématie sur
la mer, que de paroles n'avons-nous pas fait entendre pour accuser leur domination et
pour montrer que les Grecs avaient le droit de se gouverner par leurs lois ! (68) Quelle
est, parmi les villes de la Grèce possédant quelque puissance, celle que nous n'avons
pas exhortée à entrer dans la coalition formée en vue de ces principes? Combien de
fois n'avons-nous pas envoyé des ambassades au Grand Roi pour lui représenter qu'il
n'était ni juste ni utile qu'une seule ville dominât la Grèce entière ! Enfin nous n'avons
pas cessé de faire la guerre et de tenter, sur terre et sur mer, la fortune des combats,
aussi longtemps que les Lacédémoniens n'ont pas consenti à reconnaître par un traité
l'indépendance des Grecs.
(69) 23. Par conséquent, nous avons déclaré alors qu'il était contraire à l'équité
que les plus forts commandassent aux plus faibles, et nous le déclarons encore
aujourd'hui par la forme et la nature de notre gouvernement. Quant à l'impossibilité où
nous sommes de constituer pour nous cette suprématie, je crois pouvoir l'établir en
peu de mots. Si, avec dix mille talents, nous n'avons pas été en état de la conserver,
comment pourrions-nous la reconquérir dans l'état d'épuisement où nous sommes,
lorsque surtout les mœurs qui nous l'avaient fait obtenir sont remplacées par celles qui
nous l'ont fait perdre ?
|