[50]
καὶ σεμνυνόμεθα μὲν καὶ μέγα φρονοῦμεν ἐπὶ τῷ βέλτιον γεγονέναι τῶν ἄλλων, ῥᾴδιον
δὲ μεταδίδομεν τοῖς βουλομένοις ταύτης τῆς εὐγενείας ἢ Τριβαλλοὶ καὶ Λευκανοὶ τῆς
δυσγενείας· πλείστους δὲ τιθέμενοι νόμους οὕτως ὀλίγον αὐτῶν φροντίζομεν, ἓν γὰρ
ἀκούσαντες γνώσεσθε καὶ περὶ τῶν ἄλλων, ὥστε θανάτου τῆς ζημίας ἐπικειμένης, ἤν τις
ἁλῷ δεκάζων, τοὺς τοῦτο φανερώτατα ποιοῦντας στρατηγοὺς χειροτονοῦμεν, καὶ τὸν
πλείστους διαφθεῖραι τῶν πολιτῶν δυνηθέντα, τοῦτον ἐπὶ τὰ μέγιστα τῶν πραγμάτων
καθίσταμεν· (51) σπουδάζοντες δὲ περὶ τὴν πολιτείαν οὐκ ἧττον ἢ περὶ τὴν σωτηρίαν
ὅλης τῆς πόλεως, καὶ τὴν δημοκρατίαν εἰδότες ἐν μὲν ταῖς ἡσυχίαις καὶ ταῖς ἀσφαλείαις
αὐξανομένην καὶ διαμένουσαν, ἐν δὲ τοῖς πολέμοις δὶς ἤδη καταλυθεῖσαν, πρὸς μὲν
τοὺς τῆς εἰρήνης ἐπιθυμοῦντας ὡς πρὸς ὀλιγαρχικοὺς ὄντας δυσκόλως ἔχομεν, τοὺς δὲ
τὸν πόλεμον ποιοῦντας ὡς τῆς δημοκρατίας κηδομένους εὔνους εἶναι νομίζομεν· (52)
ἐμπειρότατοι δὲ λόγων καὶ πραγμάτων ὄντες οὕτως ἀλογίστως ἔχομεν, ὥστε περὶ τῶν
αὐτῶν τῆς αὐτῆς ἡμέρας οὐ ταὐτὰ γιγνώσκομεν, ἀλλ' ὧν μὲν πρὶν εἰς τὴν ἐκκλησίαν
ἀναβῆναι κατηγοροῦμεν, ταῦτα συνελθόντες χειροτονοῦμεν, οὐ πολὺν δὲ χρόνον
διαλιπόντες τοῖς ἐνθάδε ψηφισθεῖσιν, ἐπειδὰν ἀπίωμεν, πάλιν ἐπιτιμῶμεν·
προσποιούμενοι δὲ σοφώτατοι τῶν Ἑλλήνων εἶναι τοιούτοις χρώμεθα συμβούλοις, ὧν
οὐκ ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν καταφρονήσειεν, καὶ τοὺς αὐτοὺς τούτους κυρίους ἁπάντων τῶν
κοινῶν καθίσταμεν, οἷς οὐδεὶς ἂν οὐδὲν τῶν ἰδίων ἐπιτρέψειεν. (53) Ὃ δὲ πάντων
σχετλιώτατον· οὓς γὰρ ὁμολογήσαιμεν ἂν πονηροτάτους εἶναι τῶν πολιτῶν, τούτους
πιστοτάτους φύλακας ἡγούμεθα τῆς πολιτείας εἶναι· καὶ τοὺς μὲν μετοίκους τοιούτους
εἶναι νομίζομεν, οἵους περ ἂν τοὺς προστάτας νέμωσιν, αὐτοὶ δ' οὐκ οἰόμεθα τὴν αὐτὴν
λήψεσθαι δόξαν τοῖς προεστῶσιν ἡμῶν. (54) Τοσοῦτον δὲ διαφέρομεν τῶν προγόνων,
ὅσον ἐκεῖνοι μὲν τοὺς αὐτοὺς προστάτας τε τῆς πόλεως ἐποιοῦντο καὶ στρατηγοὺς
ᾑροῦντο, νομίζοντες τὸν ἐπὶ τοῦ βήματος τὰ βέλτιστα συμβουλεῦσαι δυνάμενον, τὸν
αὐτὸν τοῦτον ἄριστ' ἂν βουλεύσασθαι καὶ καθ' αὑτὸν γενόμενον, ἡμεῖς δὲ τοὐναντίον
τούτων ποιοῦμεν· (55) οἷς μὲν γὰρ περὶ τῶν μεγίστων συμβούλοις χρώμεθα, τούτους
μὲν οὐκ ἀξιοῦμεν στρατηγοὺς χειροτονεῖν ὡς νοῦν οὐκ ἔχοντας, οἷς δ' οὐδεὶς ἂν οὔτε
περὶ τῶν ἰδίων οὔτε περὶ τῶν κοινῶν συμβουλεύσαιτο, τούτους δ' αὐτοκράτορας
ἐκπέμπομεν ὡς ἐκεῖ σοφωτέρους ἐσομένους καὶ ῥᾷον βουλευσομένους περὶ τῶν
Ἑλληνικῶν πραγμάτων ἢ περὶ τῶν ἐνθάδε προτιθεμένων. (56) Λέγω δὲ ταῦτ' οὐ κατὰ
πάντων, ἀλλὰ κατὰ τῶν ἐνόχων τοῖς λεγομένοις ὄντων. Ἐπιλίποι δ' ἄν με τὸ λοιπὸν
μέρος τῆς ἡμέρας, εἰ πάσας τὰς πλημμελείας τὰς ἐν τοῖς πράγμασιν ἐγγεγενημένας
ἐξετάζειν ἐπιχειροίην.
(57) Τάχ' οὖν ἄν τις τῶν σφόδρα τοῖς λεγομένοις ἐνόχων ὄντων ἀγανακτήσας
ἐρωτήσειε “πῶς, εἴπερ οὕτω κακῶς βουλευόμεθα, σωζόμεθα καὶ δύναμιν οὐδεμιᾶς
πόλεως ἐλάττω κεκτημένοι τυγχάνομεν;” Ἐγὼ δὲ πρὸς ταῦτ' ἀποκριναίμην ἂν ὅτι τοὺς
ἀντιπάλους ἔχομεν οὐδὲν βέλτιον ἡμῶν φρονοῦντας. (58) Εἰ γὰρ μετὰ τὴν μάχην, ἣν
ἐνίκησαν Θηβαῖοι Λακεδαιμονίους, ἐκεῖνοι μὲν ἐλευθερώσαντες τὴν Πελοπόννησον καὶ
τοὺς ἄλλους Ἕλληνας αὐτονόμους ποιήσαντες ἡσυχίαν εἶχον, ἡμεῖς δὲ τοιαῦτ'
ἐξημαρτάνομεν, οὔτ' ἂν οὗτος ἔσχε ταύτην ποιήσασθαι τὴν ἐρώτησιν, ἡμεῖς τ' ἂν
ἔγνωμεν ὅσῳ κρεῖττόν ἐστι τὸ σωφρονεῖν τοῦ πολυπραγμονεῖν. (59) Νῦν δ' ἐνταῦθα τὰ
πράγματα περιέστηκεν, ὥστε Θηβαῖοι μὲν ἡμᾶς σώζουσιν, ἡμεῖς δὲ Θηβαίους, καὶ
συμμάχους ἐκεῖνοι μὲν ἡμῖν ποιοῦσιν, ἡμεῖς δ' ἐκείνοις. Ὥστ' εἰ νοῦν ἔχοιμεν, ἀλλήλοις
ἂν εἰς τὰς ἐκκλησίας ἀργύριον παρέχοιμεν· ὁπότεροι γὰρ ἂν πλεονάκις συλλεγῶσιν,
οὗτοι τοὺς ἐναντίους ἄμεινον πράττειν ποιοῦσιν.
| [50] Nous sommes fiers de notre origine ;
nous nous croyons, à cet égard, très supérieurs aux autres peuples,
et nous admettons les premiers qui se présentent à partager cette illustration
avec plus de facilité que ne le font les Triballes et les Lucaniens pour leur obscure
nationalité. Nous faisons une multitude de lois, et nous les respectons si peu (un seul
exemple vous permettra d'apprécier tout le reste), que, dans un pays où la peine de
mort est établie contre le citoyen convaincu d'avoir acheté des suffrages, nous
choisissons pour commander nos armées ceux qui se sont rendus le plus ouvertement
coupables de ce crime; de sorte que l'homme qui a pu corrompre le plus grand nombre
de citoyens est celui que nous chargeons de veiller sur nos plus grands intérêts. (51)
Nous ressentons pour la forme de notre gouvernement la même sollicitude que pour le
salut de la ville entière; nous savons que la démocratie s'accroît et se perpétue dans le
repos et dans la sécurité; nous savons que déjà deux fois la nôtre a péri par la guerre,
et néanmoins nous éprouvons la même colère contre ceux qui désirent la paix que
contre les fauteurs de l'oligarchie, en même temps que nous considérons les hommes
qui nous excitent à la guerre comme dévoues au gouvernement populaire. (52) Plus
que les autres nations, nous possédons le don de la parole et l'expérience des
affaires, et nous avons si peu de raison que nous ne conservons pas même un jour la
même opinion sur les mêmes objets ; que, réunis, nous approuvons par nos suffrages
ce que nous condamnions avant de nous assembler, et qu'à peine séparés, nous
condamnons de nouveau ce que nous avons voté sur la place publique. Nous avons la
prétention d'être les plus sages des Grecs, et, prenant pour conseillers des hommes
que tout le monde méprise, nous plaçons à la tête des affaires publiques ces mêmes
hommes auxquels personne ne voudrait confier le soin de ses intérêts privés. (53)
Mais voici ce qu'il y a de plus déplorable : nous considérons comme les gardiens les
plus fidèles de nos intérêts les hommes qui, de notre aveu, sont les plus pervers entre
tous les citoyens; et quand nous jugeons les étrangers qui viennent habiter parmi
nous, d'après ceux qu'ils choisissent pour protecteurs, nous nous refusons à croire
que notre réputation sera analogue à celle des hommes qui nous gouvernent. (54)
Enfin nous différons tellement de nos ancêtres, que ceux-ci confiaient le
commandement de leurs armées aux mêmes hommes qu'ils investissaient du
gouvernement de l'État, convaincus que celui qui peut donner les meilleurs conseils du
haut de la tribune prendra aussi les meilleures résolutions le jour où il agira d'après les
inspirations de son génie ; nous, au contraire, (55) évitant de désigner pour généraux,
comme s'ils étaient des insensés, ceux dont nous suivons les avis dans les affaires les
plus importantes, nous envoyons de préférence pour commander nos armées, avec
des pouvoirs illimités, des hommes que personne ne voudrait consulter ni sûr les
intérêts publics, ni sur ses intérêts particuliers ; comme si, dans cette position, de tels
hommes devaient être plus sages qu'ils ne le sont au milieu de nous, et qu'il leur fut
plus facile d'apprécier les intérêts généraux de la Grèce que les questions discutées
dans nos assemblées! (56) Mes paroles ne s'adressent pas à tous, elles s'adressent à
ceux qui sont coupables des choses que je viens d'indiquer. Ce qui reste de jour ne
me suffirait pas, si je voulais rechercher toutes les fautes qui ont été commises dans la
conduite de nos affaires.
(57) 18. Peut-être quelqu'un parmi ceux qui se sentent plus spécialement atteints
par mes paroles demandera-t-il, dans son indignation, comment, lorsque nous suivons
de si funestes conseils, nous échappons à leurs conséquences, et comment nous
avons pu acquérir une puissance qui n'est inférieure à celle d'aucune autre ville. A cela
je répondrai que nous avons des adversaires qui ne sont pas plus sages que nous.
(58) Et en effet, si les Thébains, après la victoire qu'ils ont remportée sur les
Lacédémoniens, avaient affranchi le Péloponnèse ; s'ils avaient donné aux Grecs la
liberté de se gouverner conformément à leurs lois, qu'ils fussent ensuite restés
paisibles, et que, d'un autre côté, nous eussions fait les fautes que nous avons faites,
on n'aurait pas eu à m'adresser cette question, et nous eussions reconnu à quel point
les conseils de la prudence sont préférables à ceux d'une ambition inquiète. (59)
Aujourd'hui, la situation des affaires a tellement changé, que les Thébains nous
sauvent, et que nous sauvons les Thébains ; qu'ils nous donnent des auxiliaires et que
nous leur en donnons. De telle sorte que, si nous étions sages, nous nous
accorderions mutuellement des subsides pour convoquer des assemblées, parce que
ceux qui se réunissent le plus souvent font prospérer les affaires de leurs rivaux.
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