[100] Οὐκ Ἠλείων μὲν μέρος τι τῆς χώρας ἀφείλοντο,
τὴν δὲ γῆν τὴν Κορινθίων ἔτεμον, Μαντινέας δὲ διῴκισαν, Φλιασίους δ' ἐξεπολιόρκησαν, εἰς δὲ τὴν Ἀργείων εἰσέβαλον, οὐδὲν δ' ἐπαύσαντο τοὺς μὲν ἄλλους κακῶς ποιοῦντες,
αὑτοῖς δὲ τὴν ἧτταν τὴν ἐν Λεύκτροις παρασκευάζοντες; Ἥν φασί τινες αἰτίαν
γεγενῆσθαι τῇ Ζπάρτῃ τῶν κακῶν, οὐκ ἀληθῆ λέγοντες· οὐ γὰρ διὰ ταύτην ὑπὸ τῶν
συμμάχων ἐμισήθησαν, ἀλλὰ διὰ τὰς ὕβρεις τὰς ἐν τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις καὶ ταύτην
ἡττήθησαν καὶ περὶ τῆς αὑτῶν ἐκινδύνευσαν. (101) Χρὴ δὲ τὰς αἰτίας ἐπιφέρειν οὐ τοῖς
κακοῖς τοῖς ἐπιγιγνομένοις, ἀλλὰ τοῖς πρώτοις τῶν ἁμαρτημάτων, ἐξ ὧν ἐπὶ τὴν τελευτὴν
ταύτην κατηνέχθησαν. Ὥστε πολὺ ἄν τις ἀληθέστερα τυγχάνοι λέγων, εἰ φαίη τότε τὴν
ἀρχὴν αὐτοῖς γεγενῆσθαι τῶν συμφορῶν, ὅτε τὴν ἀρχὴν τῆς θαλάττης παρελάμβανον·
ἐκτῶντο γὰρ δύναμιν οὐδὲν ὁμοίαν τῇ πρότερον ὑπαρχούσῃ. (102) Διὰ μὲν γὰρ τὴν
κατὰ γῆν ἡγεμονίαν καὶ τὴν εὐταξίαν καὶ τὴν καρτερίαν τὴν ἐν αὐτῇ μελετωμένην ῥᾳδίως
τῆς κατὰ θάλατταν δυνάμεως ἐπεκράτησαν, διὰ δὲ τὴν ἀκολασίαν τὴν ὑπὸ ταύτης τῆς
ἀρχῆς αὐτοῖς ἐγγενομένην ταχέως κἀκείνης τῆς ἡγεμονίας ἀπεστερήθησαν. Οὐ γὰρ ἔτι
τοὺς νόμους ἐφύλαττον οὓς παρὰ τῶν προγόνων παρέλαβον, οὐδ' ἐν τοῖς ἤθεσιν
ἔμενον οἷς πρότερον εἶχον, (103) ἀλλ' ὑπολαβόντες ἐξεῖναι ποιεῖν αὑτοῖς ὅ τι ἂν
βουληθῶσιν, εἰς πολλὴν ταραχὴν κατέστησαν. Οὐ γὰρ ᾔδεσαν τὴν ἐξουσίαν ἧς πάντες
εὔχονται τυχεῖν, ὡς δύσχρηστός ἐστιν, οὐδ' ὡς παραφρονεῖν ποιεῖ τοὺς ἀγαπῶντας
αὐτήν, οὐδ' ὅτι τὴν φύσιν ὁμοίαν ἔχει ταῖς ἑταίραις ταῖς ἐρᾶν μὲν αὑτῶν ποιούσαις, τοὺς
δὲ χρωμένους ἀπολλυούσαις.
(104) Καίτοι φανερῶς ἐπιδέδεικται ταύτην ἔχουσα τὴν δύναμιν· τοὺς γὰρ ἐν
πλείσταις ἐξουσίαις γεγενημένους ἴδοι τις ἂν ταῖς μεγίσταις συμφοραῖς περιπεπτωκότας,
ἀρξαμένους ἀφ' ἡμῶν καὶ Λακεδαιμονίων. Αὗται γὰρ αἱ πόλεις καὶ πολιτευόμεναι
πρότερον σωφρονέστατα καὶ δόξαν ἔχουσαι καλλίστην, ἐπειδὴ ταύτης ἔτυχον καὶ τὴν
ἀρχὴν ἔλαβον, οὐδὲν ἀλλήλων διήνεγκαν, ἀλλ' ὥσπερ προσήκει τοὺς ὑπὸ τῶν αὐτῶν
ἐπιθυμιῶν καὶ τῆς αὐτῆς νόσου διεφθαρμένους, καὶ ταῖς πράξεσι ταῖς αὐταῖς
ἐπεχείρησαν καὶ τοῖς ἁμαρτήμασι παραπλησίοις ἐχρήσαντο καὶ τὸ τελευταῖον ὁμοίαις
ταῖς συμφοραῖς περιέπεσον. (105) Ἡμεῖς τε γὰρ μισηθέντες ὑπὸ τῶν συμμάχων καὶ περὶ
ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεύσαντες ὑπὸ Λακεδαιμονίων ἐσώθημεν, ἐκεῖνοί τε πάντων
αὐτοὺς ἀπολέσαι βουληθέντων ἐφ' ἡμᾶς καταφυγόντες δι' ἡμῶν τῆς σωτηρίας ἔτυχον.
Καίτοι πῶς χρὴ τὴν ἀρχὴν ταύτην ἐπαινεῖν τὴν τὰς τελευτὰς οὕτω πονηρὰς ἔχουσαν; Ἢ
πῶς οὐ μισεῖν καὶ φεύγειν τὴν πολλὰ καὶ δεινὰ ποιεῖν ἀμφοτέρας τὰς πόλεις ἐπάρασαν
καὶ παθεῖν ἀναγκάσασαν;
(106) Οὐκ ἄξιον δὲ θαυμάζειν, εἰ τὸν ἄλλον χρόνον ἐλάνθανεν ἅπαντας τοσούτων
οὖσα κακῶν αἰτία τοῖς ἔχουσιν αὐτήν, οὐδ' εἰ περιμάχητος ἦν ὑφ' ἡμῶν καὶ
Λακεδαιμονίων· εὑρήσετε γὰρ τοὺς πλείστους τῶν ἀνθρώπων περὶ τὰς αἱρέσεις τῶν
πραγμάτων ἁμαρτάνοντας, καὶ πλείους μὲν ἐπιθυμίας ἔχοντας τῶν κακῶν ἢ τῶν
ἀγαθῶν, ἄμεινον δὲ βουλευομένους ὑπὲρ τῶν ἐχθρῶν ἢ σφῶν αὐτῶν. (107) Καὶ ταῦτ'
ἴδοι τις ἂν ἐπὶ τῶν μεγίστων· τί γὰρ οὐχ οὕτω γέγονεν; Οὐχ ἡμεῖς μὲν τοιαῦτα
προῃρούμεθα πράττειν, ἐξ ὧν Λακεδαιμόνιοι δεσπόται τῶν Ἑλλήνων κατέστησαν,
ἐκεῖνοι δ' οὕτω κακῶς προὔστησαν τῶν πραγμάτων, ὥσθ' ἡμᾶς οὐ πολλοῖς ἔτεσιν
ὕστερον πάλιν ἐπιπολάσαι καὶ κυρίους γενέσθαι τῆς ἐκείνων σωτηρίας; (108) Οὐχ ἡ μὲν
τῶν ἀττικιζόντων πολυπραγμοσύνη λακωνίζειν τὰς πόλεις ἐποίησεν, ἡ δὲ τῶν
λακωνιζόντων ὕβρις ἀττικίζειν τὰς αὐτὰς ταύτας ἠνάγκασεν; Οὐ διὰ μὲν τὴν τῶν
δημηγορούντων πονηρίαν αὐτὸς ὁ δῆμος ἐπεθύμησε τῆς ὀλιγαρχίας τῆς ἐπὶ τῶν
τετρακοσίων καταστάσης, διὰ δὲ τὴν τῶν τριάκοντα μανίαν ἅπαντες δημοτικώτεροι
γεγόναμεν τῶν Θυλὴν καταλαβόντων; (109) Ἀλλὰ γὰρ ἐπὶ τῶν ἐλαττόνων καὶ τοῦ βίου
τοῦ καθ' ἡμέραν ἐπιδείξειεν ἄν τις τοὺς πολλοὺς χαίροντας μὲν καὶ τῶν ἐδεσμάτων καὶ
τῶν ἐπιτηδευμάτων τοῖς καὶ τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχὴν βλάπτουσιν, ἐπίπονα δὲ καὶ χαλεπὰ
νομίζοντας ἀφ' ὧν ἀμφότερα ταῦτ' ἂν ὠφελοῖτο, καὶ καρτερικοὺς εἶναι δοκοῦντας τοὺς
ἐν τούτοις ἐμμένοντας.
| [100] N'ont-ils pas enlevé aux Éléens
une partie de leur territoire? N'ont-ils pas ravagé celui de Corinthe? N'ont-ils pas divisé
Mantinée en bourgs, séparés les uns des autres ; assiégé les Phliasiens, envahi la
terre d'Argos? Ont-ils jamais cessé de nuire aux autres peuples, et de préparer pour
eux-mêmes le désastre qui les a frappés à Leuctres ? Quelques-uns prétendent que
cette défaite a été l'origine des malheurs de Sparte, mais ils ne disent pas la vérité :
car ce n'est pas à cause de cette catastrophe que les Lacédémoniens ont encouru la
haine de leurs alliés. Les outrages que, dans les temps antérieurs, ils leur avaient fait
endurer, ont été la véritable cause de leur défaite à Leuctres, et de la nécessité où ils
ont été réduits de combattre pour leurs propres foyers. (101) Il ne faut pas imputer la
cause des malheurs aux événements qui les réalisent, mais aux fautes qui, les
premières, les préparent et les amènent. Ce serait donc avec beaucoup plus de justice
que l'on rapporterait l'origine des calamités des Spartiates au jour où ils ont acquis le
commandement sur la mer et une puissance hors de proportion avec celle qu'ils
possédaient auparavant. (102) La suprématie sur terre, l'exacte discipline, la patience
dans les travaux qui en étaient le résultat, leur avaient fait obtenir facilement l'empire
de la mer, mais ils en furent bientôt privés par suite de la licence que cette autorité leur
inspira. Loin d'observer désormais les lois qu'ils avaient reçues de leurs ancêtres, et
de rester fidèles aux mœurs dans lesquelles ils avaient été constamment élevés, (103)
ils crurent qu'ils avaient le droit de tout faire, et s'abandonnèrent à une foule de
désordres. Ils ne savaient pas combien il est difficile d'user de la souveraine
puissance, à laquelle tout le monde aspire, et dans quel délire elle jette ceux qui s'y
attachent avec passion ; ils ignoraient que la toute-puissance est semblable, par sa
nature, aux courtisanes, qui perdent par la jouissance ceux dont elles se font aimer.
(104) 34. La toute-puissance a d'ailleurs montré d'une manière évidente que telle
est l'action qu'elle exerce ; car on peut remarquer que la plupart des peuples qui en
ont été investis sont tombés dans les plus terribles calamités, à commencer par nous
et par Lacédémone. Les deux villes, dans l'origine, avaient été gouvernées avec la
plus grande sagesse, et jouissaient de la plus noble renommée; mais, lorsque ensuite
elles eurent acquis la toute-puissance et commandèrent à la Grèce, les conséquences
qui en résultèrent furent les mêmes pour l'une et pour l'autre ; et, comme il arrive
toujours à ceux qui sont dominés par les mêmes passions, ou qui sont atteints de la
même maladie, elles firent les mêmes entreprises, commirent à peu près les mêmes
fautes, et finirent par tomber dans les mêmes malheurs. (105) Objet de la haine de nos
alliés, exposés à être réduits en esclavage, nous fûmes sauvés par les
Lacédémoniens ; et les Lacédémoniens, lorsque tous les autres Grecs avaient résolu
de les perdre, ayant eu recours à nous, nous furent redevables de leur salut. Comment
serait-il possible de louer une suprématie qui conduit à des résultats si funestes?
Comment ne pas haïr et comment ne pas fuir un pouvoir qui a porté ces deux villes à
commettre un si grand nombre d'actes coupables, et les a contraintes à subir de si
cruelles infortunes?
(106) 35. Il ne faut pas s'étonner si, dans les temps qui ont précédé le nôtre,
personne ne s'est aperçu que la toute-puissance fut une source abondante de
calamités pour ceux qui la possédaient, et si cette puissance a été pour nous et pour
les Lacédémoniens un objet de lutte et de rivalité. Vous trouverez généralement que la
plupart des hommes se trompent dans le choix du but auquel ils aspirent, qu'ils
désirent avec plus d'ardeur ce qui peut leur nuire que en qui peut leur être utile, et
qu'ils prennent des résolutions meilleures pour leurs ennemis que pour eux-mêmes.
(107) On en voit la preuve dans les grandes transactions politiques : ou plutôt, en fut-il
jamais autrement ? N'avons-nous pas adopté un système d'action, par suite duquel les
Lacédémoniens sont devenus les maîtres de la Grèce? Et, d'un autre coté, les
Lacédémoniens n'ont-ils pas dirigé les affaires avec si peu de sagesse, qu'après un
petit nombre d'années, nous avions reconquis la supériorité et nous étions devenus les
arbitres de leur salut? (108) L'ardeur inquiète des partisans d'Athènes n'a-t-elle pas fait
passer les villes de la Grèce dans le parti de Lacédémone, et l'insolence des partisans
de Lacédémone n'a-t-elle pas forcé les mêmes villes à se rattacher à Athènes? N'est-ce
pas la perversité des orateurs populaires qui a fait désirer au peuple l'oligarchie des
Quatre-Cents? Et ne sommes-nous pas devenus tous, à cause de la frénésie des
Trente, plus ardents sectateurs du pouvoir populaire que ceux qui s'étaient emparés
de Phylé? (109) On pourrait enfin montrer, dans les choses d'une moindre importance,
et dans ce qui touche à la vie de chaque jour, que beaucoup d'hommes préfèrent les
aliments, se livrent aux habitudes qui nuisent au corps et flétrissent l'âme : qu'ils
regardent comme fastidieux et incommode ce qui est utile à l'un et à l'autre ; et qu'ils
considèrent comme des hommes d'énergie ceux qui persistent dans celle aberration.
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