[90] Ταύτης γὰρ ἕξιν
οὔτ' ἀνὴρ οὔτε πόλις λαβεῖν ἂν δύναιτο σπουδαιοτέραν οὐδ' ἀσφαλεστέραν οὐδὲ
πλείονος ἀξίαν· ἥνπερ οἱ περὶ τὰ Περσικὰ γενόμενοι σχόντες οὐχ ὁμοίως τοῖς λῃσταῖς
ἐβίωσαν, τοτὲ μὲν πλείω τῶν ἱκανῶν ἔχοντες, τοτὲ δ' ἐν σιτοδείαις καὶ πολιορκίαις καὶ
τοῖς μεγίστοις κακοῖς καθεστῶτες, ἀλλὰ περὶ μὲν τὴν τροφὴν τὴν καθ' ἡμέραν οὔτ' ἐν
ἐνδείαις οὔτ' ἐν ὑπερβολαῖς, ὄντες, ἐπὶ δὲ τῇ τῆς πολιτείας δικαιοσύνῃ καὶ ταῖς ἀρεταῖς
ταῖς αὑτῶν φιλοτιμούμενοι καὶ τὸν βίον ἥδιον τῶν ἄλλων διάγοντες. (91) Ὧν
ἀμελήσαντες οἱ γενόμενοι μετ' ἐκείνους οὐκ ἄρχειν ἀλλὰ τυραννεῖν ἐπεθύμησαν, ἃ δοκεῖ
μὲν τὴν αὐτὴν ἔχειν δύναμιν, πλεῖστον δ' ἀλλήλων κεχώρισται· τῶν μὲν γὰρ ἀρχόντων
ἔργον ἐστὶ τοὺς ἀρχομένους ταῖς αὑτῶν ἐπιμελείαις ποιεῖν εὐδαιμονεστέρους, τοῖς δὲ
τυράννοις ἔθος καθέστηκε τοῖς τῶν ἄλλων πόνοις καὶ κακοῖς αὑτοῖς ἡδονὰς
παρασκευάζειν. Ἀνάγκη δὲ τοὺς τοιούτοις ἔργοις ἐπιχειροῦντας τυραννικαῖς καὶ ταῖς
συμφοραῖς περιπίπτειν, καὶ τοιαῦτα πάσχειν οἷά περ ἂν καὶ τοὺς ἄλλους δράσωσιν. Ἃ
καὶ τῇ πόλει συνέπεσεν· (92) ἀντὶ μὲν γὰρ τοῦ φρουρεῖν τὰς τῶν ἄλλων ἀκροπόλεις τῆς
αὑτῶν ἐπεῖδον τοὺς πολεμίους κυρίους γενομένους· ἀντὶ δὲ τοῦ παῖδας ὁμήρους
λαμβάνειν, ἀποσπῶντες ἀπὸ πατέρων καὶ μητέρων, πολλοὶ τῶν πολιτῶν
ἠναγκάσθησαν τοὺς αὑτῶν ἐν τῇ πολιορκίᾳ χεῖρον παιδεύειν καὶ τρέφειν ἢ προσῆκεν
αὐτοῖς· ἀντὶ δὲ τοῦ γεωργεῖν τὰς χώρας τὰς ἀλλοτρίας πολλῶν ἐτῶν οὐδ' ἰδεῖν αὐτοῖς
ἐξεγένετο τὴν αὑτῶν.
(93) Ὥστ' εἴ τις ἡμᾶς ἐρωτήσειεν εἰ δεξαίμεθ' ἂν τοσοῦτον χρόνον ἄξαντες τοιαῦτα
παθοῦσαν τὴν πόλιν ἐπιδεῖν, τίς ἂν ὁμολογήσειε, πλὴν εἴ τις παντάπασιν
ἀπονενοημένος ἐστὶ καὶ μήθ' ἱερῶν μήτε γονέων μήτε παίδων μήτ' ἄλλου μηδενὸς
φροντίζει πλὴν τοῦ χρόνου μόνον τοῦ καθ' ἑαυτόν; Ὧν οὐκ ἄξιον τὴν διάνοιαν ζηλοῦν,
ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον τῶν πολλὴν πρόνοιαν ποιουμένων, καὶ μηδὲν ἧττον ὑπὲρ τῆς κοινῆς
δόξης ἢ τῆς ἰδίας φιλοτιμουμένων, καὶ προαιρουμένων μέτριον βίον μετὰ δικαιοσύνης
μᾶλλον ἢ μέγαν πλοῦτον μετ' ἀδικίας. (94) Καὶ γὰρ οἱ πρόγονοι τοιούτους αὑτοὺς
παρασχόντες τήν τε πόλιν εὐδαιμονεστάτην τοῖς ἐπιγιγνομένοις παρέδοσαν καὶ τῆς
αὑτῶν ἀρετῆς ἀθάνατον τὴν μνήμην κατέλιπον. Ἐξ ὧν ἀμφότερα ῥᾴδιόν ἐστι
καταμαθεῖν, καὶ τὴν χώραν ἡμῶν, ὅτι δύναται τρέφειν ἄνδρας ἀμείνους τῶν ἄλλων, καὶ
τὴν καλουμένην μὲν ἀρχὴν οὖσαν δὲ συμφοράν, ὅτι πέφυκε χείρους ἅπαντας ποιεῖν
τοὺς χρωμένους αὐτῇ.
(95) Μέγιστον δὲ τεκμήριον· οὐ γὰρ μόνον ἡμᾶς ἀλλὰ καὶ τὴν Λακεδαιμονίων πόλιν
διέφθειρεν, ὥστε τοῖς εἰθισμένοις ἐπαινεῖν τὰς ἐκείνων ἀρετὰς οὐχ οἷόν τ' ἐστὶν εἰπεῖν
τοῦτον τὸν λόγον, ὡς ἡμεῖς μὲν διὰ τὸ δημοκρατεῖσθαι κακῶς ἐχρησάμεθα τοῖς
πράγμασιν, εἰ δὲ Λακεδαιμόνιοι ταύτην τὴν δύναμιν παρέλαβον, εὐδαίμονας ἂν καὶ τοὺς
ἄλλους καὶ σφᾶς αὐτοὺς ἐποίησαν. Πολὺ γὰρ θᾶττον ἐν ἐκείνοις ἐπεδείξατο τὴν φύσιν
τὴν αὑτῆς· τὴν γὰρ πολιτείαν ἣν ἐν ἑπτακοσίοις ἔτεσιν οὐδεὶς οἶδεν οὔθ' ὑπὸ κινδύνων
οὔθ' ὑπὸ συμφορῶν κινηθεῖσαν, ταύτην ἐν ὀλίγῳ σαλεῦσαι καὶ λυθῆναι παρὰ μικρὸν
ἐποίησεν. (96) Ἀντὶ γὰρ τῶν καθεστώτων παρ' αὐτοῖς ἐπιτηδευμάτων τοὺς μὲν ἰδιώτας
ἐνέπλησεν ἀδικίας, ῥᾳθυμίας, ἀνομίας, φιλαργυρίας, τὸ δὲ κοινὸν τῆς πόλεως
ὑπεροψίας μὲν τῶν συμμάχων, ἐπιθυμίας δὲ τῶν ἀλλοτρίων, ὀλιγωρίας δὲ τῶν ὅρκων
καὶ τῶν συνθηκῶν. Τοσοῦτον γὰρ ὑπερεβάλοντο τοὺς ἡμετέρους τοῖς εἰς τοὺς Ἕλληνας
ἁμαρτήμασιν, ὅσον πρὸς τοῖς πρότερον ὑπάρχουσι σφαγὰς καὶ στάσεις ἐν ταῖς πόλεσιν
ἐποίησαν, ἐξ ὧν ἀειμνήστους τὰς ἔχθρας πρὸς ἀλλήλους ἕξουσιν. (97) Οὕτω δὲ
φιλοπολέμως καὶ φιλοκινδύνως διετέθησαν, τὸν ἄλλον χρόνον πρὸς τὰ τοιαῦτα
πεφυλαγμένως μᾶλλον τῶν ἄλλων ἔχοντες, ὥστε οὐδὲ τῶν συμμάχων οὐδὲ τῶν
εὐεργετῶν ἀπέσχοντο τῶν σφετέρων αὐτῶν, ἀλλὰ βασιλέως μὲν αὐτοῖς εἰς τὸν πρὸς
ἡμᾶς πόλεμον πλέον ἢ πεντακισχίλια τάλαντα παρασχόντος, Χίων δὲ προθυμότατα
πάντων τῶν συμμάχων τῷ ναυτικῷ συγκινδυνευσάντων, (98) Θηβαίων δὲ μεγίστην
δύναμιν εἰς τὸ πεζὸν συμβαλομένων, οὐκ ἔφθασαν τὴν ἀρχὴν κατασχόντες, καὶ
Θηβαίοις μὲν εὐθὺς ἐπεβούλευσαν, ἐπὶ δὲ τὸν βασιλέα Κλέαρχον καὶ στρατιὰν
ἀνέπεμψαν, Χίων δὲ τοὺς μὲν πρώτους τῶν πολιτῶν ἐφυγάδευσαν, τὰς δὲ τριήρεις ἐκ
τῶν νεωρίων ἐξελκύσαντες ἁπάσας ὤχοντο λαβόντες.
(99) Οὐκ ἐξήρκεσε δ' αὐτοῖς ταῦτ' ἐξαμαρτεῖν, ἀλλὰ περὶ τοὺς αὐτοὺς χρόνους
ἐπόρθουν μὲν τὴν ἤπειρον, ὕβριζον δὲ τὰς νήσους, ἀνῄρουν δὲ τὰς ἐν Ἰταλίᾳ καὶ Σικελίᾳ
πολιτείας καὶ τυράννους καθίστασαν, ἐλυμαίνοντο δὲ τὴν Πελοπόννησον καὶ μεστὴν
στάσεων καὶ πολέμων ἐποίησαν. Ἐπὶ ποίαν γὰρ τῶν πόλεων οὐκ ἐστράτευσαν; Ἢ περὶ
τίνας αὐτῶν οὐκ ἐξήμαρτον;
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Aucune ville, aucun homme ne pourrait obtenir une position plus noble, plus sûre, plus
digne d'estime. C'était celle dont jouissaient nos ancêtres à l'époque de la guerre
persique : on ne les voyait point vivre comme les brigands, tantôt dans une abondance
supérieure à tous les besoins, tantôt dans la privation des premiers moyens
d'existence, assiégés par leurs ennemis et en proie aux plus terribles calamités; mais
ils étaient, pour la vie de chaque jour, dans un état également éloigné du besoin et
d'une abondance exagérée ; ils rivalisaient de justice dans la conduite du
gouvernement, de vertu dans leurs relations privées, et obtenaient ainsi une existence
plus douce que le reste des mortels. (91) Ceux qui vinrent après eux, négligeant de
suivre leurs traces, éprouvèrent le désir, non d'exercer une autorité légitime, mais de
commander en tyrans : deux situations qui semblent avoir la même puissance, encore
qu'elles soient séparées par un intervalle immense. Les souverains légitimes regardent
comme un devoir d'employer tous leurs efforts pour augmenter le bonheur de ceux qui
vivent sous leurs lois, tandis que les tyrans ont pour usage de se procurer des
satisfactions au prix des travaux et des souffrances de leurs sujets. Ajoutons que les
hommes qui se livrent aux œuvres de la tyrannie tombent nécessairement dans les
malheurs que la tyrannie engendre, et souffrent des maux semblables à ceux qu'ils
font souffrir aux autres. Ce malheur, notre ville l'a subi ; (92) car, au lieu de placer des
garnisons dans les citadelles étrangères, nos pères ont vu leur citadelle au pouvoir de
leurs ennemis ; au lieu de prendre pour otages des enfants qu'ils arrachaient à leurs
pères et à leurs mères, un grand nombre de citoyens ont été contraints, pendant la
durée du siège, de nourrir et d'élever leurs propres enfants d'une manière indigne de
leur fortune; et, au lieu de cultiver pour eux-mêmes des terres étrangères, ils n'ont pu,
et cela pendant un grand nombre d'années, apercevoir celles qui leur appartenaient.
(93) 31. Par conséquent, si l'on nous proposait d'exercer la même domination
pendant le même temps, à la condition de voir notre ville souffrir ce qu'elle a souffert,
quel homme pourrait accepter une telle proposition, sinon quelque insensé, qui ne
s'occuperait ni des choses saintes, ni de ses parents, ni de ses enfants, et qui ne
tiendrait compte d'aucun intérêt, si ce n'est du temps pendant lequel il lui serait donné
de vivre ? Non, ce n'est pas sur les pensées des hommes de ce caractère que nous
devons régler nos sentiments, mais nous devons rivaliser avec la sagesse de ceux
qui, ayant profondément médité sur de si grands intérêts, ne sont pas moins jaloux de
la gloire de leur patrie que de leur propre renommée, et qui préfèrent une existence
modeste d'accord avec la justice à une grande opulence appuyée sur l'iniquité.
(94) Tels se sont montrés nos ancêtres, et c'est ainsi qu'en transmettant notre patrie
parvenue au plus haut degré de prospérité à ceux qui les ont remplacés, ils ont laissé
de leur vertu une éternelle mémoire. De là il est facile de tirer deux conséquences : la
première, qu'il appartient à notre pays de produire des hommes d'une nature
supérieure ; la seconde, que ce qu'on appelle le pouvoir suprême n'est en réalité qu'un
malheur, et qu'il est dans son essence de corrompre tous ceux qui en sont investis.
(95) 32. En voici la preuve la plus évidente : nous ne sommes pas les seuls que la
puissance suprême ait corrompus ; son action s'est également exercée sur les
Lacédémoniens, de sorte que les hommes accoutumés à louer leurs vertus ne
pourraient pas dire que, si nous avons fait un mauvais usage du pouvoir, c'est parce
que nous vivons sous une démocratie, et que, si les Lacédémoniens avaient possédé
une puissance semblable à la nôtre, ils auraient fait le bonheur des autres peuples en
même temps que celui de leur patrie. La suprématie, dans leurs mains, a montré
beaucoup plus vite que dans les nôtres ce qu'elle est par sa nature ; car elle a, en peu
de temps, ébranlé et presque détruit un gouvernement que, pendant sept siècles,
aucun danger, aucun malheur, à la connaissance des hommes, n'avait encore fait
chanceler. (96) Au lieu des mœurs sévères établies parmi eux, elle a rempli l'esprit des
citoyens d'injustice, de mollesse, d'illégalités, d'avarice; le gouvernement, de mépris
pour ses alliés, de désir d'usurper les possessions étrangères, d'indifférence pour les
serments et les traités. Les Lacédémoniens ont tellement dépassé nos pères dans
leurs outrages envers les Grecs, qu'aux massacres et aux séditions qui avaient lieu
auparavant dans les villes, ils en ont ajouté d'autres d'où sont résultées des haines
dont le souvenir est ineffaçable. (97) Ils étaient devenus si passionnés pour la guerre
et les combats, eux qui, dans d'autres temps, s'étaient montrés à cet égard plus
réservés que les autres peuples, qu'ils n'épargnaient pas même leurs alliés, pas même
leurs bienfaiteurs; soutenus par le Roi, qui leur avait donné plus de cinq mille talents
pour les aider dans la guerre contre nous, par les habitants de Chio, qui s'étaient unis
avec plus d'ardeur que tous les autres alliés, à leurs dangers sur la mer, (98) par les
Thébains, qui les avaient secondés avec la plus forte partie de leur infanterie, ils ne
furent pas plutôt en possession de la suprême puissance qu'ils dressèrent des
embûches aux Thébains, qu'ils envoyèrent Cléarque avec une armée contre le Roi, et
qu'en exilant de leur patrie les principaux citoyens de Chio, ils firent sortir des
arsenaux tous les navires, s'en emparèrent et les conduisirent dans leurs ports.
(99) 33. Et, comme si ce n'était pas assez de ces attentats, ils ravageaient en
même temps le continent, insultaient les îles, renversaient les républiques d'Italie et de
Sicile pour y établir des tyrans, désolaient le Péloponnèse et le remplissaient de
divisions et de guerres. Quelle ville n'ont-ils pas attaquée ? Quel peuple, parmi leurs
alliés, n'a pas été en butte à leurs injustices ?
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