[0] Εὐαγόρας.
(1) Ὁρῶν, ὦ Νικόκλεις, τιμῶντά σε τὸν τάφον τοῦ πατρὸς οὐ μόνον τῷ πλήθει καὶ
τῷ κάλλει τῶν ἐπιφερομένων, ἀλλὰ καὶ χοροῖς καὶ μουσικῇ καὶ γυμνικοῖς ἀγῶσιν, ἔτι δὲ
πρὸς τούτοις ἵππων τε καὶ τριήρων ἁμίλλαις, καὶ λείποντ' οὐδεμίαν τῶν τοιούτων
ὑπερβολήν, (2) ἡγησάμην Εὐαγόραν, εἴ τίς ἐστιν αἴσθησις τοῖς τετελευτηκόσι περὶ τῶν
ἐνθάδε γιγνομένων, εὐμενῶς μὲν ἀποδέχεσθαι καὶ ταῦτα, καὶ χαίρειν ὁρῶντα τήν τε
περὶ αὑτὸν ἐπιμέλειαν καὶ τὴν σὴν μεγαλοπρέπειαν, πολὺ δ' ἂν ἔτι πλείω χάριν ἔχειν ἢ
τοῖς ἄλλοις ἅπασιν, εἴ τις δυνηθείη περὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων αὐτοῦ καὶ τῶν κινδύνων
ἀξίως διελθεῖν τῶν ἐκείνῳ πεπραγμένων· (3) εὑρήσομεν γὰρ τοὺς φιλοτίμους καὶ
μεγαλοψύχους τῶν ἀνδρῶν οὐ μόνον ἀντὶ τῶν τοιούτων ἐπαινεῖσθαι βουλομένους, ἀλλ'
ἀντὶ τοῦ ζῆν ἀποθνῄσκειν εὐκλεῶς αἱρουμένους, καὶ μᾶλλον περὶ τῆς δόξης ἢ τοῦ βίου
σπουδάζοντας, καὶ πάντα ποιοῦντας, ὅπως ἀθάνατον τὴν περὶ αὑτῶν μνήμην
καταλείψουσιν. (4) Αἱ μὲν οὖν δαπάναι τῶν μὲν τοιούτων οὐδὲν ἐξεργάζονται, τοῦ δὲ
πλούτου σημεῖόν εἰσιν· οἱ δὲ περὶ τὴν μουσικὴν καὶ τὰς ἄλλας ἀγωνίας ὄντες, οἱ μὲν τὰς
δυνάμεις τὰς αὑτῶν, οἱ δὲ τὰς τέχνας ἐπιδειξάμενοι, σφᾶς αὐτοὺς ἐντιμοτέρους
κατέστησαν· ὁ δὲ λόγος εἰ καλῶς διέλθοι τὰς ἐκείνου πράξεις, ἀείμνηστον ἂν τὴν ἀρετὴν
τὴν Εὐαγόρου παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις ποιήσειεν.
(5) Ἐχρῆν μὲν οὖν καὶ τοὺς ἄλλους ἐπαινεῖν τοὺς ἐφ' αὑτῶν ἄνδρας ἀγαθοὺς
γεγενημένους, ἵν' οἵ τε δυνάμενοι τὰ τῶν ἄλλων ἔργα κοσμεῖν ἐν εἰδόσι ποιούμενοι τοὺς
λόγους ταῖς ἀληθείαις ἐχρῶντο περὶ αὐτῶν, οἵ τε νεώτεροι φιλοτιμοτέρως διέκειντο πρὸς
τὴν ἀρετήν, εἰδότες ὅτι τούτων εὐλογήσονται μᾶλλον ὧν ἂν ἀμείνους σφᾶς αὐτοὺς
παράσχωσιν. Νῦν δὲ τίς οὐκ ἂν ἀθυμήσειεν, (6) ὅταν ὁρᾷ τοὺς μὲν περὶ τὰ Τρωϊκὰ καὶ
τοὺς ἐπέκεινα γενομένους ὑμνουμένους καὶ τραγῳδουμένους, αὑτὸν δὲ προειδῇ, μηδ'
ἂν ὑπερβάλλῃ τὰς ἐκείνων ἀρετάς, μηδέποτε τοιούτων ἐπαίνων ἀξιωθησόμενον;
Τούτων δ' αἴτιος ὁ φθόνος, ᾧ τοῦτο μόνον ἀγαθὸν πρόσεστιν, ὅτι μέγιστον κακὸν τοῖς
ἔχουσίν ἐστιν. Οὕτω γάρ τινες δυσκόλως πεφύκασιν, ὥσθ' ἥδιον ἂν εὐλογουμένων
ἀκούοιεν οὓς οὐκ ἴσασιν εἰ γεγόνασιν, ἢ τούτων, ὑφ' ὧν εὖ πεπονθότες αὐτοὶ
τυγχάνουσιν. (7) Οὐ μὴν δουλευτέον τοὺς νοῦν ἔχοντας τοῖς οὕτω κακῶς φρονοῦσιν,
ἀλλὰ τῶν μὲν τοιούτων ἀμελητέον, τοὺς δ' ἄλλους ἐθιστέον ἀκούειν περὶ ὧν καὶ λέγειν
δίκαιόν ἐστιν, ἄλλως τ' ἐπειδὴ καὶ τὰς ἐπιδόσεις ἴσμεν γιγνομένας καὶ τῶν τεχνῶν καὶ
τῶν ἄλλων ἁπάντων οὐ διὰ τοὺς ἐμμένοντας τοῖς καθεστῶσιν, ἀλλὰ διὰ τοὺς
ἐπανορθοῦντας καὶ τολμῶντας ἀεί τι κινεῖν τῶν μὴ καλῶς ἐχόντων.
(8) Οἶδα μὲν οὖν ὅτι χαλεπόν ἐστιν ὃ μέλλω ποιεῖν, ἀνδρὸς ἀρετὴν διὰ λόγων
ἐγκωμιάζειν. Σημεῖον δὲ μέγιστον· περὶ μὲν γὰρ ἄλλων πολλῶν καὶ παντοδαπῶν λέγειν
τολμῶσιν οἱ περὶ τὴν φιλοσοφίαν ὄντες, περὶ δὲ τῶν τοιούτων οὐδεὶς πώποτ' αὐτῶν
συγγράφειν ἐπεχείρησεν. Καὶ πολλὴν αὐτοῖς ἔχω συγγνώμην. Τοῖς μὲν γὰρ ποιηταῖς
πολλοὶ δέδονται κόσμοι· (9) καὶ γὰρ πλησιάζοντας τοὺς θεοὺς τοῖς ἀνθρώποις οἷόν τ'
αὐτοῖς ποιῆσαι καὶ διαλεγομένους καὶ συναγωνιζομένους οἷς ἂν βουληθῶσι, καὶ περὶ
τούτων δηλῶσαι μὴ μόνον τοῖς τεταγμένοις ὀνόμασιν, ἀλλὰ τὰ μὲν ξένοις, τὰ δὲ καινοῖς,
τὰ δὲ μεταφοραῖς, καὶ μηδὲν παραλιπεῖν, ἀλλὰ πᾶσι τοῖς εἴδεσι διαποικῖλαι τὴν ποίησιν·
| [0] ÉLOGE D'ÉVAGORAS.
(1) 1. Nicoclès, en vous voyant honorer le tombeau de votre père, non seulement
par le nombre et la beauté des offrandes, mais par des chœurs, des chants, des
combats gymniques, des courses de chars, des joutes de galères, et déployer une
magnificence qui ne laisse aucun moyen de la surpasser, (2) je pensais que s'il existe
chez les morts quelque sentiment des choses de la terre, Évagoras accueillait
favorablement un tel hommage et voyait avec joie cette manifestation de votre piété
filiale et de votre grandeur d'âme ; mais il me semblait, en même temps, qu'il
éprouverait encore plus de reconnaissance pour l'orateur qui pourrait présenter d'une
manière digne de lui ses grandes actions, le tableau de ses mœurs, et celui des
dangers auxquels il s'est exposé. (3) Nous voyons, en effet, les hommes qui aiment la
gloire et dont l'âme est généreuse, mettre la louange au-dessus de tels honneurs,
préférer à la vie une mort qui les rend illustres, et, plus jaloux de leur renommée que
de leur existence, ne reculer devant aucun sacrifice pour laisser un souvenir qui ne
périsse jamais.(4) La profusion des dépenses ne produit rien de semblable : elle est
uniquement le signe de la richesse. Ceux qui disputent la palme de la musique ou les
prix offerts dans les luttes de toute nature, montrent, les uns leur force, les autres leur
habileté, et ajoutent ainsi à leur propre réputation, tandis qu'un discours qui rappellerait
noblement les actions d'Évagoras, imprimerait à sa vertu le sceau d'une éternelle
mémoire.
(5) 2. Il serait désirable que les orateurs célébrassent les louanges des hommes
distingués de leur époque, afin que ceux qui auraient la faculté d'embellir les grandes
actions par les charmes de l'éloquence, entretenant leurs auditeurs de faits qui leur
seraient connus, restassent fidèles à la vérité, et que les jeunes gens, sachant qu'ils
obtiendront, pour les actes dans lesquels ils montreraient leur supériorité, plus
d'éloges que leurs devanciers, se portassent avec plus d'ardeur vers la vertu.
Aujourd'hui, quel homme ne serait découragé (6) en voyant les héros qui ont vécu à
l'époque du siège de Troie, et plus anciennement encore, célébrés dans des hymnes
et dans des tragédies, lorsqu'il prévoit que, même s'il surpassait leurs vertus, il
n'obtiendrait pas un honneur semblable? La cause de cette injustice est l'envie, dans
laquelle il n'existe qu'un seul bien, c'est d'être le plus grand des maux pour ceux qui s'y
abandonnent. Il y a des hommes si malheureusement nés, qu'ils préfèrent entendre
louer ceux dont ils ignorent l'existence, plutôt que ceux dont ils ont reçu des bienfaits.
(7) Les hommes sages ne doivent pas s'incliner devant la folie de ces insensés : ils
doivent les mépriser; et ils doivent en même temps accoutumer les autres hommes à
prêter l'oreille aux faits dignes d'éloges, lorsque surtout nous savons que les progrès
dans les arts, comme en toute chose, s'obtiennent, non par ceux qui restent
servilement attachés à ce qui est établi, mais par ceux qui corrigent sans cesse et qui
osent toujours modifier ce qui n'a point atteint sa perfection.
(8) 3. Je sais combien est difficile la tâche que je me suis imposée, de louer la
vertu d'un homme dans un discours en prose. En voici la preuve évidente: ceux qui
consacrent leur vie à la philosophie, n'hésitent point à traiter des sujets nombreux et
variés; et cependant, jamais aucun d'eux ne n'est appliqué à une œuvre semblable.
J'éprouve à leur égard un juste sentiment d'indulgence. Une foule d'ornements sont à
la disposition des poètes : (9) il leur est permis, quand ils le veulent, de mettre les
dieux en rapport direct avec les hommes, de les faire converser avec eux, de les
présenter dans les combats comme les auxiliaires des héros : ils peuvent, dans leurs
récits, employer non seulement les mots consacrés par l'usage, mais tantôt des mots
étrangers, tantôt des mots nouveaux, se servir de métaphores, ne négliger aucun
moyen et varier de mille manières les formes de leur poésie.
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