[10] Περὶ μὲν οὖν τῆς Βουσίριδος εὐγενείας τίς οὐκ ἂν δυνηθείη ῥᾳδίως εἰπεῖν; Ὃς
πατρὸς μὲν ἦν Ποσειδῶνος, μητρὸς δὲ Λιβύης τῆς Ἐπάφου τοῦ Διός, ἥν φασι πρώτην
γυναῖκα βασιλεύσασαν ὁμώνυμον αὑτῇ τὴν χώραν καταστῆσαι. Τυχὼν δὲ τοιούτων
προγόνων οὐκ ἐπὶ τούτοις μόνοις μέγ' ἐφρόνησεν, ἀλλ' ᾠήθη δεῖν καὶ τῆς ἀρετῆς τῆς αὑτοῦ
μνημεῖον εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον καταλιπεῖν.
(11) Τὴν μὲν οὖν μητρῴαν ἀρχὴν ὑπερεῖδεν ἐλάττω νομίσας ἢ κατὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν
εἶναι, πλείστους δὲ καταστρεψάμενος καὶ μεγίστην δύναμιν κτησάμενος ἐν Αἰγύπτῳ
κατεστήσατο τὴν βασιλείαν, οὐκ ἐκ τῶν παρουσῶν μόνον ἀλλ' ἐξ ἁπασῶν προκρίνας τὴν
ἐκεῖ πολὺ διαφέρειν οἴκησιν. (12) Ἑώρα γὰρ τοὺς μὲν ἄλλους τόπους οὐκ εὐκαίρως οὐδ'
εὐαρμόστως πρὸς τὴν τοῦ σύμπαντος φύσιν ἔχοντας, ἀλλὰ τοὺς μὲν ὑπ' ὄμβρων
κατακλυζομένους, τοὺς δ' ὑπὸ καυμάτων διαφθειρομένους, ταύτην δὲ τὴν χώραν ἐν
καλλίστῳ μὲν τοῦ κόσμου κειμένην, πλεῖστα δὲ καὶ παντοδαπώτατα φέρειν δυναμένην,
ἀθανάτῳ δὲ τείχει τῷ Νείλῳ τετειχισμένην, (13) ὃς οὐ μόνον φυλακὴν ἀλλὰ καὶ τροφὴν
ἱκανὴν αὐτῇ παρέχειν πέφυκεν, ἀνάλωτος μὲν ὢν καὶ δύσμαχος τοῖς ἐπιβουλεύουσιν,
εὐαγωγὸς δὲ καὶ πρὸς πολλὰ χρήσιμος τοῖς ἐντὸς αὐτοῦ κατοικοῦσιν. Πρὸς γὰρ τοῖς
προειρημένοις καὶ τὴν δύναμιν αὐτῶν πρὸς τὴν τῆς γῆς ἐργασίαν ἰσόθεον πεποίηκεν· τῶν
γὰρ ὄμβρων καὶ τῶν αὐχμῶν τοῖς μὲν ἄλλοις ὁ Ζεὺς ταμίας ἐστίν, ἐκείνων δ' ἕκαστος
ἀμφοτέρων τούτων αὐτὸς αὑτῷ κύριος καθέστηκεν. (14) Εἰς τοσαύτην δ' ὑπερβολὴν
εὐδαιμονίας ἥκουσιν, ὥστε τῇ μὲν ἀρετῇ καὶ τῇ φύσει τῆς χώρας καὶ τῷ πλήθει τῶν πεδίων
ἤπειρον καρποῦνται, τῇ δὲ τῶν περιόντων διαθέσει καὶ τῇ τῶν ἐλλειπόντων κομιδῇ διὰ τὴν
τοῦ ποταμοῦ δύναμιν νῆσον οἰκοῦσιν· κύκλῳ γὰρ αὐτὴν περιέχων καὶ πᾶσαν διαρρέων
πολλὴν αὐτοῖς εὐπορίαν ἀμφοτέρων τούτων πεποίηκεν.
(15) Ἤρξατο μὲν οὖν ἐντεῦθεν, ὅθεν περ χρὴ τοὺς εὖ φρονοῦντας, ἅμα τόν τε τόπον
ὡς κάλλιστον καταλαβεῖν καὶ τροφὴν ἱκανὴν τοῖς περὶ αὑτὸν ἐξευρεῖν. Μετὰ δὲ ταῦτα
διελόμενος χωρὶς ἑκάστους τοὺς μὲν ἐπὶ τὰς ἱερωσύνας κατέστησε, τοὺς δ' ἐπὶ τὰς τέχνας
ἔτρεψε, τοὺς δὲ τὰ περὶ τὸν πόλεμον μελετᾶν ἠνάγκασεν, ἡγούμενος τὰ μὲν ἀναγκαῖα καὶ
τὰς περιουσίας ἔκ τε τῆς χώρας καὶ τῶν τεχνῶν δεῖν ὑπάρχειν, τούτων δ' εἶναι φυλακὴν
ἀσφαλεστάτην τήν τε περὶ τὸν πόλεμον ἐπιμέλειαν καὶ τὴν πρὸς τοὺς θεοὺς εὐσέβειαν.
(16) Ἅπαντας δὲ τοὺς ἀριθμοὺς περιλαβὼν ἐξ ὧν ἄριστ' ἄν τις τὰ κοινὰ διοικήσειεν, ἀεὶ
τοῖς αὐτοῖς τὰς αὐτὰς πράξεις μεταχειρίζεσθαι προσέταξεν, εἰδὼς τοὺς μὲν
μεταβαλλομένους τὰς ἐργασίας οὐδὲ πρὸς ἓν τῶν ἔργων ἀκριβῶς ἔχοντας, τοὺς δ' ἐπὶ ταῖς
αὐταῖς πράξεσι συνεχῶς διαμένοντας εἰς ὑπερβολὴν ἕκαστον ἀποτελοῦντας. (17)
Τοιγαροῦν καὶ πρὸς τὰς τέχνας εὑρήσομεν αὐτοὺς πλέον διαφέροντας τῶν περὶ τὰς αὐτὰς
ἐπιστήμας ἢ τοὺς ἄλλους δημιουργοὺς τῶν ἰδιωτῶν, καὶ πρὸς τὴν σύνταξιν δι' ἧς τήν τε
βασιλείαν καὶ τὴν ἄλλην πολιτείαν διαφυλάττουσιν, οὕτω καλῶς ἔχοντας ὥστε καὶ τῶν
φιλοσόφων τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων λέγειν ἐπιχειροῦντας καὶ μάλιστ' εὐδοκιμοῦντας τὴν ἐν
Αἰγύπτῳ προαιρεῖσθαι πολιτείαν, καὶ Λακεδαιμονίους μέρος τι τῶν ἐκεῖθεν μιμουμένους
ἄριστα διοικεῖν τὴν αὑτῶν πόλιν. (18) Καὶ γὰρ τὸ μηδένα τῶν μαχίμων ἄνευ τῆς τῶν
ἀρχόντων γνώμης ἀποδημεῖν καὶ τὰ συσσίτια καὶ τὴν τῶν σωμάτων ἄσκησιν, ἔτι δὲ τὸ
μηδενὸς τῶν ἀναγκαίων ἀποροῦντας τῶν κοινῶν προσταγμάτων ἀμελεῖν, μηδ' ἐπὶ ταῖς
ἄλλαις τέχναις διατρίβειν, ἀλλὰ τοῖς ὅλοις καὶ ταῖς στρατείαις προσέχειν τὸν νοῦν, ἐκεῖθεν
ἅπαντα ταῦτ' εἰλήφασιν. (19) Τοσούτῳ δὲ χεῖρον κέχρηνται τούτοις τοῖς ἐπιτηδεύμασιν,
ὅσον οὗτοι μὲν ἅπαντες στρατιῶται καταστάντες βίᾳ τὰ τῶν ἄλλων λαμβάνειν ἀξιοῦσιν,
ἐκεῖνοι δ' οὕτως οἰκοῦσιν ὥσπερ χρὴ τοὺς μήτε τῶν ἰδίων ἀμελοῦντας μήτε τοῖς ἀλλοτρίοις
ἐπιβουλεύοντας. Γνοίη δ' ἄν τις ἐνθένδε τὸ διάφορον ἑκατέρας τῆς πολιτείας.
| [10] 5. Relativement à la haute origine de Busiris, quel est celui qui ne pourrait en
parler avec facilité? N'avait-il pas pour père Neptune, et pour mère Libye, fille d'Epaphus,
qui lui-même était fils de Jupiter ; Libye, dont la tradition nous apprend qu'elle est la
première entre toutes les femmes qui, ayant possédé un royaume, ait donné son nom au
pays qu'elle gouvernait? Issu de si nobles aïeux, Busiris ne se borna pas à s'enorgueillir
de son origine, mais il crut qu'il devait laisser un éternel monument de sa propre vertu.
(11) 6. Dédaignant le royaume qu'il avait reçu de sa mère, ne le trouvant pas en
rapport avec la grandeur de son génie, et devenu maître d'une grande puissance après
avoir vaincu un grand nombre de nations, il établit en Égypte le siège de sa royauté,
jugeant que l'Égypte était préférable de beaucoup, non seulement aux contrées qu'il
possédait, mais à toutes les contrées de la terre. (12) Il voyait que les autres pays
n'étaient ni convenablement situés, ni placés sous un ciel favorable à l'ensemble des
productions de la nature; que les uns étaient inondés par les pluies, les autres dévorés
par l'ardeur du soleil; tandis que l'Égypte, placée sous le plus beau ciel de l'univers,
pouvait offrir les productions les plus abondantes et les plus variées ; il la voyait couverte
comme d'un rempart éternel par le Nil , (13) qui non seulement assure sa défense, mais
lui garantit des moyens d'existence suffisants, car ce fleuve, impossible à forcer, difficile à
attaquer, se prête avec facilité aux arrosements et à une foule de choses utiles pour ceux
qui habitent l'intérieur du pays. Nous ajouterons encore que, pour la culture de la terre, le
Nil donne aux habitants de l'Égypte une puissance presque divine, car Jupiter est, pour
les autres pays, le dispensateur de l'humidité et de la sécheresse, tandis que, chez les
Égyptiens, chacun est maître de se procurer soi-même l'une et l'autre. (14) Les Égyptiens
sont parvenus à un tel degré de félicité que, par suite de la fécondité naturelle de la terre
comme de la vaste étendue des plaines, ils jouissent des avantages d'un continent, en
même temps que, par les facilités que leur offre le Nil pour exporter leur superflu et pour
rapporter chez eux les productions qui leur manquent, ils habitent en quelque sorte une
île; parce que le fleuve, entourant le pays comme d'un cercle et le parcourant tout entier,
leur assure les bienfaits de cette double situation.
(15) 7. Busiris commença donc comme doivent commencer les hommes sages,
puisqu'après s'être emparé de la plus belle contrée de l'univers, il assura l'existence de
ses peuples. Il partagea ensuite les Égyptiens en diverses classes. Aux uns il confia les
fonctions sacerdotales ; d'autres furent dirigés vers les arts; et il obligea les autres à
prendre la profession des armes, persuadé que les nécessités, comme les superfluités de
la vie, doivent être satisfaites par l'agriculture et par les arts, mais que leur plus sure
garantie se trouve dans les soins donnés à ce qui concerne la guerre, et dans la piété
envers les dieux.
(16) 8. Embrassant, dans sa pensée, toutes les conditions d'une parfaite
administration des intérêts publics, Busiris ordonna que les mêmes soins fussent toujours
confiés aux mêmes hommes. Il savait que ceux qui s'occupent de travaux divers ne
peuvent exceller dans aucun genre, tandis que ceux qui s'attachent constamment aux
mêmes objets finissent par les porter à la perfection. (17) Aussi trouverons-nous plus de
supériorité chez les artisans égyptiens , relativement aux étrangers qui s'occupent des
mêmes arts, que ceux-ci n'en ont sur les hommes qui ne les ont jamais étudiés. Quant à
l'organisation qui maintient la royauté et tout le système politique, il existe chez eux un
ordre si parfait, qu'entre tous les philosophes, ceux qui ont traité cette matière, et surtout
les plus renommés, ont toujours loué le gouvernement de l'Égypte de préférence à toutes
les constitutions, et que c'est en imitant une partie des institutions égyptiennes que les
Lacédémoniens ont si fortement organisé la puissance de leur ville. (18) C'est de l'Égypte
qu'ils ont tiré et la loi qui interdit à tout homme en état de porter les armes de s'absenter
du pays sans la permission des magistrats , et l'usage des repas en commun, et les
exercices gymnastiques , et la défense faite à tout citoyen manquant du nécessaire de
s'exempter de ses devoirs publics pour s'appliquer à une autre profession que celle de la
guerre et des armes. (19) Mais les Lacédémoniens ont si mal usé de ces sages
institutions que tous, devenus soldats, ils regardent comme un droit de s'emparer par la
violence de ce qui appartient aux autres ; tandis que les Égyptiens agissent comme des
hommes qui, sans négliger ce qui est à eux, ne cherchent point à usurper une possession
étrangère. On pourrait, d'après ce que je vais dire, apprécier la différence qui existe entre
les deux gouvernements.
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