[20] Μετὰ δὲ ταῦτα φυγῆς ἡμῖν γενομένης ἐκ τῆς πόλεως μετὰ
τοιούτου θορύβου καὶ δέους ὥστ᾽ ἐνίους καὶ τῶν σφετέρων αὐτῶν ἀμελεῖν,
οὐδ᾽ ἐν τούτοις τοῖς κακοῖς ἠγάπησα, εἰ τοὺς οἰκείους τοὺς ἐμαυτοῦ
διασῶσαι δυνηθείην, ἀλλ᾽ εἰδὼς Σώπολιν μὲν ἀποδημοῦντα, αὐτὸν δ᾽
ἐκεῖνον ἀρρώστως διακείμενον, συνεξεκόμις᾽ αὐτῷ καὶ τὴν μητέρα καὶ τὴν
ἀδελφὴν καὶ τὴν οὐσίαν ἅπασαν. Καίτοι τίνα δικαιότερον αὐτὴν ἔχειν
προσήκει ἢ1 τὸν τότε μὲν συνδιασώσαντα, νῦν δὲ παρὰ τῶν κυρίων
εἰληφότα;
<21>`Τὰ μὲν τοίνυν εἰρημέν᾽ ἐστὶν ἐν οἷς ἐκινδύνευσα μὲν, φλαῦρον δ᾽
οὐδὲν ἀπέλαυσα· ἔχω δὲ καὶ τοιαῦτ᾽ εἰπεῖν, ἐξ ὧν ἐκείνῳ χαριζόμενος
αὐτὸς ταῖς μεγίσταις συμφοραῖς περιέπεσον.
Ἐπειδὴ γὰρ ἤλθομεν εἰς Μῆλον, αἰσθόμενος, ὅτι μέλλοιμεν αὐτοῦ
καταμένειν, μένειν, ἐδεῖτό μου συμπλεῖν εἰς Τροιζῆνα καὶ μηδαμῶς αὐτὸν
ἀπολιπεῖν, λέγων τὴν ἀρρωστίαν τοῦ σώματος καὶ τὸ πλῆθος τῶν ἐχθρῶν,
καὶ ὅτι χωρὶς ἐμοῦ γενόμενος οὐδὲν ἕξοι χρῆσθαι τοῖς αὑτοῦ πράγμασιν.
<22> Φοβουμένης δὲ τῆς μητρός, ὅτι τὸ χωρίον ἐπυνθάνετο νοσῶδες εἶναι,
καὶ τῶν ξένων συμβουλευόντων αὐτοῦ μένειν, ὅμως ἔδοξεν ἡμῖν ἐκείνῳ
χαριστέον εἶναι. Καὶ μετὰ ταῦτ᾽ οὐκ ἔφθημεν εἰς Τροιζῆν᾽ ἐλθόντες καὶ
τοιαύταις νόσοις ἐλήφθημεν, ἐξ ὧν αὐτὸς μὲν παρὰ μικρὸν ἦλθον
ἀποθανεῖν, ἀδελφὴν δὲ κόρην τετρακαιδεκέτιν γεγονυῖαν ἐντὸς τριάκονθ᾽
ἡμερῶν κατέθαψα, τὴν δὲ μητέρ᾽ οὐδὲ πένθ᾽ ἡμέραις ἐκείνης ὕστερον.
Καίτοι τίν᾽ οἴεσθέ με γνώμην ἔχειν τοσαύτης μοι μεταβολῆς τοῦ βίου
γεγενημένης; <23> ὃς τὸν μὲν ἄλλον χρόνον ἀπαθὴς ἦν κακῶν, νεωστὶ δ᾽
ἐπειρώμην φυγῆς καὶ τοῦ παρ᾽ ἑτέροις μὲν μετοικεῖν, στέρεσθαι δὲ τῶν
ἐμαυτοῦ, πρὸς δὲ τούτοις ὁρῶν τὴν μητέρα τὴν αὑτοῦ καὶ τὴν ἀδελφὴν ἐκ
μὲν τῆς πατρίδος ἐκπεπτωκυίας, ἐπὶ δὲ ξένης καὶ παρ᾽ ἀλλοτρίοις τὸν βίον
τελευτώσας. Ὥστ᾽ οὐδεὶς ἄν μοι δικαίως φθονήσειεν, εἴ τι τῶν Θρασυλόχου
πραγμάτων ἀγαθὸν ἀπολέλαυκα· καὶ γὰρ ἵνα χαρισαίμην ἐκείνῳ,
κατοικισάμενος ἐν Τροιζῆνι τοιαύταις ἐχρησάμην συμφοραῖς, ὧν οὐδέποτ᾽
ἂν ἐπιλαθέσθαι δυνηθείην.
<24> Καὶ μὴν οὐδὲ τοῦθ᾽ ἕξουσιν εἰπεῖν ὡς εὖ μὲν πράττοντος
Θρασυλόχου πάντα ταῦθ᾽ ὑπέμενον, δυστυχήσαντα δ᾽ αὐτὸν ἀπέλιπον· ἐν
αὐτοῖς γὰρ τούτοις ἔτι σαφέστερον καὶ μᾶλλον ἐνεπεδειξάμην τὴν εὔνοιαν
ἣν εἶχον εἰς ἐκεῖνον. Ἐπειδὴ γὰρ εἰς Αἴγιναν κατοικισάμενος ἠσθένησε
ταύτην τὴν νόσον ἐξ ἧσπερ ἀπέθανεν, οὕτως αὐτὸν ἐθεράπευσα ὡς οὐκ
οἶδ᾽ ὅστις πώποθ᾽ ἕτερος ἕτερον, τὸν μὲν πλεῖστον τοῦ χρόνου πονηρῶς
μὲν ἔχοντα, περιιέναι δ᾽ ἔτι δυνάμενον, ἓξ μῆνας δὲ συνεχῶς ἐν τῇ κλίνῃ
κείμενον. <25> Καὶ τούτων τῶν ταλαιπωριῶν οὐδεὶς τῶν συγγενῶν
μετασχεῖν ἠξίωσεν, ἀλλ᾽ οὐδ᾽ ἐπισκεψόμενος ἀφίκετο πλὴν τῆς μητρὸς καὶ
τῆς ἀδελφῆς, αἳ πλέον θάτερον ἐποίησαν· ἀσθενοῦσαι γὰρ ἦλθον ἐκ
Τροιζῆνος, ὥστ᾽ αὐταὶ θεραπείας ἐδέοντο. Ἀλλ᾽ ὅμως ἐγώ, τοιούτων τῶν
ἄλλων περὶ αὐτὸν γεγενημένων, οὐκ ἀπεῖπον οὐδ᾽ ἀπέστην ἀλλ᾽
ἐνοσήλευον αὐτὸν μετὰ παιδὸς ἑνός· <26> Οὐδὲ γὰρ τῶν οἰκετῶν οὐδεὶς
ὑπέμεινεν. Καὶ γὰρ φύσει χαλεπὸς ὢν ἔτι δυσκολώτερον διὰ τὴν νόσον
διέκειτο, ὥστ᾽ οὐκ ἐκείνων ἄξιον θαυμάζειν, εἰ μὴ παρέμενον, ἀλλὰ πολὺ
μᾶλλον, ὅπως ἐγὼ τοιαύτην νόσον θεραπεύων ἀνταρκεῖν ἠδυνάμην· ὃς
ἔμπυος μὲν ἦν πολὺν χρόνον, ἐκ δὲ τῆς κλίνης οὐκ ἠδύνατο κινεῖσθαι, <27>
τοιαῦτα δ᾽ ἔπασχεν ὥσθ᾽ ἡμᾶς μηδεμίαν ἡμέραν ἀδακρύτους διάγειν, ἀλλὰ
θρηνοῦντες διετελοῦμεν καὶ τοὺς πόνους τοὺς ἀλλήλων καὶ τὴν φυγὴν καὶ
τὴν ἐρημίαν τὴν ἡμετέραν αὐτῶν. Καὶ ταῦτ᾽ οὐδένα χρόνον διέλειπεν· οὐδὲ
γὰρ ἀπελθεῖν οἷόν τ᾽ ἦν ἢ δοκεῖν ἀμελεῖν, ὅ μοι πολὺ δεινότερον ἦν τῶν
κακῶν τῶν παρόντων.
<28> Ἠβουλόμην δ᾽ ἂν ὑμῖν οἷός τ᾽ εἶναι ποιῆσαι φανερὸν οἷος περὶ
αὐτὸν ἐγενόμην· οἶμαι γὰρ οὐδ᾽ ἂν τὴν φωνὴν ὑμᾶς ἀνασχέσθαι τῶν
ἀντιδίκων. Νῦν δὲ τὰ χαλεπώτατα τῶν ἐν τῇ θεραπείᾳ καὶ δυσχερέστατα
καὶ πόνους ἀηδεστάτους ἔχοντα καὶ πλείστης ἐπιμελείας δεηθέντ᾽ οὐκ
εὐδιήγητ᾽ ἐστίν. Ἀλλ᾽ ὑμεῖς αὐτοὶ σκοπεῖτε, μετὰ πόσων ἄν τις ἀγρυπνιῶν
καὶ ταλαιπωριῶν τοιοῦτον νόσημα τοσοῦτον χρόνον θεραπεύσειεν. <29>
Ἐγὼ μὲν γὰρ οὕτω κακῶς διετέθην, ὥσθ᾽ ὅσοι περ εἰσῆλθον τῶν φίλων,
ἔφασαν δεδιέναι, μὴ κἀγὼ προσαπόλωμαι, καὶ συνεβούλευόν μοι
φυλάττεσθαι, λέγοντες ὡς οἱ πλεῖστοι τῶν θεραπευσάντων ταύτην τὴν
νόσον αὐτοὶ προσδιεφθάρησαν. Πρὸς οὓς ἐγὼ τοιαῦτ᾽ ἀπεκρινάμην ὅτι
πολὺ ἂν θᾶττον ἑλοίμην ἀποθανεῖν ἢ 'κεῖνον περιιδεῖν δι᾽ ἔνδειαν τοῦ
θεραπεύσοντος πρὸ μοίρας τελευτήσαντα.
| [20] 10. Obligés ensuite de fuir notre patrie, au milieu d'un tumulte et
d'une terreur tels que plusieurs citoyens ne songèrent pas même à
préserver leurs parents, je ne me contentai pas, dans un semblable
malheur, d'avoir sauvé ma famille ; mais, sachant que Sopolis était absent
et que Thrasylochus était malade, j'enlevai le dernier, et avec lui sa mère,
sa sœur et toute sa fortune. Qui pourrait donc posséder cette fortune avec
plus de justice que celui qui à cette époque l'a sauvée, et qui maintenant
l'a reçue de ceux qui en étaient les maîtres ?
11. <21> Jusqu'ici je vous ai exposé les circonstances où j'ai couru
des dangers, mais sans éprouver toutefois rien de funeste. Je puis
maintenant vous en faire connaître d'autres, où, pour complaire à
Thrasylochus, j'ai été frappé des plus cruelles calamités.
12. Nous nous étions rendus à Mélos ; Thrasylochus, s'apercevant
que nous voulions y rester, me demanda de faire voile avec lui pour
Trézène et de ne point l'abandonner, m'alléguant d'une part sa mauvaise
santé, de l'autre le grand nombre de ses ennemis, enfin l'impossibilité où il
se trouverait, s'il était séparé de moi, de s'occuper de ses propres affaires.
<22> Ma mère, ayant appris que l'air de Trézène était malsain, s'alarmait
de notre départ; nos hôtes nous conseillaient de demeurer à Mélos; nous
crûmes devoir néanmoins condescendre aux désirs de Thrasylochus. A
peine étions-nous arrivés à Trézène, que nous fûmes atteints par des
maladies si graves, que je me vis presqu'au moment de mourir; que, dans
l'espace de trente jours, j'ensevelis ma sœur, jeune fille de quatorze ans,
et ma mère, qui succomba moins de cinq jours après elle. De quels
sentiments, croyez-vous, ne dus-je pas être affligé après un si cruel
changement dans mon existence ! <23> Jusque-là j'avais été à l'abri de
l'infortune, et tout à coup je faisais l'épreuve de l'exil ; j'étais obligé de
vivre au milieu d'hommes inconnus ; j'étais dépouillé de ma fortune, et, en
outre, j'avais vu ma mère, ma sœur, chassées de leur patrie, finir leurs
jours sur une terre étrangère. Non, personne ne pourrait avec justice
m'envier la part que j'ai recueillie des biens de Thrasylochus, puisque
c'est par dévouement pour lui qu'en m'établissant à Trézène je me suis
vu accablé par des malheurs dont jamais le souvenir ne s'effacera de ma
mémoire.
13. <24> Mes adversaires ne peuvent pas même prétendre que c'est
lorsque Thrasylochus était dans la prospérité que j'ai supporté toutes ces
épreuves et que je l'ai abandonné dans l'adversité; car c'est surtout à
cette dernière époque, que j'ai montré avec plus d'évidence et de force
mon affection pour lui. En effet, lorsque, après avoir fixé sa demeure à
Egine, il fut atteint de la maladie dont il est mort, je lui donnai de tels soins
que j'ignore si jamais un homme en a donné de semblables à un autre
homme ; et je les lui continuai, non seulement quand ses souffrances lui
permettaient encore de sortir, mais six mois entiers durant lesquels il ne
put quitter son lit. <25> Aucun de ses parents ne daigna s'associer à ses
douleurs ; aucun ne vint même le visiter, excepté sa mère et sa sœur, qui
ajoutèrent à nos peines au lieu de les soulager, parce qu'étant arrivées
malades de Trézène, elles avaient elles-mêmes besoin de soins. C'est
pourtant lorsque tous les autres tenaient une telle conduite à l'égard de
Thrasylochus, que je n'ai point perdu courage, que je ne l'ai point quitté,
que je lui ai donné mes soins, avec le seul secours d'un jeune esclave,
<26> car aucun de ses serviteurs n'avait pu se résoudre à rester auprès de
lui. Il était naturellement irritable, et, la maladie ayant rendu son humeur
plus chagrine, on ne doit pas être surpris qu'il leur ait été impossible d'y
résister, mais on doit plutôt s'étonner que j'aie pu suffire à soigner, dans
un pareil état, un homme dont l'expectoration était depuis longtemps
purulente, qui ne pouvait quitter son lit, <27> et qui éprouvait de telles
souffrances que nous ne passions pas un jour sans verser des larmes,
sans déplorer mutuellement nos peines, notre exil et notre isolement.
Et cela, sans interruption, car il m'était impossible de m'éloigner sans
paraître le négliger, ce qui aurait été pour moi une douleur beaucoup plus
grande que tous les maux auxquels j'étais en proie.
14. <28> Je voudrais pouvoir vous montrer avec évidence tout ce que
j'ai été pour lui, car alors vous ne supporteriez pas même la voix de mes
adversaires; mais il n'est pas facile de faire connaître les difficultés
extrêmes attachées au traitement d'une pareille maladie, qui nécessite les
services les plus pénibles, les soins les plus attentifs. Examinez vous-mêmes
au prix de combien de veilles et de fatigues un mal de cette
nature, et qui dure aussi longtemps, peut être combattu. <29> J'étais dans
un tel état que tous ceux de mes amis qui venaient me visiter me
témoignaient leur crainte de me voir périr avec lui et m'engageaient à me
garantir moi-même, en me disant que la plupart de ceux qui avaient
soigné cette maladie en étaient devenus les victimes. Je leur répondais
alors que je préférais mourir, plutôt que de laisser expirer Thrasylochus
avant l'instant marqué par la destinée, faute d'avoir auprès de lui
quelqu'un pour le secourir.
|