[10] Καὶ τὰ μὲν γενόμενα ταῦτ' ἐστίν· τοσοῦτον δὲ τοῖς ἐχθροῖς τῆς ὕβρεως
περίεστιν, ὥσθ' οὕτως ἀνόμως τοῦ πατρὸς ἐκπεσόντος ὡς δεινὰ δεδρακότος αὐτοῦ
κατηγοροῦσι, καὶ διαβάλλειν ἐπιχειροῦσιν ὡς Δεκέλειάν τ' ἐπετείχισε καὶ τὰς νήσους
ἀπέστησε καὶ τῶν πολεμίων διδάσκαλος κατέστη. <11> Καὶ ἐνίοτε μὲν αὐτοῦ
προσποιοῦνται καταφρονεῖν, λέγοντες ὡς οὐδὲν διέφερε τῶν ἄλλων, νυνὶ δ' ἁπάντων
αὐτὸν τῶν γεγενημένων αἰτιῶνται καί φασι παρ' ἐκείνου μαθεῖν Λακεδαιμονίους ὡς χρὴ
πολεμεῖν, οἳ καὶ τοὺς ἄλλους διδάσκειν τέχνην ἔχουσιν. Ἐγὼ δ' εἴ μοι χρόνος ἱκανὸς
γένοιτο, ῥᾳδίως ἂν αὐτὸν ἐπιδείξαιμι τὰ μὲν δικαίως πράξαντα, τῶν δ' ἀδίκως αἰτίαν
ἔχοντα. Πάντων δ' ἂν εἴη δεινότατον, εἰ τοῦ πατρὸς μετὰ τὴν φυγὴν δωρεὰν λαβόντος
ἐγὼ διὰ τὴν ἐκείνου φυγὴν ζημιωθείην.
<12> Ἡγοῦμαι δ' αὐτὸν παρ' ὑμῶν δικαίως ἂν πλείστης συγγνώμης τυγχάνειν· ὑπὸ
γὰρ τῶν τριάκοντ' ἐκπεσόντες ταῖς αὐταῖς ἐκείνῳ συμφοραῖς ἐχρήσασθε. Ἐξ ὧν
ἐνθυμεῖσθαι χρή, πῶς ἕκαστος ὑμῶν διέκειτο καὶ τίνα γνώμην εἶχε καὶ ποῖον κίνδυνον
οὐκ ἂν ὑπέμεινεν ὥστε παύσασθαι μὲν μετοικῶν, κατελθεῖν δ' εἰς τὴν πατρίδα,
τιμωρήσασθαι δὲ τοὺς ἐκβαλόντας. <13> Ἐπὶ τίνα δ' ἢ πόλιν ἢ φίλον ἢ ξένον οὐκ ἤλθετε
δεησόμενοι συγκαταγαγεῖν ὑμᾶς; Τίνος δ' ἀπέσχεσθε πειρώμενοι κατελθεῖν; Οὐ
καταλαβόντες τὸν Πειραιᾶ καὶ τὸν σῖτον τὸν ἐν τῇ χώρᾳ διεφθείρετε καὶ τὴν γῆν ἐτέμνετε
καὶ τὰ προάστεια ἐνεπρήσατε καὶ τελευτῶντες τοῖς τείχεσι προσεβάλετε; <14> Καὶ ταῦθ'
οὕτω σφόδρ' ἐνομίζετε χρῆναι ποιεῖν, ὥστε τοῖς ἡσυχίαν ἄγουσι τῶν συμφυγάδων
μᾶλλον ὠργίζεσθε ἢ τοῖς αἰτίοις τῶν συμφορῶν γεγενημένοις.
Ὥστ' οὐκ εἰκὸς ἐπιτιμᾶν τοῖς τῶν αὐτῶν ὑμῖν ἐπιθυμοῦσιν, οὐδὲ κακοὺς ἄνδρας
νομίζειν, ὅσοι φεύγοντες κατελθεῖν ἐζήτησαν, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον ὅσοι μένοντες φυγῆς
ἄξι' ἐποίησαν· οὐδ' ἐντεῦθεν ἀρξαμένους κρίνειν, ὁποῖός τις ἦν ὁ πατὴρ πολίτης, ὅτ'
οὐδὲν αὐτῷ τῆς πόλεως προσῆκεν, <15> ἀλλ' ἐπ' ἐκείνου τοῦ χρόνου σκοπεῖν οἷος ἦν
πρὶν φυγεῖν περὶ τὸ πλῆθος, καὶ ὅτι διακοσίους ὁπλίτας ἔχων τὰς μεγίστας πόλεις τῶν
ἐν Πελοποννήσῳ Λακεδαιμονίων μὲν ἀπέστησεν, ὑμῖν δὲ συμμάχους ἐποίησε, καὶ εἰς
οἵους κινδύνους αὐτοὺς κατέστησε, καὶ ὡς περὶ Σικελίαν ἐστρατήγησεν. Τούτων μὲν
γὰρ ἐκείνῳ προσήκει χάριν ὑμᾶς ἔχειν· τῶν δ' ἐν τῇ συμφορᾷ γενομένων τοὺς
ἐκβαλόντας αὐτὸν δικαίως ἂν αἰτίους νομίζοιτε.
<16> Ἀναμνήσθητε δὲ πρὸς ὑμᾶς αὐτούς, ἐπειδὴ κατῆλθεν, ὡς πόλλ' ἀγαθὰ τὴν
πόλιν ἐποίησεν, ἔτι δὲ πρότερον, ὡς ἐχόντων τῶν πραγμάτων αὐτὸν κατεδέξασθε,
καταλελυμένου μὲν τοῦ δήμου, στασιαζόντων δὲ τῶν πολιτῶν, διαφερομένων δὲ τῶν
στρατιωτῶν πρὸς τὰς ἀρχὰς τὰς ἐνθάδε καθεστηκυίας, εἰς τοῦτο δὲ μανίας ἀμφοτέρων
ἀφιγμένων ὥστε μηδετέροις μηδεμίαν ἐλπίδ' εἶναι σωτηρίας· <17> οἱ μὲν γὰρ τοὺς
ἔχοντας τὴν πόλιν ἐχθροὺς ἐνόμιζον μᾶλλον ἢ Λακεδαιμονίους, οἱ δὲ τοὺς ἐκ Δεκελείας
μετεπέμποντο, ἡγούμενοι κρεῖττον εἶναι τοῖς πολεμίοις τὴν πατρίδα παραδοῦναι μᾶλλον
ἢ τοῖς ὑπὲρ τῆς πόλεως στρατευομένοις τῆς πολιτείας μεταδοῦναι. <18> Τοιαύτην μὲν
οὖν τῶν πολιτῶν γνώμην ἐχόντων, κρατούντων δὲ τῶν πολεμίων καὶ τῆς γῆς καὶ τῆς
θαλάττης, ἔτι δὲ χρημάτων ὑμῖν μὲν οὐκ ὄντων, ἐκείνοις δὲ βασιλέως παρέχοντος, πρὸς
δὲ τούτοις ἐνενήκοντα νεῶν ἐκ Φοινίκης εἰς Ἄσπενδον ἡκουσῶν καὶ παρεσκευασμένων
Λακεδαιμονίοις βοηθεῖν, ἐν τοσαύταις συμφοραῖς καὶ τοιούτοις κινδύνοις τῆς πόλεως
οὔσης, <19> μεταπεμψαμένων αὐτὸν τῶν στρατιωτῶν οὐκ ἐσεμνύνατ' ἐπὶ τοῖς παροῦσιν,
οὐδ' ἐμέμψατο περὶ τῶν γεγενημένων, οὐδ' ἐβουλεύσατο περὶ τῶν μελλόντων, ἀλλ'
εὐθὺς εἵλετο μετὰ τῆς πόλεως ὁτιοῦν πάσχειν μᾶλλον ἢ μετὰ Λακεδαιμονίων εὐτυχεῖν,
καὶ πᾶσι φανερὸν ἐποίησεν ὅτι τοῖς ἐκβαλοῦσιν ἀλλ' οὐχ ὑμῖν ἐπολέμει, καὶ ὅτι κατελθεῖν
ἀλλ' οὐκ ἀπολέσαι τὴν πόλιν ἐπεθύμει.
| [10] 4. Voilà les faits tels qu'ils se sont passés : et cependant l'insolence de ses
ennemis est arrivée à un tel point, que c'est lorsqu'il a été exilé d'une manière si
contraire aux lois, qu'ils l'accusent des actes les plus criminels; qu'ils lui reprochent
d'avoir fortifié Décélie, d'avoir excité les îles à la défection, et de s'être fait le conseiller
de nos ennemis. <11> Quelquefois ils feignent de le mépriser, affirmant qu'il n'est en
rien supérieur aux autres hommes; et, en même temps, ils lui imputent tout ce qui est
arrivé, et disent que c'est de lui que les Lacédémoniens ont appris la manière de faire
la guerre, eux qui sont en état de l'enseigner aux autres. Je pourrais facilement, si le
temps m'en était donné, vous montrer que, parmi ses actes, les uns sont conformes à
la justice, et les autres injustement incriminés. Mais ce qu'il y aurait de plus odieux, ce
serait que, mon père ayant reçu une récompense après son exil, je fusse puni à cause
de ce même exil.
<12> 5. Je crois, d'ailleurs, qu'un sentiment d'équité doit lui faire trouver en vous la
plus grande indulgence ; car, chassés par les Trente, vous avez subi les mêmes
malheurs que lui. Que chacun de vous se rappelle dans quelles dispositions il se
trouvait; quels étaient ses sentiments, quels périls il n'eût pas affrontés pour mettre un
terme à son exil, pour rentrer dans sa patrie, et punir ceux qui l'en avaient banni ! <13>
Quelle ville, quels hôtes, quels amis n'avez-vous pas suppliés de vous ramener dans
vos foyers ? Et de quel moyen vous êtes-vous abstenus pour arriver à ce but?
N'avez-vous pas surpris le Pirée? N'avez-vous pas ravagé les moissons dans la campagne,
dévasté le territoire, incendié les faubourgs, donné enfin l'assaut à la ville? <14> Vous
étiez tellement convaincus que c'était un devoir d'agir ainsi, que vous avez montré plus
de colère envers ceux de vos compagnons d'exil qui étaient restés dans l'inaction, que
contre les auteurs mêmes de vos maux.
6. Il ne faut donc pas blâmer ceux qui désirent les mêmes choses que vous, ni
regarder comme de mauvais citoyens les hommes qui, étant exilés, ont cherché à
rentrer dans leur patrie; mais bien plutôt ceux qui, restés dans leur pays, ont tenu une
conduite digne de l'exil ; et pour juger les sentiments de mon père comme citoyen, on
ne doit pas se reporter à un temps où il n'existait rien de commun entre lui et la
République ; <15> il faut voir ce qu'il a été pour le peuple, dans les temps qui ont
précédé son exil; comment, avec deux cents hoplites, il arracha les plus grandes villes
du Péloponnèse à l'alliance de Lacédémone et les fit entrer dans la nôtre; quels
dangers il fit courir à Sparte, et de quelle manière il commanda nos armées en Sicile.
Ce sont des faits pour lesquels vous lui devez de la reconnaissance, et c'est à ceux
qui l'ont exilé que vous devez imputer vos malheurs.
<16> 7. Rappelez-vous combien de services mon père, après son retour, rendit à la
République, et rappelez-vous, avant tout, quelle était la position des affaires quand
vous l'avez reçu parmi vous; rappelez-vous la démocratie détruite, les citoyens divisés
en factions ennemies, l'armée en lutte avec les pouvoirs établis, les deux partis arrivés
à un tel excès de fureur qu'il ne restait à personne aucun espoir de salut, <17> parce
que les uns voyaient dans le parti qui était maître de la ville des ennemis plus odieux
que les Lacédémoniens, tandis que les autres appelaient à leur aide les troupes qui
occupaient Décélie, persuadés qu'il valait mieux livrer leur patrie à ses ennemis, que
de donner aux hommes qui défendaient la ville une part dans le gouvernement. <18>
C'est lorsque les citoyens étaient dans cette disposition funeste, que nos ennemis
étaient maîtres de la terre et de la mer, que votre trésor était épuisé, que le roi de
Perse payait des subsides à nos rivaux, et qu'en outre quatre-vingt-dix vaisseaux,
arrivés de Phénicie à Aspendos, se préparaient à secourir les Lacédémoniens, c'est,
dis-je, lorsque notre ville était plongée dans un tel abîme de maux, et qu'elle était
exposée à de si terribles dangers, <19> que, les généraux ayant envoyé vers mon père,
il n'essaya point de se prévaloir de la position des affaires ; mais, sans récriminer,
sans chercher à s'assurer des garanties pour l'avenir, il se détermina aussitôt à tout
souffrir avec son pays, plutôt que de partager les prospérités de Sparte, et rendit
évident pour tous qu'il ne vous faisait point la guerre, qu'il la faisait uniquement à ceux
qui l'avaient exilé ; qu'il voulait rentrer dans sa patrie, mais non pas la détruire.
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