[14,350] ξεστὸν ἐφόλκαιον καταβὰς ἐπέλασσα θαλάσσῃ
στῆθος, ἔπειτα δὲ χερσὶ διήρεσσ᾽ ἀμφοτέρῃσι
νηχόμενος, μάλα δ᾽ ὦκα θύρηθ᾽ ἔα ἀμφὶς ἐκείνων.
ἔνθ᾽ ἀναβάς, ὅθι τε δρίος ἦν πολυανθέος ὕλης,
κείμην πεπτηώς. οἱ δὲ μεγάλα στενάχοντες
355 φοίτων· ἀλλ᾽ οὐ γάρ σφιν ἐφαίνετο κέρδιον εἶναι
μαίεσθαι προτέρω, τοὶ μὲν πάλιν αὖτις ἔβαινον
νηὸς ἔπι γλαφυρῆς· ἐμὲ δ᾽ ἔκρυψαν θεοὶ αὐτοὶ
ῥηϊδίως, καί με σταθμῷ ἐπέλασσαν ἄγοντες
ἀνδρὸς ἐπισταμένου· ἔτι γάρ νύ μοι αἶσα βιῶναι."
360 τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφης, Εὔμαιε συβῶτα·
"ἆ δειλὲ ξείνων, ἦ μοι μάλα θυμὸν ὄρινας
ταῦτα ἕκαστα λέγων, ὅσα δὴ πάθες ἠδ᾽ ὅσ᾽ ἀλήθης.
ἀλλὰ τά γ᾽ οὐ κατὰ κόσμον ὀΐομαι, οὐδέ με πείσεις
εἰπὼν ἀμφ᾽ Ὀδυσῆϊ· τί σε χρὴ τοῖον ἐόντα
365 μαψιδίως ψεύδεσθαι; ἐγὼ δ᾽ εὖ οἶδα καὶ αὐτὸς
νόστον ἐμοῖο ἄνακτος, ὅ τ᾽ ἤχθετο πᾶσι θεοῖσι
πάγχυ μάλ᾽, ὅττι μιν οὔ τι μετὰ Τρώεσσι δάμασσαν
ἠὲ φίλων ἐν χερσίν, ἐπεὶ πόλεμον τολύπευσε.
τῷ κέν οἱ τύμβον μὲν ἐποίησαν Παναχαιοί,
370 ἠδέ κε καὶ ᾧ παιδὶ μέγα κλέος ἤρατ᾽ ὀπίσσω
νῦν δέ μιν ἀκλειῶς ἅρπυιαι ἀνηρείψαντο.
αὐτὰρ ἐγὼ παρ᾽ ὕεσσιν ἀπότροπος· οὐδὲ πόλινδε
ἔρχομαι, εἰ μή πού τι περίφρων Πηνελόπεια
ἐλθέμεν ὀτρύνῃσιν, ὅτ᾽ ἀγγελίη ποθὲν ἔλθῃ.
375 ἀλλ᾽ οἱ μὲν τὰ ἕκαστα παρήμενοι ἐξερέουσιν,
ἠμὲν οἳ ἄχνυνται δὴν οἰχομένοιο ἄνακτος,
ἠδ᾽ οἳ χαίρουσιν βίοτον νήποινον ἔδοντες·
ἀλλ᾽ ἐμοὶ οὐ φίλον ἐστὶ μεταλλῆσαι καὶ ἐρέσθαι,
ἐξ οὗ δή μ᾽ Αἰτωλὸς ἀνὴρ ἐξήπαφε μύθῳ,
380 ὅς ῥ᾽ ἄνδρα κτείνας, πολλὴν ἐπὶ γαῖαν ἀληθείς,
ἦλθεν ἐμὰ πρὸς δώματ᾽· ἐγὼ δέ μιν ἀμφαγάπαζον.
φῆ δέ μιν ἐν Κρήτεσσι παρ᾽ Ἰδομενῆϊ ἰδέσθαι
νῆας ἀκειόμενον, τάς οἱ ξυνέαξαν ἄελλαι·
καὶ φάτ᾽ ἐλεύσεσθαι ἢ ἐς θέρος ἢ ἐς ὀπώρην,
385 πολλὰ χρήματ᾽ ἄγοντα, σὺν ἀντιθέοις ἑτάροισι.
καὶ σύ, γέρον πολυπενθές, ἐπεί σέ μοι ἤγαγε δαίμων,
μήτε τί μοι ψεύδεσσι χαρίζεο μήτε τι θέλγε·
οὐ γὰρ τοὔνεκ᾽ ἐγώ σ᾽ αἰδέσσομαι οὐδὲ φιλήσω,
ἀλλὰ Δία ξένιον δείσας αὐτόν τ᾽ ἐλεαίρων."
390 τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πολύμητις Ὀδυσσεύς
"ἦ μάλα τίς τοι θυμὸς ἐνὶ στήθεσσιν ἄπιστος,
οἷόν σ᾽ οὐδ᾽ ὀμόσας περ ἐπήγαγον οὐδέ σε πείθω.
ἀλλ᾽ ἄγε νῦν ῥήτρην ποιησόμεθ᾽· αὐτὰρ ὄπισθε
μάρτυροι ἀμφοτέροισι θεοί, τοὶ Ὄλυμπον ἔχουσιν.
395 εἰ μέν κεν νοστήσῃ ἄναξ τεὸς ἐς τόδε δῶμα,
ἕσσας με χλαῖνάν τε χιτῶνά τε εἵματα πέμψαι
Δουλίχιόνδ᾽ ἰέναι, ὅθι μοι φίλον ἔπλετο θυμῷ·
εἰ δέ κε μὴ ἔλθῃσιν ἄναξ τεὸς ὡς ἀγορεύω,
δμῶας ἐπισσεύας βαλέειν μεγάλης κατὰ πέτρης,
| [14,350] je me laissai glisser le long du gouvernail poli,
et plongeai ma poitrine dans la mer;
puis je ramai des deux mains en nageant ; je fus bien vite
hors de l'eau, à l'écart de ces gens. Étant monté sur le
rivage, là même où il y avait un buisson de la forêt toute
fleurie, je m'y laissai tomber et m'y blottis; eux poussaient
de grands cris, allaient et venaient. Mais, comme il
leur paraissait qu'ils n'avaient rien à gagner en poussant
plus loin leurs recherches, ils s'en retournèrent vers leur
nef creuse et, moi, les dieux eux-mêmes me cachèrent, ce
qui leur était facile, et en guidant mes pas, ils m'emmenèrent
chez toi, à la porcherie d'un brave homme !
Car ma destinée était de vivre encore ! »
Tu lui dis en réponse, porcher Eumée : « Ah ! le plus
malheureux des hôtes, comme, en vérité, tu m'as ému
le coeur par tout le détail de ce récit : tant de souffrances
et tant de courses errantes ! Mais il y a un point, où, je
pense, tu n'as pas dit ce qu'il fallait et tu ne me convaincras
pas : c'est quand tu as parlé d'Ulysse. Pourquoi
faut-il qu'un homme, dans la situation où tu es, forge de
vains mensonges? Du retour de mon maître je sais bien
par moi-même ce qu'il faut penser : tous les dieux avaient
contre lui une haine implacable; ils ne l'ont pas dompté
parmi les Troyens ou dans les bras de ses amis, l'écheveau
de la guerre dévidé. Les Panachéens lui auraient
élevé un tombeau, et il eût amassé pour son fils grand
héritage de gloire. Mais non ! il a été enlevé sans honneur
par les Harpyes. Moi, près de mes porcs, je vis retiré, je
ne vais même pas à la ville, à moins que Pénélope, la
plus sage des femmes, ne me fasse venir, quand lui est
arrivée quelque nouvelle. Les voilà tous assis autour du
messager à le questionner sur chaque détail, les uns dans
le chagrin de la longue absence du maître, les autres dans
la joie de dévorer son bien, sans crainte de représailles.
Moi, je n'ai plus goût à m'enquérir, à interroger, depuis
qu'un Étolien m'a dupé avec ses racontars : il avait tué
son homme; il arrivait chez moi après maintes courses par
le monde; il était entré dans ma porcherie; et moi je lui
fis bon accueil; il me dit qu'en Crète, chez Idoménée, il
avait vu Ulysse radoubant ses vaisseaux, que lui avaient
brisés les tempêtes; il prétendait qu'il reviendrait ou pour
l'été ou pour l'automne, rapportant beaucoup de richesses,
avec ses compagnons égaux aux dieux. Et toi, vieillard
tant éprouvé, puisqu'une divinité t'a conduit sous mon
toit, ne m'en conte pas pour me consoler, ne cherche pas
à me charmer. Ce n'est pas pour cela que je te respecterai
et t'aimerai; mais j'ai craint Zeus protecteur des
hôtes, et, toi-même, je te prenais en pitié. »
Ulysse l'avisé lui fit cette réponse : « En vérité réside
dans ta poitrine un coeur bien incrédule. Même un serment
ne peut t'ébranler, et je n'arrive pas à te convaincre.
Voyons ! faisons un pari : mais il faut que là-haut nous
soient témoins les dieux qui règnent sur l'Olympe. Si le
seigneur, ton maître, revient en cette maison, tu me revêts
d'un manteau, d'une tunique, et tu me fais conduire à
Doulichion où mon coeur avait tant envie d'aller; et si
ton maître ne vient pas, comme je prétends, tu exciteras
tes serviteurs à me jeter du haut de la grand'roche,
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