[14,300] μέσσον ὑπὲρ Κρήτης· Ζεὺς δέ σφισι μήδετ᾽ ὄλεθρον.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ Κρήτην μὲν ἐλείπομεν, οὐδέ τις ἄλλη
φαίνετο γαιάων, ἀλλ᾽ οὐρανὸς ἠδὲ θάλασσα,
δὴ τότε κυανέην νεφέλην ἔστησε Κρονίων
νηὸς ὕπερ γλαφυρῆς, ἤχλυσε δὲ πόντος ὑπ᾽ αὐτῆς.
305 Ζεὺς δ᾽ ἄμυδις βρόντησε καὶ ἔμβαλε νηῒ κεραυνόν·
ἡ δ᾽ ἐλελίχθη πᾶσα Διὸς πληγεῖσα κεραυνῷ,
ἐν δὲ θεείου πλῆτο· πέσον δ᾽ ἐκ νηὸς ἅπαντες.
οἱ δὲ κορώνῃσιν ἴκελοι περὶ νῆα μέλαιναν
κύμασιν ἐμφορέοντο· θεὸς δ᾽ ἀποαίνυτο νόστον.
310 αὐτὰρ ἐμοὶ Ζεὺς αὐτός, ἔχοντί περ ἄλγεα θυμῷ,
ἱστὸν ἀμαιμάκετον νηὸς κυανοπρῴροιο
ἐν χείρεσσιν ἔθηκεν, ὅπως ἔτι πῆμα φύγοιμι.
τῷ ῥα περιπλεχθεὶς φερόμην ὀλοοῖς ἀνέμοισιν.
ἐννῆμαρ φερόμην, δεκάτῃ δέ με νυκτὶ μελαίνῃ
315 γαίῃ Θεσπρωτῶν πέλασεν μέγα κῦμα κυλίνδον.
ἔνθα με Θεσπρωτῶν βασιλεὺς ἐκομίσσατο Φείδων
ἥρως ἀπριάτην· τοῦ γὰρ φίλος υἱὸς ἐπελθὼν
αἴθρῳ καὶ καμάτῳ δεδμημένον ἦγεν ἐς οἶκον,
χειρὸς ἀναστήσας, ὄφρ᾽ ἵκετο δώματα πατρός·
320 ἀμφὶ δέ με χλαῖνάν τε χιτῶνά τε εἵματα ἕσσεν.
"ἔνθ᾽ Ὀδυσῆος ἐγὼ πυθόμην· κεῖνος γὰρ ἔφασκε
ξεινίσαι ἠδὲ φιλῆσαι ἰόντ᾽ ἐς πατρίδα γαῖαν,
καί μοι κτήματ᾽ ἔδειξεν ὅσα ξυναγείρατ᾽ Ὀδυσσεύς,
χαλκόν τε χρυσόν τε πολύκμητόν τε σίδηρον.
325 καί νύ ἐς δεκάτην γενεὴν ἕτερόν γ᾽ ἔτι βόσκοι·
τόσσα οἱ ἐν μεγάροις κειμήλια κεῖτο ἄνακτος.
τὸν δ᾽ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο
ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι,
ὅππως νοστήσει᾽ Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον
330 ἤδη δὴν ἀπεών, ἢ ἀμφαδὸν ἦε κρυφηδόν.
ὤμοσε δὲ πρὸς ἔμ᾽ αὐτόν, ἀποσπένδων ἐνὶ οἴκῳ,
νῆα κατειρύσθαι καὶ ἐπαρτέας ἔμμεν ἑταίρους,
οἳ δή μιν πέμψουσι φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν.
ἀλλ᾽ ἐμὲ πρὶν ἀπέπεμψε· τύχησε γὰρ ἐρχομένη νηῦς
335 ἀνδρῶν Θεσπρωτῶν ἐς Δουλίχιον πολύπυρον.
ἔνθ᾽ ὅ γέ μ᾽ ἠνώγει πέμψαι βασιλῆϊ Ἀκάστῳ
ἐνδυκέως· τοῖσιν δὲ κακὴ φρεσὶν ἥνδανε βουλὴ
ἀμφ᾽ ἐμοί, ὄφρ᾽ ἔτι πάγχυ δύης ἐπὶ πῆμα γενοίμην.
ἀλλ᾽ ὅτε γαίης πολλὸν ἀπέπλω ποντοπόρος νηῦς,
340 αὐτίκα δούλιον ἦμαρ ἐμοὶ περιμηχανόωντο.
ἐκ μέν με χλαῖνάν τε χιτῶνά τε εἵματ᾽ ἔδυσαν,
ἀμφὶ δέ μοι ῥάκος ἄλλο κακὸν βάλον ἠδὲ χιτῶνα,
ῥωγαλέα, τὰ καὶ αὐτὸς ἐν ὀφθαλμοῖσιν ὅρηαι·
ἑσπέριοι δ᾽ Ἰθάκης εὐδειέλου ἔργ᾽ ἀφίκοντο.
345 ἔνθ᾽ ἐμὲ μὲν κατέδησαν ἐϋσσέλμῳ ἐνὶ νηῒ
ὅπλῳ ἐϋστρεφέϊ στερεῶς, αὐτοὶ δ᾽ ἀποβάντες
ἐσσυμένως παρὰ θῖνα θαλάσσης δόρπον ἕλοντο.
αὐτὰρ ἐμοὶ δεσμὸν μὲν ἀνέγναμψαν θεοὶ αὐτοὶ
ῥηϊδίως· κεφαλῇ δὲ κατὰ ῥάκος ἀμφικαλύψας,
| [14,300] au-dessus de la Crète. Mais Zeus préméditait la
perte de l'équipage.- Quand nous laissions la Crète derrière
nous et qu'on ne voyait plus aucune autre terre, mais
seulement le ciel et l'eau, à ce moment le fils de Cronos
arrêta au-dessus du vaisseau creux une sombre nuée, qui
obscurcit la mer. Zeus tonna et en même temps lança sa
foudre sur le vaisseau. Celui-ci, frappé par la foudre de
Zeus, tournoya complètement sur lui-même, se remplit
de soufre, et tous les hommes churent du bord. Tels des
cormorans, ils étaient, tout autour de la nef noire, emportés
par la houle, et le die.: leur refusait le retour. Mais moi,
Zeus lui-même, voyant les angoisses qui m'étreignaient
le coeur, me met entre les bras l'énorme mât de la nef à la
proue sombre pour m'arracher encore une fois au trépas.
Je l'embrassai donc et me laissai emporter par les vents
funestes. Neuf jours de dérive ! Le dixième, par une nuit
noire, le grand flot qui me roulait m'approcha de la terre
des Thesprotes. Là, leur roi, le héros Phidon, m'accueillit
sans rançon; car son fils, me trouvant engourdi par le
froid et la fatigue, me conduisit en son logis, après m'avoir
fait lever et pris par la main, jusqu'à son arrivée au
manoir paternel. Il avait jeté autour de moi des vêtements,
un manteau, une tunique. C'est là que j'entendis
parler d'Ulysse. Le roi m'affirma l'avoir eu pour hôte et lui
avoir fait bonne chère à son retour en la terre paternelle,
et il me montra toutes les richesses qu'avait amassées
Ulysse, bronze, or, fer bien battu; il y avait là de quoi se
nourrir, et un autre encore, jusqu'à la dixième génération.
Tous ces biens étaient en tas dans la grand'salle du
prince. Il m'assura qu'Ulysse était parti pour Dodone,
pour entendre signifier par la haute chevelure du divin
chêne le conseil de Zens : comment retourner au gras
pays d'Ithaque, après une si longue absence, au grand
jour ou en secret? Il me fit serment à moi-même, en
répandant sa libation dans sa grand'salle, de tirer un
vaisseau à la mer, ajoutant que l'équipage était tout prêt
pour accompagner Ulysse en sa patrie. Mais c'est moi
qu'il fit partir d'abord : il se trouva qu'un vaisseau monté
par des Thesprotes partait pour Doulichion où abonde
le froment. Le prince, alors, ordonna à ces gens de me
conduire au roi Acastos, en prenant soin de moi. Mais un
mauvais dessein plut à leur esprit à mon sujet; ils voulaient
que je fusse encore plongé dans un abîme de
misères. Dès que le vaisseau au long cours fut à grande
distance de la terre, sans tarder, ils préparaient pour moi
le jour de l'esclavage. Ils me dépouillèrent de mes vêtements,
manteau, tunique, et jetèrent autour de moi une
mauvaise loque et une tunique toute en morceaux, les
haillons que tu as devant les yeux. Le soir, ils arrivèrent
aux belles cultures d'Ithaque visible de tous côtés. Alors,
ils m'attachèrent serré d'un câble bien tressé dans le
vaisseau aux solides bordages. Quant à eux, ils débarquèrent
et se hâtèrent d'aller prendre leur souper le
long du rivage de la mer. Mais moi, des dieux en personne
dénouèrent mes liens : tout leur est facile. De ma loque
je me couvre la tête;
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