[14,200] ἀνέρος ἀφνειοῖο πάϊς· πολλοὶ δὲ καὶ ἄλλοι
υἱέες ἐν μεγάρῳ ἠμὲν τράφεν ἠδ᾽ ἐγένοντο
γνήσιοι ἐξ ἀλόχου· ἐμὲ δ᾽ ὠνητὴ τέκε μήτηρ
παλλακίς, ἀλλά με ἶσον ἰθαιγενέεσσιν ἐτίμα
Κάστωρ Ὑλακίδης, τοῦ ἐγὼ γένος εὔχομαι εἶναι
205 ὃς τότ᾽ ἐνὶ Κρήτεσσι θεὸς ὣς τίετο δήμῳ
ὄλβῳ τε πλούτῳ τε καὶ υἱάσι κυδαλίμοισιν.
ἀλλ᾽ ἦ τοι τὸν κῆρες ἔβαν θανάτοιο φέρουσαι
εἰς Ἀΐδαο δόμους· τοὶ δὲ ζωὴν ἐδύσαντο
παῖδες ὑπέρθυμοι καὶ ἐπὶ κλήρους ἐβάλοντο,
210 αὐτὰρ ἐμοὶ μάλα παῦρα δόσαν καὶ οἰκί᾽ ἔνειμαν.
ἠγαγόμην δὲ γυναῖκα πολυκλήρων ἀνθρώπων
εἵνεκ᾽ ἐμῆς ἀρετῆς, ἐπεὶ οὐκ ἀποφώλιος ἦα
οὐδὲ φυγοπτόλεμος· νῦν δ᾽ ἤδη πάντα λέλοιπεν
ἀλλ᾽ ἔμπης καλάμην γέ σ᾽ ὀΐομαι εἰσορόωντα
215 γιγνώσκειν· ἦ γάρ με δύη ἔχει ἤλιθα πολλή.
ἦ μὲν δὴ θάρσος μοι Ἄρης τ᾽ ἔδοσαν καὶ Ἀθήνη
καὶ ῥηξηνορίην· ὁπότε κρίνοιμι λόχονδε
ἄνδρας ἀριστῆας, κακὰ δυσμενέεσσι φυτεύων,
οὔ ποτέ μοι θάνατον προτιόσσετο θυμὸς ἀγήνωρ,
220 ἀλλὰ πολὺ πρώτιστος ἐπάλμενος ἔγχει ἕλεσκον
ἀνδρῶν δυσμενέων ὅ τέ μοι εἴξειε πόδεσσιν.
τοῖος ἔα ἐν πολέμῳ· ἔργον δέ μοι οὐ φίλον ἔσκεν
οὐδ᾽ οἰκωφελίη, ἥ τε τρέφει ἀγλαὰ τέκνα,
ἀλλά μοι αἰεὶ νῆες ἐπήρετμοι φίλαι ἦσαν
225 καὶ πόλεμοι καὶ ἄκοντες ἐΰξεστοι καὶ ὀϊστοί,
λυγρά, τά τ᾽ ἄλλοισίν γε καταριγηλὰ πέλονται.
αὐτὰρ ἐμοὶ τὰ φίλ᾽ ἔσκε τά που θεὸς ἐν φρεσὶ θῆκεν·
ἄλλος γάρ τ᾽ ἄλλοισιν ἀνὴρ ἐπιτέρπεται ἔργοις.
πρὶν μὲν γὰρ Τροίης ἐπιβήμεναι υἷας Ἀχαιῶν
230 εἰνάκις ἀνδράσιν ἦρξα καὶ ὠκυπόροισι νέεσσιν
ἄνδρας ἐς ἀλλοδαπούς, καί μοι μάλα τύγχανε πολλά.
τῶν ἐξαιρεύμην μενοεικέα, πολλὰ δ᾽ ὀπίσσω
λάγχανον· αἶψα δὲ οἶκος ὀφέλλετο, καί ῥα ἔπειτα
δεινός τ᾽ αἰδοῖός τε μετὰ Κρήτεσσι τετύγμην.
235 "ἀλλ᾽ ὅτε δὴ τήν γε στυγερὴν ὁδὸν εὐρύοπα Ζεὺς
ἐφράσαθ᾽, ἣ πολλῶν ἀνδρῶν ὑπὸ γούνατ᾽ ἔλυσε,
δὴ τότ᾽ ἔμ᾽ ἤνωγον καὶ ἀγακλυτὸν Ἰδομενῆα
νήεσσ᾽ ἡγήσασθαι ἐς Ἴλιον· οὐδέ τι μῆχος
ἦεν ἀνήνασθαι, χαλεπὴ δ᾽ ἔχε δήμου φῆμις.
240 ἔνθα μὲν εἰνάετες πολεμίζομεν υἷες Ἀχαιῶν,
τῷ δεκάτῳ δὲ πόλιν Πριάμου πέρσαντες ἔβημεν
οἴκαδε σὺν νήεσσι, θεὸς δ᾽ ἐκέδασσεν Ἀχαιούς.
αὐτὰρ ἐμοὶ δειλῷ κακὰ μήδετο μητίετα Ζεύς·
μῆνα γὰρ οἶον ἔμεινα τεταρπόμενος τεκέεσσιν
245 κουριδίῃ τ᾽ ἀλόχῳ καὶ κτήμασιν· αὐτὰρ ἔπειτα
Αἴγυπτόνδε με θυμὸς ἀνώγει ναυτίλλεσθαι,
νῆας ἐῢ στείλαντα σὺν ἀντιθέοις ἑτάροισιν.
ἐννέα νῆας στεῖλα, θοῶς δ᾽ ἐσαγείρατο λαός.
ἑξῆμαρ μὲν ἔπειτα ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι
| [14,200] et d'être l'enfant d'un homme opulent;
il en avait beaucoup d'autres nés et
nourris dans le manoir, des fils légitimes, qu'il eut de son
épouse; moi, c'est une mère achetée, une concubine, qui
m'avait donné le jour; et pourtant, il me mettait au même
rang que les purs descendants de sa race, Castor, fils
d'Hylax, celui dont je suis fier d'être né, et qui alors, chez
les Crétois, était honoré par le peuple comme un dieu,
pour son opulence, sa richesse, ses fils glorieux. Mais
vinrent les Kères de la mort, qui l'emportèrent dans les
demeures d'Hadès. Ses enfants orgueilleux se partagèrent
les biens et les tirèrent au sort; à moi, ils attribuèrent une
maison et ce fut à peu près tout.
J'avais épousé une femme de riche famille, grâce à mon
mérite; car je n'étais pas méprisable à l'ouvrage et je ne
fuyais pas la bataille. Maintenant tout cela m'a quitté;
mais, à voir le chaume, on connaît, je pense, l'épi; car,
vraiment le malheur m'a poursuivi sans fin. Certes, Arès
et Athéné m'avaient accordé l'audace, la force qui brise
les rangs de guerriers : quand je triais pour une embuscade
les hommes les plus vaillants, que je méditais la perte de
l'ennemi, jamais mon coeur valeureux ne pensait à la
mort ; je m'élançais le premier de tous, et cueillais de
ma javeline l'ennemi dont la course était moins prompte
que la mienne. Tel étais-je dans la bataille. Mais le
travail des champs ne me plaisait pas, ni le soin de la
maison, qui nourrit les beaux enfants; ce que j'aimais
d'un constant amour, c'étaient les vaisseaux avec leurs
rames, les batailles, les javelots bien polis, les flèches,
instruments de deuil, qui font frissonner les autres, mais
où je trouvais ma joie, et qu'un dieu sans doute m'avait
mis en tête. Car chaque homme, toujours, a ses préférences.
Avant que les fils des Achéens eussent mis le
pied en Troade, neuf fois déjà j'avais commandé à des
guerriers et des vaisseaux rapides que je menais chez des
hommes d'autres pays, et j'avais fait un grand butin.
Car je prélevais le lot de mon choix, et ensuite j'obtenais
encore au sort une large part. Et ma maison bien vite
s'enrichissait; j'étais devenu parmi les Crétois objet de
crainte et de respect. Mais dès que Zeus, dont la voix porte
au loin, eut prémédité cette odieuse expédition, qui brisa
les genoux de tant d'hommes, alors c'est moi qui fus avec
le fameux Idoménée chargé de conduire les nefs vers
Ilios ; aucun moyen de s'y refuser; le peuple m'eût trop
sévèrement blâmé. Là-bas, neuf années durant, nous,
les fils des Achéens, nous faisions la guerre; enfin, la
dixième, après avoir mis à sac l'acropole de Priam, nous
nous en retournions chez nous avec nos vaisseaux; mais
un dieu dispersa les Achéens. A moi, infortuné, quels
maux me réservait la sagesse de Zeus ! Je ne restai
qu'un mois à jouir de mes enfants, de mon épouse légitime
et de mes biens. Ensuite mon coeur me poussait à voguer
vers l'Égypte, après avoir bien équipé des vaisseaux, avec
des compagnons égaux à des dieux. Je gréai neuf vaisseaux,
et, bien vite, tout un peuple y courut. Pendant
six jours, mes fidèles compagnons festoyaient
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