[14,50] ἐστόρεσεν δ᾽ ἐπὶ δέρμα ἰονθάδος ἀγρίου αἰγός,
αὐτοῦ ἐνεύναιον, μέγα καὶ δασύ. χαῖρε δ᾽ Ὀδυσσεὺς
ὅττι μιν ὣς ὑπέδεκτο, ἔπος τ᾽ ἔφατ᾽ ἔκ τ᾽ ὀνόμαζεν·
"Ζεύς τοι δοίη, ξεῖνε, καὶ ἀθάνατοι θεοὶ ἄλλοι
ὅττι μάλιστ᾽ ἐθέλεις, ὅτι με πρόφρων ὑπέδεξο."
55 τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφης, Εὔμαιε συβῶτα·
"ξεῖν᾽, οὔ μοι θέμις ἔστ᾽, οὐδ᾽ εἰ κακίων σέθεν ἔλθοι,
ξεῖνον ἀτιμῆσαι· πρὸς γὰρ Διός εἰσιν ἅπαντες
ξεῖνοί τε πτωχοί τε· δόσις δ᾽ ὀλίγη τε φίλη τε
γίγνεται ἡμετέρη· ἡ γὰρ δμώων δίκη ἐστὶν
60 αἰεὶ δειδιότων, ὅτ᾽ ἐπικρατέωσιν ἄνακτες
οἱ νέοι. ἦ γὰρ τοῦ γε θεοὶ κατὰ νόστον ἔδησαν,
ὅς κεν ἔμ᾽ ἐνδυκέως ἐφίλει καὶ κτῆσιν ὄπασσεν,
οἶκόν τε κλῆρόν τε πολυμνήστην τε γυναῖκα,
οἷά τε ᾧ οἰκῆϊ ἄναξ εὔθυμος ἔδωκεν,
65 ὅς οἱ πολλὰ κάμῃσι, θεὸς δ᾽ ἐπὶ ἔργον ἀέξῃ,
ὡς καὶ ἐμοὶ τόδε ἔργον ἀέξεται, ᾧ ἐπιμίμνω.
τῷ κέ με πόλλ᾽ ὤνησεν ἄναξ, εἰ αὐτόθ᾽ ἐγήρα·
ἀλλ᾽ ὄλεθ᾽--ὡς ὤφελλ᾽ Ἑλένης ἀπὸ φῦλον ὀλέσθαι
πρόχνυ, ἐπεὶ πολλῶν ἀνδρῶν ὑπὸ γούνατ᾽ ἔλυσε·
70 καὶ γὰρ κεῖνος ἔβη Ἀγαμέμνονος εἵνεκα τιμῆς
Ἴλιον εἰς εὔπωλον, ἵνα Τρώεσσι μάχοιτο."
ὣς εἰπὼν ζωστῆρι θοῶς συνέεργε χιτῶνα,
βῆ δ᾽ ἴμεν ἐς συφεούς, ὅθι ἔθνεα ἔρχατο χοίρων.
ἔνθεν ἑλὼν δύ᾽ ἔνεικε καὶ ἀμφοτέρους ἱέρευσεν,
75 εὗσέ τε μίστυλλέν τε καὶ ἀμφ᾽ ὀβελοῖσιν ἔπειρεν.
ὀπτήσας δ᾽ ἄρα πάντα φέρων παρέθηκ᾽ Ὀδυσῆϊ
θέρμ᾽ αὐτοῖς ὀβελοῖσιν· ὁ δ᾽ ἄλφιτα λευκὰ πάλυνεν·
ἐν δ᾽ ἄρα κισσυβίῳ κίρνη μελιηδέα οἶνον,
αὐτὸς δ᾽ ἀντίον ἷζεν, ἐποτρύνων δὲ προσηύδα·
80 "ἔσθιε νῦν, ὦ ξεῖνε, τά τε δμώεσσι πάρεστι,
χοίρε᾽· ἀτὰρ σιάλους γε σύας μνηστῆρες ἔδουσιν,
οὐκ ὄπιδα φρονέοντες ἐνὶ φρεσὶν οὐδ᾽ ἐλεητύν.
οὐ μὲν σχέτλια ἔργα θεοὶ μάκαρες φιλέουσιν,
ἀλλὰ δίκην τίουσι καὶ αἴσιμα ἔργ᾽ ἀνθρώπων.
85 καὶ μὲν δυσμενέες καὶ ἀνάρσιοι, οἵ τ᾽ ἐπὶ γαίης
ἀλλοτρίης βῶσιν καί σφι Ζεὺς ληΐδα δώῃ,
πλησάμενοι δέ τε νῆας ἔβαν οἶκόνδε νέεσθαι,
καὶ μὲν τοῖς ὄπιδος κρατερὸν δέος ἐν φρεσὶ πίπτει.
οἵδε δὲ καί τι ἴσασι, θεοῦ δέ τιν᾽ ἔκλυον αὐδήν,
90 κείνου λυγρὸν ὄλεθρον, ὅτ᾽ οὐκ ἐθέλουσι δικαίως
μνᾶσθαι οὐδὲ νέεσθαι ἐπὶ σφέτερ᾽, ἀλλὰ ἕκηλοι
κτήματα δαρδάπτουσιν ὑπέρβιον, οὐδ᾽ ἔπι φειδώ.
ὅσσαι γὰρ νύκτες τε καὶ ἡμέραι ἐκ Διός εἰσιν,
οὔ ποθ᾽ ἓν ἱρεύουσ᾽ ἱερήϊον, οὐδὲ δύ᾽ οἴω·
95 οἶνον δὲ φθινύθουσιν ὑπέρβιον ἐξαφύοντες.
ἦ γάρ οἱ ζωή γ᾽ ἦν ἄσπετος· οὔ τινι τόσση
ἀνδρῶν ἡρώων, οὔτ᾽ ἠπείροιο μελαίνης
οὔτ᾽ αὐτῆς Ἰθάκης· οὐδὲ ξυνεείκοσι φωτῶν
ἔστ᾽ ἄφενος τοσσοῦτον· ἐγὼ δέ κέ τοι καταλέξω.
| [14,50] par-dessus la peau d'un bouquetin à longue barbe; lui-même
couchait sur un tel lit, large et épais. Ulysse se réjouit de
cet accueil, éleva la voix et dit : O que Zeus et les autres
dieux immortels t'accordent, mon hôte, ce que tu désires
le plus, car tu m'as accueilli de bon coeur. »
Et tu lui dis en réponse, porcher Eumée : « Étranger,
je n'ai pas le droit, quand même viendrait quelqu'un de
plus miséreux que toi, de manquer de respect envers un
hôte. Ils sont tous envoyés par Zeus, étrangers et mendiants.
Et notre aumône leur fait plaisir, si petite soit-elle.
C'est ce que peuvent faire des serviteurs : ils craignent
toujours, quand commandent des maîtres jeunes. Ah !
celui dont les dieux ont empêché le retour, celui-là
m'aurait aimé avec sollicitude; il m'aurait donné un
avoir, maison, domaine, femme séduisante, comme un
maître de bon coeur fait à son serviteur, qui a beaucoup
peiné pour lui, et dont un dieu accroît la besogne, comme
pour moi augmente ici le travail auquel je suis attaché.
Aussi le maître m'eût-il comblé, si la vieillesse l'avait
atteint ici. Mais, je l'ai perdu. La race d'Hélène aurait
bien dû périr tout entière; elle a brisé les jarrets de tant
d'hommes ! Car c'est pour l'honneur d'Agamemnon que
le maître est parti vers Ilios aux beaux poulains, pour
lutter contre les Troyens. »
Ayant ainsi parlé, il se hâta de serrer sa tunique avec
sa ceinture, et il partit pour les étables, où étaient enfermés
des peuples de gorets. Il en prit deux, qu'il rapporta,
et les immola l'un et l'autre; après les avoir flambés, il
les coupa en petites tranches et les mit à la broche. Ayant
fait rôtir le tout, il l'apporta et servit bien chaude à
Ulysse la viande encore fixée aux broches. Il la saupoudra
de farine blanche, mêla dans une jatte du vin doux comme
le miel, puis il s'assit en face de l'étranger et lui adressa
ces paroles d'encouragement : « Mange maintenant,
étranger; c'est un repas de serviteurs, des cochons de
lait; les porcs engraissés, ce sont les prétendants qui les
mangent; ils ne songent pas en leur esprit à la vengeance
divine; ils n'ont nulle pitié ! Non, les dieux bienheureux
n'aiment pas les violences, ils honorent la justice et les
bonnes actions. Des brigands, des ennemis, quand ils
envahissent la terre d'autrui et que Zeus leur accorde
d'enlever du butin, peuvent bien s'en aller et retourner
chez eux, leurs vaisseaux pleins : la crainte invincible leur
tombe dans le coeur. Mais ceux-ci doivent savoir quelque
chose, sans doute; ils ont entendu la voix d'un dieu
annoncer la mort lamentable de l'absent; car ils ne
veulent pas faire une cour décente et s'en retourner chez
eux; ils dévorent à leur aise le bien d'autrui, et leur insolence
n'épargne rien. Toutes les nuits, tous les jours que
fait Zeus, ils immolent des victimes, et pas une ou deux ...
Ils épuisent le vin, à force d'en tirer sans retenue. Certes,
le maître avait des ressources innombrables; aucun héros
n'en avait autant, ni sur le continent sombre ni en
Ithaque même. Fussent-ils vingt ensemble, ils n'auraient
pas autant de cheptel. Je vais te les compter.
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