[12,150] Κίρκη ἐυπλόκαμος, δεινὴ θεὸς αὐδήεσσα.
αὐτίκα δ᾽ ὅπλα ἕκαστα πονησάμενοι κατὰ νῆα
ἥμεθα· τὴν δ᾽ ἄνεμός τε κυβερνήτης τ᾽ ἴθυνε.
"δὴ τότ᾽ ἐγὼν ἑτάροισι μετηύδων ἀχνύμενος κῆρ·
᾽ὦ φίλοι, οὐ γὰρ χρὴ ἕνα ἴδμεναι οὐδὲ δύ᾽ οἴους
155 θέσφαθ᾽ ἅ μοι Κίρκη μυθήσατο, δῖα θεάων·
ἀλλ᾽ ἐρέω μὲν ἐγών, ἵνα εἰδότες ἤ κε θάνωμεν
ἤ κεν ἀλευάμενοι θάνατον καὶ κῆρα φύγοιμεν.
Σειρήνων μὲν πρῶτον ἀνώγει θεσπεσιάων
φθόγγον ἀλεύασθαι καὶ λειμῶν᾽ ἀνθεμόεντα.
160 οἶον ἔμ᾽ ἠνώγει ὄπ᾽ ἀκουέμεν· ἀλλά με δεσμῷ
δήσατ᾽ ἐν ἀργαλέῳ, ὄφρ᾽ ἔμπεδον αὐτόθι μίμνω,
ὀρθὸν ἐν ἱστοπέδῃ, ἐκ δ᾽ αὐτοῦ πείρατ᾽ ἀνήφθω.
εἰ δέ κε λίσσωμαι ὑμέας λῦσαί τε κελεύω,
ὑμεῖς δὲ πλεόνεσσι τότ᾽ ἐν δεσμοῖσι πιέζειν.᾽
165 "ἦ τοι ἐγὼ τὰ ἕκαστα λέγων ἑτάροισι πίφαυσκον·
τόφρα δὲ καρπαλίμως ἐξίκετο νηῦς ἐυεργὴς
νῆσον Σειρήνοιιν· ἔπειγε γὰρ οὖρος ἀπήμων.
αὐτίκ᾽ ἔπειτ᾽ ἄνεμος μὲν ἐπαύσατο ἠδὲ γαλήνη
ἔπλετο νηνεμίη, κοίμησε δὲ κύματα δαίμων.
170 ἀνστάντες δ᾽ ἕταροι νεὸς ἱστία μηρύσαντο
καὶ τὰ μὲν ἐν νηὶ γλαφυρῇ θέσαν, οἱ δ᾽ ἐπ᾽ ἐρετμὰ
ἑζόμενοι λεύκαινον ὕδωρ ξεστῇς ἐλάτῃσιν.
αὐτὰρ ἐγὼ κηροῖο μέγαν τροχὸν ὀξέι χαλκῷ
τυτθὰ διατμήξας χερσὶ στιβαρῇσι πίεζον·
175 αἶψα δ᾽ ἰαίνετο κηρός, ἐπεὶ κέλετο μεγάλη ἲς
Ἠελίου τ᾽ αὐγὴ Ὑπεριονίδαο ἄνακτος·
ἑξείης δ᾽ ἑτάροισιν ἐπ᾽ οὔατα πᾶσιν ἄλειψα.
οἱ δ᾽ ἐν νηί μ᾽ ἔδησαν ὁμοῦ χεῖράς τε πόδας τε
ὀρθὸν ἐν ἱστοπέδῃ, ἐκ δ᾽ αὐτοῦ πείρατ᾽ ἀνῆπτον·
180 αὐτοὶ δ᾽ ἑζόμενοι πολιὴν ἅλα τύπτον ἐρετμοῖς.
ἀλλ᾽ ὅτε τόσσον ἀπῆμεν ὅσον τε γέγωνε βοήσας,
ῥίμφα διώκοντες, τὰς δ᾽ οὐ λάθεν ὠκύαλος νηῦς
ἐγγύθεν ὀρνυμένη, λιγυρὴν δ᾽ ἔντυνον ἀοιδήν·
"᾽δεῦρ᾽ ἄγ᾽ ἰών, πολύαιν᾽ Ὀδυσεῦ, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν,
185 νῆα κατάστησον, ἵνα νωιτέρην ὄπ ἀκούσῃς.
οὐ γάρ πώ τις τῇδε παρήλασε νηὶ μελαίνῃ,
πρίν γ᾽ ἡμέων μελίγηρυν ἀπὸ στομάτων ὄπ᾽ ἀκοῦσαι,
ἀλλ᾽ ὅ γε τερψάμενος νεῖται καὶ πλείονα εἰδώς.
ἴδμεν γάρ τοι πάνθ᾽ ὅσ᾽ ἐνὶ Τροίῃ εὐρείῃ
190 Ἀργεῖοι Τρῶές τε θεῶν ἰότητι μόγησαν,
ἴδμεν δ᾽, ὅσσα γένηται ἐπὶ χθονὶ πουλυβοτείρῃ.᾽
"ὣς φάσαν ἱεῖσαι ὄπα κάλλιμον· αὐτὰρ ἐμὸν κῆρ
ἤθελ᾽ ἀκουέμεναι, λῦσαί τ᾽ ἐκέλευον ἑταίρους
ὀφρύσι νευστάζων· οἱ δὲ προπεσόντες ἔρεσσον.
195 αὐτίκα δ᾽ ἀνστάντες Περιμήδης Εὐρύλοχός τε
πλείοσί μ᾽ ἐν δεσμοῖσι δέον μᾶλλόν τε πίεζον.
αὐτὰρ ἐπεὶ δὴ τάς γε παρήλασαν, οὐδ᾽ ἔτ᾽ ἔπειτα
φθογγῆς Σειρήνων ἠκούομεν οὐδέ τ᾽ ἀοιδῆς,
αἶψ᾽ ἀπὸ κηρὸν ἕλοντο ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι,
| [12,150] envoyé par Circé aux belles boucles, la terrible déesse
au langage humain. Et dès lors ayant disposé chaque
agrès, nous restions assis sur la nef : le vent et le pilote
nous menaient droit au but. Et je dis à mes compagnons,
le coeur angoissé : « Amis, il ne faut pas qu'un ou deux
seuls connaissent les oracles que m'a révélés Circé, illustre
entre les déesses; je vais donc vous les dire, afin que
nous sachions ce qui peut nous perdre, ce qui peut nous
préserver de la Kère fatale. Elle nous invite d'abord à
nous garder des Sirènes charmeuses, de leur voix et de
leur pré fleuri; à moi seul elle conseille de les entendre.
Mais attachez-moi par des liens serrés, pour que je reste
immobile sur place, debout au pied du mât, et que des
cordes m'y fixent. Si je vous prie et vous ordonne de
me détacher, vous alors, serrez-moi davantage. »
Ainsi, expliquant tout en détail à mes compagnons, je
les mis au courant. Cependant, la nef solide atteignit vite
l'île des Sirènes; car un vent favorable, qui nous épargnait
toute peine, hâtait sa marche. Alors le vent tomba
aussitôt; le calme régna sans un souffle; une divinité
endormit les flots. Mes gens s'étant levés roulèrent les
voiles du vaisseau et les jetèrent au fond de la cale; puis,
s'asseyant devant les rames, ils faisaient blanchir l'eau
avec leur sapin poli. Moi, avec le bronze aiguisé de mon
épée je taillai un grand gâteau de cire et j'en pétrissais
les morceaux de mes mains vigoureuses. Aussitôt la cire
s'amollissait, sous la force puissante et l'éclat d'Hélios,
le souverain fils d'Hypérion. A tous mes compagnons
tour à tour, je bouchai les oreilles. Eux, sur la nef, me
lièrent tout ensemble mains et pieds; j'étais debout au
pied du mât auquel ils attachèrent les cordes. Assis, ils
frappaient de leurs rames la mer grise d'écume. Quand
nous ne fûmes plus qu'à une portée de voix, ils redoublèrent
de vitesse, mais la nef qui bondissait sur les
flots ne resta pas inaperçue des Sirènes; car elle passait
tout près, et elles entonnèrent un chant harmonieux.
« Allons, viens ici, Ulysse, tant vanté, gloire illustre des
Achéens; arrête ton vaisseau, pour écouter notre voix.
Jamais nul encore ne vint par ici sur un vaisseau noir,
sans avoir entendu la voix aux doux sons qui sort de
nos lèvres; on s'en va charmé et plus savant; car nous
savons tout ce que dans la vaste Troade souffrirent
Argiens et Troyens par la volonté des dieux, et nous
savons aussi tout ce qui arrive sur la terre nourricière. »
Elles chantèrent ainsi, en lançant leur belle voix. Et moi,
j'aspirais à les entendre, et j'ordonnais à mes compagnons
de me délier, par un mouvement des sourcils; mais,
penchés sur les avirons, ils ramaient ; tandis que, se levant
aussitôt, Périmède et Eurylochos m'attachaient de liens
plus nombreux, et les serraient davantage. Puis, dès
qu'ils eurent passé les Sirènes et que nous n'entendions
plus leur voix ni leur chant, mes fidèles compagnons
retirèrent la cire,
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