[18,50] τῶν δὲ καὶ ἀργύφεον πλῆτο σπέος· αἳ δ᾽ ἅμα πᾶσαι
στήθεα πεπλήγοντο, Θέτις δ᾽ ἐξῆρχε γόοιο·
κλῦτε κασίγνηται Νηρηΐδες, ὄφρ᾽ ἐῢ πᾶσαι
εἴδετ᾽ ἀκούουσαι ὅσ᾽ ἐμῷ ἔνι κήδεα θυμῷ.
ὤ μοι ἐγὼ δειλή, ὤ μοι δυσαριστοτόκεια,
55 ἥ τ᾽ ἐπεὶ ἂρ τέκον υἱὸν ἀμύμονά τε κρατερόν τε
ἔξοχον ἡρώων· ὃ δ᾽ ἀνέδραμεν ἔρνεϊ ἶσος·
τὸν μὲν ἐγὼ θρέψασα φυτὸν ὣς γουνῷ ἀλωῆς
νηυσὶν ἐπιπροέηκα κορωνίσιν Ἴλιον εἴσω
Τρωσὶ μαχησόμενον· τὸν δ᾽ οὐχ ὑποδέξομαι αὖτις
60 οἴκαδε νοστήσαντα δόμον Πηλήϊον εἴσω.
ὄφρα δέ μοι ζώει καὶ ὁρᾷ φάος ἠελίοιο
ἄχνυται, οὐδέ τί οἱ δύναμαι χραισμῆσαι ἰοῦσα.
ἀλλ᾽ εἶμ᾽, ὄφρα ἴδωμι φίλον τέκος, ἠδ᾽ ἐπακούσω
ὅττί μιν ἵκετο πένθος ἀπὸ πτολέμοιο μένοντα.
65 ὣς ἄρα φωνήσασα λίπε σπέος· αἳ δὲ σὺν αὐτῇ
δακρυόεσσαι ἴσαν, περὶ δέ σφισι κῦμα θαλάσσης
ῥήγνυτο· ταὶ δ᾽ ὅτε δὴ Τροίην ἐρίβωλον ἵκοντο
ἀκτὴν εἰσανέβαινον ἐπισχερώ, ἔνθα θαμειαὶ
Μυρμιδόνων εἴρυντο νέες ταχὺν ἀμφ᾽ Ἀχιλῆα.
70 τῷ δὲ βαρὺ στενάχοντι παρίστατο πότνια μήτηρ,
ὀξὺ δὲ κωκύσασα κάρη λάβε παιδὸς ἑοῖο,
καί ῥ᾽ ὀλοφυρομένη ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
τέκνον τί κλαίεις; τί δέ σε φρένας ἵκετο πένθος;
ἐξαύδα, μὴ κεῦθε· τὰ μὲν δή τοι τετέλεσται
75 ἐκ Διός, ὡς ἄρα δὴ πρίν γ᾽ εὔχεο χεῖρας ἀνασχὼν
πάντας ἐπὶ πρύμνῃσιν ἀλήμεναι υἷας Ἀχαιῶν
σεῦ ἐπιδευομένους, παθέειν τ᾽ ἀεκήλια ἔργα.
τὴν δὲ βαρὺ στενάχων προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
μῆτερ ἐμή, τὰ μὲν ἄρ μοι Ὀλύμπιος ἐξετέλεσσεν·
80 ἀλλὰ τί μοι τῶν ἦδος ἐπεὶ φίλος ὤλεθ᾽ ἑταῖρος
Πάτροκλος, τὸν ἐγὼ περὶ πάντων τῖον ἑταίρων
ἶσον ἐμῇ κεφαλῇ; τὸν ἀπώλεσα, τεύχεα δ᾽ Ἕκτωρ
δῃώσας ἀπέδυσε πελώρια θαῦμα ἰδέσθαι
καλά· τὰ μὲν Πηλῆϊ θεοὶ δόσαν ἀγλαὰ δῶρα
85 ἤματι τῷ ὅτε σε βροτοῦ ἀνέρος ἔμβαλον εὐνῇ.
αἴθ᾽ ὄφελες σὺ μὲν αὖθι μετ᾽ ἀθανάτῃς ἁλίῃσι
ναίειν, Πηλεὺς δὲ θνητὴν ἀγαγέσθαι ἄκοιτιν.
νῦν δ᾽ ἵνα καὶ σοὶ πένθος ἐνὶ φρεσὶ μυρίον εἴη
παιδὸς ἀποφθιμένοιο, τὸν οὐχ ὑποδέξεαι αὖτις
90 οἴκαδε νοστήσαντ᾽, ἐπεὶ οὐδ᾽ ἐμὲ θυμὸς ἄνωγε
ζώειν οὐδ᾽ ἄνδρεσσι μετέμμεναι, αἴ κε μὴ Ἕκτωρ
πρῶτος ἐμῷ ὑπὸ δουρὶ τυπεὶς ἀπὸ θυμὸν ὀλέσσῃ,
Πατρόκλοιο δ᾽ ἕλωρα Μενοιτιάδεω ἀποτίσῃ.
τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε Θέτις κατὰ δάκρυ χέουσα·
95 ὠκύμορος δή μοι τέκος ἔσσεαι, οἷ᾽ ἀγορεύεις·
αὐτίκα γάρ τοι ἔπειτα μεθ᾽ Ἕκτορα πότμος ἑτοῖμος.
τὴν δὲ μέγ᾽ ὀχθήσας προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
αὐτίκα τεθναίην, ἐπεὶ οὐκ ἄρ᾽ ἔμελλον ἑταίρῳ
κτεινομένῳ ἐπαμῦναι· ὃ μὲν μάλα τηλόθι πάτρης
| [18,50] Elles remplissaient la grotte brillante, et toutes
se frappaient la poitrine.
Thétis commença les lamentations :
« Écoutez, mes soeurs, Néréides, afin que toutes vous
sachiez bien, m'ayant entendue, combien j'ai de douleurs
dans l'âme. Ah ! infortunée ! Ah ! malheureuse mère d'un
homme excellent ! Après avoir enfanté un fils irréprochable
et fort, supérieur aux héros (il a poussé pareil à
un jeune arbre), l'ayant nourri comme un jeune plan
dans un verger à flanc de coteau, je l'ai, sur des vaisseaux
recourbés, envoyé à Ilion combattre les Troyens. Ce fils,
je ne le recevrai pas, je ne le verrai pas revenir chez lui
dans la maison de Pélée; et, pendant que je l'ai, qu'il
vit, et voit la lumière du soleil, il est affligé, et je ne peux
en rien le secourir par ma présence. J'irai pourtant voir
mon enfant, et j'apprendrai quelle souffrance lui est venue,
pendant qu'il reste loin du combat. »
Ayant ainsi parlé, elle quitta la grotte. Les Néréides
l'accompagnèrent en pleurant : autour d'elles, les vagues
de la mer se brisaient. Arrivées à la Troade fertile, elles
montèrent sur le rivage, en file, là où se serraient, tirés
au sec, les vaisseaux des Myrmidons, autour du rapide
Achille. Comme il soupirait lourdement, sa vénérable
mère s'arrêta près de lui; avec une plainte aiguë, elle prit
la tête de son enfant, et, gémissante, lui dit ces mots ailés :
«Mon enfant, pourquoi pleures-tu? Quelle douleur a
gagné ton âme? Parle, ne me cache rien. Tout s'est
accompli, de par Zeus, comme tu venais de le demander,
les mains levées au ciel : que, vers leurs poupes, fussent
refoulés tous les fils d'Achéens, privés de ton aide, et
qu'ils souffrissent d'affreuses peines. »
Avec un lourd soupir, Achille aux pieds rapides répondit:
« Ma mère, en cela, il est vrai, l'Olympien m'a exaucé.
Mais quel plaisir en tiré-je, puisque mon cher compagnon
a péri, Patrocle, que j'estimais plus que tous mes compagnons,
autant que ma propre tête? Je l'ai perdu.
Ses armes, Hector, l'ayant tué, les a enlevées, ses armes
prodigieuses, étonnantes à voir, et belles : à Pélée, les
dieux les avaient données, présent admirable, le jour où
ils te poussèrent dans le lit d'un mortel. Que tu aurais
gagné à demeurer là, au milieu des déesses marines, et
Pélée à prendre une épouse mortelle ! Maintenant, afin
que tu aies, toi aussi, une immense douleur dans l'âme
par la perte de ton enfant, tu ne le recevras pas, tu ne le
verras pas rentrer chez lui car mon coeur ne me pousse
pas à vivre, ni à rester parmi les hommes, à moins qu'Hec-
tor, tout le premier, frappé par ma lance, ne perde la
vie et ne paie pour Patrocle, fils de Ménoetios, sa proie. »
Thétis répondit en versant des larmes :
« Rapide sera ton destin, mon enfant avec de telles paroles !
Car, aussitôt après Hector, le moment fatal pour toi est tout prêt. »
Accablé, Achille aux pieds rapides répondit :
«Que je meure à l'instant, puisque je ne devais pas protéger
mon compagnon de la mort ! Lui, bien loin de sa patrie,
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