[12,200] ὄρνις γάρ σφιν ἐπῆλθε περησέμεναι μεμαῶσιν
αἰετὸς ὑψιπέτης ἐπ᾽ ἀριστερὰ λαὸν ἐέργων
φοινήεντα δράκοντα φέρων ὀνύχεσσι πέλωρον
ζωὸν ἔτ᾽ ἀσπαίροντα, καὶ οὔ πω λήθετο χάρμης,
κόψε γὰρ αὐτὸν ἔχοντα κατὰ στῆθος παρὰ δειρὴν
205 ἰδνωθεὶς ὀπίσω· ὃ δ᾽ ἀπὸ ἕθεν ἧκε χαμᾶζε
ἀλγήσας ὀδύνῃσι, μέσῳ δ᾽ ἐνὶ κάββαλ᾽ ὁμίλῳ,
αὐτὸς δὲ κλάγξας πέτετο πνοιῇς ἀνέμοιο.
Τρῶες δ᾽ ἐρρίγησαν ὅπως ἴδον αἰόλον ὄφιν
κείμενον ἐν μέσσοισι Διὸς τέρας αἰγιόχοιο.
210 δὴ τότε Πουλυδάμας θρασὺν Ἕκτορα εἶπε παραστάς·
Ἕκτορ ἀεὶ μέν πώς μοι ἐπιπλήσσεις ἀγορῇσιν
ἐσθλὰ φραζομένῳ, ἐπεὶ οὐδὲ μὲν οὐδὲ ἔοικε
δῆμον ἐόντα παρὲξ ἀγορευέμεν, οὔτ᾽ ἐνὶ βουλῇ
οὔτέ ποτ᾽ ἐν πολέμῳ, σὸν δὲ κράτος αἰὲν ἀέξειν·
215 νῦν αὖτ᾽ ἐξερέω ὥς μοι δοκεῖ εἶναι ἄριστα.
μὴ ἴομεν Δαναοῖσι μαχησόμενοι περὶ νηῶν.
ὧδε γὰρ ἐκτελέεσθαι ὀΐομαι, εἰ ἐτεόν γε
Τρωσὶν ὅδ᾽ ὄρνις ἦλθε περησέμεναι μεμαῶσιν
αἰετὸς ὑψιπέτης ἐπ᾽ ἀριστερὰ λαὸν ἐέργων
220 φοινήεντα δράκοντα φέρων ὀνύχεσσι πέλωρον
ζωόν· ἄφαρ δ᾽ ἀφέηκε πάρος φίλα οἰκί᾽ ἱκέσθαι,
οὐδ᾽ ἐτέλεσσε φέρων δόμεναι τεκέεσσιν ἑοῖσιν.
ὣς ἡμεῖς, εἴ πέρ τε πύλας καὶ τεῖχος Ἀχαιῶν
ῥηξόμεθα σθένεϊ μεγάλῳ, εἴξωσι δ᾽ Ἀχαιοί,
225 οὐ κόσμῳ παρὰ ναῦφιν ἐλευσόμεθ᾽ αὐτὰ κέλευθα·
πολλοὺς γὰρ Τρώων καταλείψομεν, οὕς κεν Ἀχαιοὶ
χαλκῷ δῃώσωσιν ἀμυνόμενοι περὶ νηῶν.
ὧδέ χ᾽ ὑποκρίναιτο θεοπρόπος, ὃς σάφα θυμῷ
εἰδείη τεράων καί οἱ πειθοίατο λαοί.
230 τὸν δ᾽ ἄρ᾽ ὑπόδρα ἰδὼν προσέφη κορυθαίολος Ἕκτωρ·
Πουλυδάμα, σὺ μὲν οὐκ ἔτ᾽ ἐμοὶ φίλα ταῦτ᾽ ἀγορεύεις·
οἶσθα καὶ ἄλλον μῦθον ἀμείνονα τοῦδε νοῆσαι.
εἰ δ᾽ ἐτεὸν δὴ τοῦτον ἀπὸ σπουδῆς ἀγορεύεις,
ἐξ ἄρα δή τοι ἔπειτα θεοὶ φρένας ὤλεσαν αὐτοί,
235 ὃς κέλεαι Ζηνὸς μὲν ἐριγδούποιο λαθέσθαι
βουλέων, ἅς τέ μοι αὐτὸς ὑπέσχετο καὶ κατένευσε·
τύνη δ᾽ οἰωνοῖσι τανυπτερύγεσσι κελεύεις
πείθεσθαι, τῶν οὔ τι μετατρέπομ᾽ οὐδ᾽ ἀλεγίζω
εἴτ᾽ ἐπὶ δεξί᾽ ἴωσι πρὸς ἠῶ τ᾽ ἠέλιόν τε,
240 εἴτ᾽ ἐπ᾽ ἀριστερὰ τοί γε ποτὶ ζόφον ἠερόεντα.
ἡμεῖς δὲ μεγάλοιο Διὸς πειθώμεθα βουλῇ,
ὃς πᾶσι θνητοῖσι καὶ ἀθανάτοισιν ἀνάσσει.
εἷς οἰωνὸς ἄριστος ἀμύνεσθαι περὶ πάτρης.
τίπτε σὺ δείδοικας πόλεμον καὶ δηϊοτῆτα;
245 εἴ περ γάρ τ᾽ ἄλλοι γε περὶ κτεινώμεθα πάντες
νηυσὶν ἐπ᾽ Ἀργείων, σοὶ δ᾽ οὐ δέος ἔστ᾽ ἀπολέσθαι·
οὐ γάρ τοι κραδίη μενεδήϊος οὐδὲ μαχήμων.
εἰ δὲ σὺ δηϊοτῆτος ἀφέξεαι, ἠέ τιν᾽ ἄλλον
παρφάμενος ἐπέεσσιν ἀποτρέψεις πολέμοιο,
| [12,200] C'est qu'un oiseau avait volé au-dessus
d'eux, comme ils voulaient le franchir, un aigle au vol
élevé, qui laissait leurs troupes à sa gauche. Il tenait
dans ses serres un serpent ensanglanté, monstrueux,
vivant encore et palpitant, et qui n'avait pas oublié son
ardeur offensive : il piqua en effet l'oiseau qui le tenait à
la poitrine, près du cou, en se repliant en arrière. L'oiseau
le lâcha, de douleur; et le serpent tomba à terre au milieu
de l'armée, tandis que l'aigle, avec un cri, s'envolait sur
les souffles du vent.
Les Troyens frémirent, en voyant ce serpent scintillant
étendu au milieu d'eux, présage de Zeus porte-égide.
Alors Polydamas dit à l'audacieux Hector, en s'approchant :
« Hector, tu me reprends toujours dans les assemblées,
malgré mes bons avis, sous prétexte qu'il ne convient
pas qu'étant peuple, je parle autrement que toi, soit au
conseil, soit à la guerre, mais que je dois toujours renforcer
ta puissance. Maintenant encore je dirai ce qui me semble
le meilleur. N'allons pas disputer aux Danaens leurs vaisseaux.
Car voici ce qui arrivera, je crois, si vraiment
c'est pour les Troyens qu'est venu cet oiseau, comme ils
s'élançaient pour franchir le fossé, cet aigle au vol élevé
qui a laissé leurs troupes à sa gauche, et qui tenait dans
ses serres un serpent ensanglanté, monstrueux, encore
vivant. Il l'a lâché avant d'arriver à sa demeure; il n'a
pas réussi à l'apporter à ses petits. Ainsi nous, même si
nous forçons les portes et le rempart achéens, à grand
effort, et si les Achéens cèdent devant nous, ce n'est pas
en bon ordre que, des vaisseaux, nous reprendrons les
mêmes chemins. Nombreux seront les Troyens laissés là,
que les Achéens auront massacrés avec le bronze, en
défendant leurs navires. Voilà ce qu'expliquerait un devin qui se
connaîtrait bien en prodiges, et à qui les troupes obéiraient. »
Avec un regard en dessous, Hector au casque scintillant répondit :
"Polydamas, tu cesses de me plaire en parlant ainsi.
Tu sais à l'occasion concevoir de meilleurs avis. Si vraiment
tu parles ici sérieusement, alors, certes, les dieux
eux-mêmes t'ont enlevé le sens, toi qui veux que j'oublie
Zeus tonnant, et les décisions qu'il m'a promises,
lui-même, et confirmées d'un signe de sa tête. Toi,
c'est à des oiseaux aux larges ailes que tu veux me faire
obéir ! Je ne les regarde ni ne m'en soucie, qu'ils aillent
à droite, vers l'aurore et le soleil, ou à gauche, vers le
couchant brumeux. Obéissons, nous, aux décisions du
grand Zeus qui règne sur tous, mortels et immortels.
Seul, un augure est bon : défendre sa patrie. Pourquoi
redoutes-tu la guerre et le carnage? Quand nous péririons
tous sur les vaisseaux argiens, toi, tu n'as pas à
craindre la mort : ton coeur n'est pas ardent au carnage et à la
bataille. Cependant, si tu te tiens loin du carnage, ou si, par tes
discours trompeurs, tu détournes quelqu'autre du combat,
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