[1,4] κυμαίνουσαν οὖν ἔχων τοσαύταις φροντίσι τὴν ψυχήν,
συγκαλέσας τε τοὺς φίλους ὅσοι τε παρῆσαν τῶν συγγενῶν,
καὶ τὸν παῖδα παραστησάμενος, ἐπειδὴ πάντες
συνῆλθον, ἡσυχῇ τοῦ σκίμποδος κουφίσας ἑαυτὸν τοιούτων λόγων
ἤρξατο· „ἄχθεσθαι μὲν ὑμᾶς ἐφ´ οἷς ὁρᾶτέ με διακείμενον,
θαυμαστὸν οὐδέν· φύσει τε γὰρ τὸ ἀνθρώπινον ἐλεεινὸν
ἐν ταῖς τῶν ὁμοφύλων συμφοραῖς, τά τε δεινὰ ὑπ´ ὄψιν
πεσόντα οἶκτον προκαλεῖται μείζονα. ἐμοὶ δέ τι καὶ πλέον
ὑπάρχειν παρ´ ὑμῶν οἴομαι· ἐκ γὰρ ὧν αὐτὸς διάκειμαι
πρὸς ὑμᾶς, ἀμοιβαίαν εὔνοιαν εἰκότως ἤλπικα. νῦν δὲ
καιρὸς εὔκαιρος ἐμοί τε αἰσθέσθαι μὴ μάτην ἐς ὑμᾶς
τοσούτου χρόνου τιμήν τε καὶ σπουδὴν κατατεθεῖσθαι,
ὑμῖν τε ἀποδοῦναι χάριν, δείξασιν ὅτι ὑπὲρ ὧν ἐτύχετε
οὐκ ἀμνημονεῖτε. ὁρᾶτε δή μοι τὸν υἱὸν ὃν αὐτοὶ ἀνεθρέψασθε,
ἄρτι τῆς μειρακίων ἡλικίας ἐπιβαίνοντα καὶ
δεόμενον ὥσπερ ἐν χειμῶνι καὶ ζάλῃ τῶν κυβερνησόντων,
μή ποι φερόμενος ὑπ´ ἀτελοῦς τῆς τῶν δεόντων
ἐμπειρίας ἐς φαῦλα ἐπιτηδεύματα προσαραχθῇ. γένεσθε
δὴ οὖν αὐτῷ ὑμεῖς ἀνθ´ ἑνὸς ἐμοῦ πατέρες πολλοί, περιέποντές
τε καὶ τὰ ἄριστα συμβουλεύοντες. οὔτε γὰρ
χρημάτων πλῆθος οὐδὲν αὔταρκες πρὸς τυραννίδος
ἀκρασίαν, οὔτε δυρυφόρων φρουρὰ ἱκανὴ ῥύεσθαι τὸν
ἄρχοντα, εἰ μὴ προσυπάρχοι ἡ τῶν ὑπηκόων εὔνοια.
μάλιστα δὲ ἐκεῖνοι ἐς ἀρχῆς μῆκος ἀκινδύνως ἤλασαν, ὅσοι
μὴ φόβον ἐξ ὠμότητος, πόθον δὲ ἐκ τῆς αὑτῶν χρηστότητος ταῖς τῶν
ἀρχομένων ψυχαῖς ἐνέσταξαν. οὐ γὰρ
οἱ ἐξ ἀνάγκης δουλεύοντες ἀλλ´ οἱ μετὰ πειθοῦς ὑπακούοντες ἀνύποπτα καὶ
ἔξω κολακείας προσποιήτου δρῶντές τε καὶ πάσχοντες διατελοῦσι καὶ οὐδέ ποτε
ἀφηνιάζουσιν, ἢν μὴ βίᾳ καὶ ὕβρει ἐπὶ τοῦτο ἀχθῶσι. χαλεπὸν
δὲ μετριάσαι τε καὶ ὅρον ἐπιθεῖναι ἐπιθυμίαις ὑπηρετούσης ἐξουσίας.
τοιαῦτα δὴ συμβουλεύοντες αὐτῷ, καὶ
ὧν ἀκούει παρὼν ὑπομιμνήσκοντες, ὑμῖν τε αὐτοῖς καὶ
πᾶσιν ἄριστον ἀποδείξετε βασιλέα, τῇ τε ἐμῇ μνήμῃ
χαριεῖσθε τὰ μέγιστα, οὕτω τε μόνως ἀίδιον αὐτὴν ποιῆσαι δυνήσεσθε.“
τοσαῦτα εἰπόντα τὸν Μᾶρκον ἐπιπεσοῦσα λιποθυμία
κατεσίγασεν· ὑπὸ δὲ ἀσθενείας τε καὶ ἀθυμίας αὖθις
ὑπτίαζεν. οἶκτος δὲ πάντας ἐλάμβανε τοὺς παρόντας,
ὡς μηδὲ κατασχόντας αὑτῶν τινὰς ἐς οἰμωγὴν ἀναβοῆσαι.
ὃ μὲν οὖν νυκτός τε καὶ ἡμέρας ἐπιβιώσας μιᾶς ἀνεπαύσατο,
πόθον τε τοῖς καθ´ αὑτὸν ἀνθρώποις ἐγκαταλιπὼν
ἀρετῆς τε ἀίδιον μνήμην ἐς τὸν ἐσόμενον αἰῶνα. τελευτήσαντος
δὲ Μάρκου, ἐπειδὴ διεφοίτησεν ἡ φήμη, πᾶν
τε τὸ παρὸν στρατιωτικὸν καὶ τὸ δημῶδες πλῆθος ὁμοίως
πένθει κατείχετο, οὐδέ τις ἦν ἀνθρώπων τῶν ὑπὸ τὴν
Ῥωμαίων ἀρχὴν ὃς ἀδακρυτὶ τοιαύτην ἀγγελίαν ἐδέχετο.
πάντες δ´ ὥσπερ ἐκ μιᾶς φωνῆς, οἳ μὲν πατέρα χρηστόν,
οἳ δ´ ἀγαθὸν βασιλέα, γενναῖον δὲ ἕτεροι στρατηγόν, οἳ
δὲ σώφρονα καὶ κόσμιον ἄρχοντα ἀνεκάλουν, καὶ οὐδεὶς ἐψεύδετο.
| [1,4] Flottant au milieu de ces inquiétudes, il convoque auprès de lui ses
amis et tous ses proches. Il fait placer au milieu d'eux son fils, et quand il
les voit tous réunis, se soulevant un peu sur son lit de mort,
il prononce ces paroles :
VIII. « L'état dans lequel vous me voyez vous afflige; je ne m'en étonne
pas. Il est dans la nature do l'homme d'avoir pitié des maux de ses
semblables ; et c'est surtout aux maux physiques qu'il est le plus
sensible. Entre nous d'ailleurs, il existe des rapports plus particuliers ;
car je juge de vos sentiments d'après les miens, et j'attends à bon
droit de vous une réciprocité de bienveillance. Il se présente aujourd'hui
une occasion, à moi, d'éprouver si c'est en vain que pendant de si longues
années, je me suis plu à vous combler de distinctions et d'honneurs ; à
vous, de montrer par votre reconnaissance que vous n'êtes pas sans mémoire
pour les bienfaits. Vous voyez ce jeune prince, mon fils, que vous avez
élevé vous-mêmes : il entre à peine dans l'adolescence ; et dans cette mer
orageuse de la vie, il a besoin de sages pilotes qui guident son
inexpérience, et l'empêchent de s'écarter du droit chemin pour aller se
briser aux écueils du vice. Qu'il trouve en vous plusieurs pères au lieu
d'un seul ; rendez-vous dignes de ce nom en lui inspirant sans cesse
l'amour de la vertu et de l'honneur. Il n'est point d'assez grand trésor
pour assouvir la cupidité d'un tyran ; il n'est point de garde assez
nombreuse pour protéger les jours d'un roi, s'il n'est environné de
l'affection de ses sujets. Ceux-là seuls jouissent d'un règne long et
assuré qui aiment mieux inspirer à leurs peuples l'amour par la bonté, que
l'effroi par la barbarie. Ce qui fait la sécurité des princes, ce ne sont
point des esclaves soumis par la nécessité, mais des hommes librement
portés à l'obéissance. Ces derniers seuls sont étrangers à toute
dissimulation, à toute bassesse dans leurs actions comme dans leurs
pensées, et jamais ils ne reconnaîtront une autorité qui ne s'exercera ni
par la violence, ni par l'outrage ; mais quand on se voit maître de tous
les autres, il est difficile de rester maître de soi-même et de réprimer
la fougue de ses passions. C'est par de semblables leçons que vous devez
guider mon fils ; répétez-lui souvent ces derniers conseils qu'il vient de
recevoir devant vous; vous formerez ainsi pour vous-même et pour le monde
entier, un excellent prince, et vous aurez bien mérité de ma mémoire qu'à
cette condition seule vous pouvez rendre glorieuse et immortelle. »
IX. La faiblesse l'empêcha de continuer, et il retomba défaillant sur son
lit. A ce spectacle, une douleur si violente s'empara de tous les
assistants, que plusieurs ne purent la maîtriser et poussèrent des cris de
désespoir. L'empereur vécut encore une nuit et un jour; puis il mourut,
laissant à ses contemporains les regrets les plus amers et à la postérité
l'immortel souvenir d'une vertu sans tache. Quand le bruit de son trépas
vint à se répandre, la plus vive affliction s'étendit et sur l'armée et
sur tout le peuple. Il ne se trouva pas un seul homme dans tout l'empire
romain qui reçût sans larmes cette funeste nouvelle. Tous célébraient en
lui, comme d'une seule voix, ou le bon père, ou le monarque juste, ou le
général habile, ou le prince vertueux et sage. Éloges glorieux que dictait
la vérité seule !
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