[9,21] Τοῦτον μὲν οὖν ἀχθέντα πρὸς τοῦ ἑλόντος ὁ
Ὑδάσπης ψυχορραγοῦντα θεασάμενος καὶ πολλῷ αἵματι
ῥεόμενον, τοῦτο μὲν ἐπαοιδῇ διὰ τῶν τοῦτο ἔργον πεποιημένων
ἐπέσχε, κρίνας δὲ, εἰ δύναιτο, περισῴζειν ἐπιρρωννύς
τε τοῖς λόγοις. «Ὦ βέλτιστε» ἔφη, «τὸ μὲν σῴζεσθαί
σε κατ´ ἐμὴν ὑπάρξει γνώμην· νικᾶν γὰρ καλὸν τοὺς ἐχθροὺς
ἑστῶτας μὲν ταῖς μάχαις πεπτωκότας δὲ ταῖς εὐποιΐαις·
τί δ´ οὖν βουλόμενος οὕτως ἄπιστος ἀπεδείχθης;» Ὁ
δὲ «Πρὸς σὲ» ἔφη «ἄπιστος πιστὸς δὲ πρὸς τὸν ἐμὸν
δεσπότην.» Καὶ ὁ Ὑδάσπης, «Ὑποπεσὼν τοίνυν τίνα
σαυτῷ τιμωρίαν ὁρίζεις;» πάλιν ἠρώτα· καὶ ὅς, «Ἣν
ἂν» ἔφη «βασιλεὺς ὁ ἐμός, τῶν σῶν τινα στρατηγῶν
φυλάττοντα σοὶ πίστιν λαβών, ἀπῄτησεν.» «Οὐκοῦν»
ἔφη ὁ Ὑδάσπης «ἐπῄνεσεν ἂν καὶ δωρησάμενος ἀπέπεμψεν,
εἰ βασιλεύς τίς ἐστιν ἀληθὴς καὶ μὴ τύραννος, ἐν ἀλλοτρίοις
ἐπαίνοις ζῆλον τοῖς ἰδίοις τῶν ὁμοίων κατασκευαζόμενος.
Ἀλλ´ ὦ θαυμάσιε, πιστὸς μὲν εἶναι λέγεις, ἀσύνετος δὲ
κἂν αὐτὸς ὁμολογήσειας πρὸς τοσαύτας μυριάδας οὕτω
παρατόλμως ἀντιταξάμενος.» «Οὐκ ἦν ἀσύνετον
ἴσως» ἀπεκρίνατο «τῆς γνώμης ἐστοχάσθαι τοῦ βασιλεύοντος,
μεθ´ ἧς ἐκεῖνος πλέον τιμωρεῖται τοὺς ὁπωσοῦν
ἐν πολέμῳ δειλοὺς ἢ τιμᾷ τοὺς ἀνδρείους. Ἔγνων οὖν ὁμόσε
χωρῆσαι πρὸς τὸν κίνδυνον καὶ ἤτοι μέγα τι κατορθῶσαι καὶ
παρὰ δόξαν, οἷα πολλὰ πολέμου καιροὶ θαυματουργοῦσιν,
ἢ διασωθείς, εἰ τοῦτο συμβαίνοι, χώραν ἀπολογίας ὑπολείπεσθαι,
ὡς πάντων τῶν ἐπ´ ἐμοὶ πεπραγμένων.»
| [9,21] Oroondatès fut donc emmené à Hydaspe par
l'homme qui l'avait fait prisonnier, et le roi, le voyant
prêt d'expirer et couvert de sang, fit arrêter l'hémorragie
par des sorciers qui se servent pour cela d'incantations;
il avait l'intention, si possible, de lui sauver la vie,
et il lui adressa des paroles de réconfort : « Mon cher ami,
lui dit-il, tu es sauvé, s'il ne tient qu'à moi; car il est
beau de vaincre ses ennemis, en combattant, lorsqu'ils
sont debout, mais, en générosité, lorsqu'ils sont abattus.
Mais pour quelle raison t'es-tu donc montré si
déloyal? » Et l'autre répondit : « Déloyal envers toi,
mais loyal envers mon maître. » Alors Hydaspe : « Et
maintenant que tu as échoué, quel châtiment penses-tu
avoir mérité? » lui demanda-t-il encore. Alors le satrape :
« Celui que mon Roi aurait infligé à l'un de tes généraux
s'il l'avait fait prisonnier alors qu'il se montrait fidèle
envers toi. — Sans doute, répondit Hydaspe, il l'aurait
félicité et l'aurait renvoyé avec des présents, s'il avait été
vraiment un roi et non pas un tyran, soucieux, en louant
un étranger, d'inspirer aux siens le désir de lui ressembler.
Mais, homme étonnant, tu dis que tu as été loyal,
mais tu pourrais avouer aussi que tu as été naïf de t'attaquer,
avec autant d'audace, à une telle multitude. — Je
n'étais peut-être pas naïf, répondit Oroondatès, de fonder
ma conduite sur la connaissance que j'ai du caractère
de mon roi, qui lui fait se montrer plus sévère pour
quiconque a fait preuve de lâcheté au combat que généreux
envers les braves. Aussi ai-je décidé de me jeter
en plein danger et, ou bien, de remporter un grand
succès, contre tout espoir, l'un des nombreux miracles
que peuvent provoquer les hasards de la guerre, ou
bien, s'il m'était donné de survivre, de me ménager un
moyen de défense en disant que j'avais fait tout ce qui
était en mon pouvoir. »
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