[8,6] Ἐπείθετο ἡ Ἀρσάκη, ἀπελπισθεὶς γὰρ ἔρως οὐδεμίαν
ἔχει φειδὼ τοῦ ἐρωμένου τρέπειν δὲ φιλεῖ τὴν ἀποτυχίαν
εἰς τιμωρίαν, καὶ τὸν ἀρχιευνοῦχον μετακαλεσαμένη
τὰ δεδογμένα προσέταξεν. Ὁ δὲ καὶ φύσει μὲν τὴν
εὐνούχων ζηλοτυπίαν νοσῶν, σμυχόμενος δὲ καὶ πάλαι κατὰ
τοῦ Θεαγένους ἐξ ὧν ἑώρα τε καὶ ὑπώπτευεν, εὐθὺς ἐν
δεσμοῖς εἶχε σιδηροῖς καὶ ἐπίεζε λιμῷ καὶ αἰκίαις, εἰς
οἴκημα ζοφῶδες κατακλεισάμενος καὶ εἰδότι μέν, μὴ προσποιουμένῳ
δὲ καὶ πυνθανομένῳ δῆθεν τὴν αἰτίαν οὐδὲν
ἀποκρινόμενος, ἐπιτείνων δὲ ὁσημέραι τὰ τῆς κολάσεως
καὶ πλέον ἢ ἐβούλετο ἡ Ἀρσάκη καὶ ἐντέταλτο τιμωρούμενος,
εἰσφοιτᾶν δὲ οὐδενὶ παριεὶς ἢ μόνῃ τῇ Κυβέλῃ, τοῦτο
προστεταγμένον. Ἡ δὲ ἐφοίτα συνεχῶς καὶ τροφὰς
κρύφα παρεισφέρειν ἐνεδείκνυτο, οἰκτείρουσα μὲν δῆθεν καὶ
ὑπὸ τῆς συνηθείας ἐπικλωμένη τὸ δὲ ἀληθὲς ἀποπειρωμένη
ποίαν τινὰ γνώμην ἔχοι πρὸς τὰ παρόντα καὶ εἴπερ
ἐνδιδοίη καὶ μαλάσσοιτο πρὸς τῶν στρεβλώσεων. Ὁ δὲ
ἦν πλέον ἀνὴρ τότε καὶ πλέον ἀπεμάχετο πρὸς τὰς πείρας,
τὸ μὲν σῶμα καταπονούμενος τὴν δὲ ψυχὴν ἐπὶ σωφροσύνῃ
ῥωννύμενος, καὶ μεγαλαυχούμενος ἅμα πρὸς τὴν τύχην
καὶ γαυριῶν εἰ λυποῦσα τὸ πλεῖστον μέρει τῷ καιριωτάτῳ
χαρίζοιτο, ἐπιδείξεως ἀφορμὴν τῆς εἰς τὴν Χαρίκλειαν
εὐνοίας τε καὶ πίστεως παρεσχημένη, μόνον εἰ γινώσκοι
ταῦτα κἀκείνη μέγιστον ἀγαθὸν τιθέμενος καὶ συνεχῶς
Χαρίκλειαν ζωὴν καὶ φῶς καὶ ψυχὴν ἀνακαλῶν. Ὥστε
καὶ ἡ Κυβέλη ταῦτα ὁρῶσα καὶ παρὰ μὲν τῆς Ἀρσάκης ὡς
ἠρέμα βούλοιτο πιέζεσθαι τὸν Θεαγένην ἀκούουσα, οὐ γὰρ
εἰς τελευτὴν ἀλλ´ εἰς ἀνάγκην παραδεδωκέναι, αὐτὴ δὲ
ἐκ τῶν ἐναντίων ἐπιτείνειν τὰ τῶν κολάσεων πρὸς τὸν
Εὐφράτην ἀπαγγέλλουσα, ὡς ἀνύουσα ᾔσθετο οὐδὲν
ἀλλ´ ἀπηγόρευτο καὶ αὕτη παρ´ ἐλπίδας ἡ πεῖρα, συνεῖσα
οἷ κακῶν ἦν καὶ νῦν μὲν τὴν ἐξ Ὀροονδάτου τιμωρίαν εἰ
πύθοιτο ταῦτα παρὰ Ἀχαιμένους ὅσον οὐδέπω προσδοκῶσα,
νῦν δὲ ὡς φθήσεται αὐτὴν διαχρωμένη τάχα καὶ ἡ Ἀρσάκη
ὡς παιχθεῖσα εἰς τὴν τοῦ ἔρωτος σύλληψιν, ὁμόσε
χωρεῖν ἔγνω τοῖς κατειληφόσι καὶ μέγα τι κακὸν ἐπιτελέσασα
ἢ κατορθῶσαι τῇ Ἀρσάκῃ τὰ κατὰ γνώμην καὶ τὸ
παρὸν τὸν ἀπ´ ἐκείνης προσδοκώμενον διαδῦναι κίνδυνον ἢ
τοὺς ἐλέγχους τῶν πάντων πραγμάτων ἀφανίσαι θανάτους
ἅμα πᾶσιν ἐπινοήσασα. Καὶ πρὸς τὴν Ἀρσάκην ἐλθοῦσα
«Μάτην» ἔφη «κάμνομεν, ὦ δέσποινα· οὐ γὰρ ἐνδίδωσιν
ὁ ἀπηνὴς ἐκεῖνος ἀλλ´ ἀεὶ γίνεται καὶ πλέον θρασύτερος
Χαρίκλειαν διὰ στόματος ἔχων καὶ ταῖς ἐκείνης ἀνακλήσεσιν
ὥσπερ θεραπείαις παρηγούμενος. Τελευταίαν
οὖν, εἰ δοκεῖ, τὸ τοῦ λόγου, ῥίψωμεν ἄγκυραν καὶ τὴν ἐμποδὼν
γινομένην ἐκποδὼν ποιησώμεθα. Εἰ γὰρ μάθοι μὴ
οὖσαν, εἰκός που καὶ μεταβληθῆναι αὐτὸν πρὸς τὸ βούλημα
τὸ ἡμέτερον ἀπογνόντα τὸν ἐπ´ ἐκείνῃ πόθον.»
| [8,6] Arsacé la crut, car l'amour qui n'a plus d'espoir
ne garde plus aucun ménagement pour l'être aimé et se
plaît à transformer sa déconvenue en vengeance. Elle
fit donc appeler le chef des eunuques et lui donna ses
intructions. Et lui, qui éprouvait la jalousie qui est le
mal de tous les eunuques, et qui, de plus, était depuis
lontgemps, en secret, consumé de haine pour Théagène,
à cause de ce qu'il voyait et de ce qu'il soupçonnait,
le mit aussitôt aux fers et l'accabla de privations et
de coups. Il l'avait enfermé dans une pièce sans
lumière et lorsque Théagène, qui connaissait bien la
raison de tout cela, mais faisait semblant de n'en rien
savoir, lui demandait pourquoi on le traitait ainsi, il ne
répondait rien. Chaque jour, il augmentait le châtiment,
et le punissait plus cruellement que ne le voulait
Arsacé et qu'elle ne l'avait commandé. Il ne permettait
à personne de le voir, sinon à la seule Cybèle, et cela,
sur un ordre exprès. Cybèle venait fréquemment, sous
prétexte d'apporter clandestinement de la nourriture à
Théagène; elle affectait d'avoir pitié et de se lamenter
sur lui, à cause de leur intimité d'autrefois, mais en réalité
elle venait se rendre compte de son moral dans l'état
où il se trouvait, savoir s'il ne fléchissait pas et s'il ne
faiblissait pas dans les supplices. Mais lui n'en était
que plus courageux et n'en repoussait que plus vivement
ses tentatives; son corps était accablé de souffrances
mais son âme était plus forte que jamais dans sa vertu.
Il se félicitait de son infortune et se glorifiait de ce que
celle-ci, qui lui causait tant de douleurs, lui laissât du
moins un avantage principal, la possibilité de prouver
sa tendresse pour Chariclée et sa fidélité; il estimait que,
à la condition qu'elle le sût, tout cela était un grand
bonheur pour lui, et il ne cessait d'invoquer Chariclée,
qu'il appelait sa vie, sa lumière et son âme. Si bien
que Cybèle, voyant cela, et contrairement au désir
d'Arsacé, qui voulait que l'on contraignît doucement
Théagène, et qui l'avait livré à Euphratès non pour le
faire mourir, mais pour le forcer à céder, donnait l'ordre,
au contraire, d'aggraver le châtiment. Mais, lorsqu'elle
se rendit compte qu'elle n'obtenait rien et que cette
expérience se révélait décevante, comprenant, d'autre
part, quels dangers elle courait, s'attendant soit à ce
qu'Oroondatès, une fois mis au courant par Achaeménès,
ne tardât pas à se venger, soit à ce qu'Arsacé
le devançât et ne la fît périr, pour l'avoir trompée en lui
promettant de l'aider dans son amour, elle décida de
tenir tête à la tempête et, en provoquant une grande
catastrophe, ou bien de faire en sorte qu'Arsacé obtienne
satisfaction, ce qui éloignerait d'elle, au moins pour le
moment, le danger dont elle se sentait menacée de la
part de sa maîtresse, ou bien de faire disparaître toutes
les preuves de l'intrigue en supprimant tout le monde.
Elle alla trouver Arsacé : « Nous nous donnons du mal
pour rien, maîtresse, dit-elle, le barbare ne cède pas; il
devient de jour en jour plus insolent, et n'a à la bouche
que Chariclée et lorsqu'il l'invoque, il semble que cela
soit pour lui une consolation et un soutien. Jetons
donc, comme on dit, la dernière ancre et débarrassons-nous
de celle qui nous embarrasse. S'il apprend qu'elle
n'est plus, il est probable qu'il changera d'avis et fera
ce que nous voulons, puisqu'il devra renoncer à désirer l'autre".
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