[6,3,3] <193> Τῶν δὲ ὑπὸ τοῦ λιμοῦ φθειρομένων κατὰ
τὴν πόλιν ἄπειρον μὲν ἔπιπτε τὸ πλῆθος, ἀδιήγητα
δὲ συνέβαινε τὰ πάθη. <194> Καθ' ἑκάστην γὰρ
οἰκίαν, εἴ που τροφῆς παραφανείη σκιά, πόλεμος
ἦν, καὶ διὰ χειρῶν ἐχώρουν οἱ φίλτατοι πρὸς
ἀλλήλους ἐξαρπάζοντες τὰ ταλαίπωρα τῆς ψυχῆς
ἐφόδια. <195> Πίστις δ' ἀπορίας οὐδὲ τοῖς
θνήσκουσιν ἦν, ἀλλὰ καὶ τοὺς ἐκπνέοντας οἱ
λῃσταὶ διηρεύνων, μή τις ὑπὸ κόλπον ἔχων τροφὴν
σκήπτοιτο τὸν θάνατον αὑτῷ. <196> Οἱ δ' ὑπ'
ἐνδείας κεχηνότες ὥσπερ λυσσῶντες κύνες
ἐσφάλλοντο, καὶ παρεφέροντο ταῖς τε θύραις
ἐνσειόμενοι μεθυόντων τρόπον καὶ ὑπ' ἀμηχανίας
εἰς τοὺς αὐτοὺς οἴκους εἰσπηδῶντες δὶς ἢ τρὶς ὥρᾳ
μιᾷ. <197> Πάντα δὲ ὑπ' ὀδόντας ἦγεν ἡ ἀνάγκη, καὶ
τὰ μηδὲ τοῖς ῥυπαρωτάτοις τῶν ἀλόγων ζῴων
πρόσφορα συλλέγοντες ἐσθίειν ὑπέφερον·
ζωστήρων γοῦν καὶ ὑποδημάτων τὸ τελευταῖον οὐκ
ἀπέσχοντο καὶ τὰ δέρματα τῶν θυρεῶν
ἀποδέροντες ἐμασῶντο. <198> Τροφὴ δ' ἦν καὶ
χόρτου τισὶ παλαιοῦ σπάραγμα· τὰς γὰρ ἶνας ἔνιοι
συλλέγοντες ἐλάχιστον σταθμὸν ἐπώλουν Ἀττικῶν
τεσσάρων. <199> Καὶ τί δεῖ τὴν ἐπ' ἀψύχοις
ἀναίδειαν τοῦ λιμοῦ λέγειν; εἶμι γὰρ αὐτοῦ
δηλώσων ἔργον οἷον μήτε παρ' Ἕλλησιν μήτε
παρὰ βαρβάροις ἱστόρηται, φρικτὸν μὲν εἰπεῖν,
ἄπιστον δὲ ἀκοῦσαι. <200> Καὶ ἔγωγε μὴ δόξαιμι
τερατεύεσθαι τοῖς αὖθις ἀνθρώποις, κἂν
παρέλειπον τὴν συμφορὰν ἡδέως, εἰ μὴ τῶν κατ'
ἐμαυτὸν εἶχον ἀπείρους μάρτυρας. ἄλλως τε καὶ
ψυχρὰν ἂν καταθείμην τῇ πατρίδι χάριν
καθυφέμενος τὸν λόγον ὧν πέπονθεν τὰ ἔργα.
| [6,3,3] <193> Cependant la population de la ville était
consumée par la faim : innombrables étaient ceux
qui tombaient ; les maux qu'ils souffraient ne
peuvent se raconter, car, dans chaque maison, s'il
apparaissait quelque ombre de nourriture, il y avait
lutte ; les êtres les plus étroitement unis en
venaient aux mains, s’arrachant ces pauvres
soutiens de leur vie. Les mourants même étaient
suspects d'être dans l'abondance et les
brigands fouillaient ceux qui rendaient l'âme,
craignant que l'un de ces malheureux ne feignit de
mourir en cachant de la nourriture dans son sein.
Et les affamés aux aguets, semblables à des
chiens enragés, marchaient en chancelant : ils
passaient, s'abattant contre les portes comme des
ivrognes, et, poussés par le désespoir, se
précipitaient deux ou trois fois par heure dans les
mêmes maisons. La nécessité leur faisait mettre
sous la dent toutes sortes de choses : ils
ramassaient et se résignaient à manger ce qui
n'eût pas même convenu aux plus immondes des
animaux privés de raison ; en dernier lieu, ils
usèrent du cuir de leurs ceintures et de leurs
sandales ; ils grattèrent, pour la mâcher, la peau
de leurs boucliers. D'autres se nourrirent de
brindilles de vieux foin ; plusieurs en ramassèrent
des fibres et en vendirent au prix de quatre
Attiques un très léger poids. Mais pourquoi faut-il
parler de cette faim sans scrupules qui se prend à
des objets inanimés, quand je vais relater un fait
sans exemple ni chez les Grecs, ni chez les
Barbares, fait horrible à dire, et qui trouve
difficilement créance. Moi-même, pour ne pas
paraître aux yeux de la postérité comme un
inventeur de récits merveilleux, j'aurais volontiers
omis ce drame si je n'en avais eu des témoins
nombreux parmi mes contemporains. Ce serait
d'ailleurs un faible titre à la reconnaissance de ma
patrie que de reculer devant le récit des maux
qu’elle a réellement soufferts.
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