[14,19] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΘʹ.
Πρὸς τοὺς κατ´ Ἀρίστιππον φιλοσόφους, μόνα λέγοντας τὰ πάθη εἶναι
καταληπτὰ, τὰ δὲ λοιπὰ ἀκατάληπτα. Ἐκ τοῦ αὐτοῦ
« Ἑξῆς δ´ ἂν εἶεν οἱ λέγοντες μόνα τὰ πάθη καταληπτά· τοῦτο δ´ εἶπον
ἔνιοι τῶν ἐκ τῆς Κυρήνης. Οὗτοι δ´ ἠξίουν, ὥσπερ ὑπὸ κάρου πιεζόμενοί
τινος, οὐδὲν εἰδέναι τὸ παράπαν, εἰ μή τις παραστὰς αὐτοὺς παίοι καὶ
κεντῴη· καιόμενοι γὰρ ἔλεγον ἢ τεμνόμενοι γνωρίζειν ὅτι πάσχοιέν τι·
πότερον δὲ τὸ καῖον εἴη πῦρ ἢ τὸ τέμνον σίδηρος, οὐκ ἔχειν εἰπεῖν. Τοὺς δὴ
ταῦτα λέγοντας εὐθὺς ἔροιτό τις ἄν, εἰ δὴ τοῦτο γοῦν ἴσασιν αὐτοί, διότι
πάσχουσί τι καὶ αἰσθάνονται. Μὴ εἰδότες μὲν γὰρ οὐδ´ εἰπεῖν δυνηθεῖεν ἂν
ὅτι μόνον ἴσασι τὸ πάθος· εἰ δ´ αὖ γνωρίζουσιν, οὐκ ἂν εἴη μόνα τὰ πάθη
καταληπτά. Τὸ γὰρ ’ἐγὼ καίομαι‘ λόγος ἦν καὶ οὐ πάθος. Ἀλλὰ μὴν ἀνάγκη γε
τρία ταῦτα συνυφίστασθαι, τό τε πάθος αὐτὸ καὶ τὸ ποιοῦν καὶ τὸ πάσχον. Ὁ
τοίνυν ἀντιλαμβανόμενος τοῦ πάθους πάντως αἰσθάνοιτ´ ἂν καὶ τοῦ πάσχοντος.
Οὐ γὰρ δὴ διότι μέν, εἰ τύχοι, θερμαίνεται γνωριεῖ, πότερον δ´ αὐτὸς ἢ ὁ
γείτων, ἀγνοήσει· καὶ νῦν ἢ πέρυσι καὶ Ἀθήνησιν ἢ ἐν Αἰγύπτῳ καὶ ζῶν ἢ
τεθνεώς, ἔτι δὲ ἄνθρωπος ὢν ἢ λίθος. Οὐκοῦν εἴσεται καὶ ὑφ´ ὅτου πάσχοι·
καὶ γὰρ ἀλλήλους γνωρίζουσι καὶ ὁδοὺς καὶ πόλεις καὶ τὴν τροφήν· οἵ τ´ αὖ
τεχνῖται τὰ ἐργαλεῖα τὰ αὑτῶν οἴδασι καὶ οἱ ἰατροὶ καὶ ναυτικοὶ
σημειοῦνται τὰ μέλλοντα καὶ τῶν θηρίων οἱ κύνες εὑρίσκουσι τοὺς στίβους.
Ἔτι γε μὴν ὁ πάσχων τι πάσχων πάντως ἢ ὡς οἰκείου τινὸς ἢ ὡς ἀλλοτρίου
πάθους ἀντιλαμβάνεται. Πόθεν οὖν ἕξει λέγειν ὅτι τοῦτο μέν ἐστιν ἡδονή,
τοῦτο δὲ πόνος, ἢ ὅτι γευόμενος ἢ ὁρῶν ἢ ἀκούων πάσχοι τι, καὶ τῇ μὲν
γλώσσῃ γευόμενος, τοῖς δ´ ὄμμασιν ὁρῶν, τοῖς δ´ ὠσὶν ἀκούων; Ἤ πῶς ἴσασιν
ὅτι τοδὶ μὲν αἱρεῖσθαι χρή, τοδὶ δὲ φεύγειν; Εἰ δὲ μηδὲν τούτων κινοῖεν,
οὐχ ἕξουσιν ὁρμὴν οὐδ´ ὄρεξιν· οὕτω δ´ οὐδ´ ἂν ζῷα εἶεν. Γελοῖοι γάρ
εἰσιν, ὁπότε λέγοιεν ὅτι ταῦτα μὲν αὐτοῖς συμβέβηκεν, οὐ μὴν ἴσασί γε πῶς
καὶ τίνα τρόπον. Οὕτω γὰρ οὐδ´ εἰ ἄνθρωποι πεφύκασιν οὐδ´ εἰ ζῶσιν, ἔχοιεν
ἂν εἰπεῖν· οὐκοῦν οὐδ´ εἰ λέγουσί τι καὶ ἀποφαίνονται. Πρὸς δὴ τοὺς
τοιούτους τίς ἂν εἴη λόγος; Θαυμάσαι μέντοι τις ἄν, εἰ ἀγνοοῦσι πότερον
ἐπὶ τῆς γῆς εἰσιν ἢ ἐν τῷ οὐρανῷ· πολλῷ δὲ θαυμασιώτερον εἰ οὐκ οἴδασι,
καὶ ταῦτα φάσκοντες φιλοσοφεῖν, ἆρά γε τὰ τέτταρα πλείονά ἐστιν ἢ τὰ τρία
καὶ τὸ ἓν καὶ τὰ δύο πόσα ἐστίν. Οὐδὲ γὰρ ὁπόσους ἔχουσιν ἐπὶ τῶν χειρῶν
δακτύλους οὗτοί γε δύνανται εἰπεῖν οὐδὲ πότερον ἕκαστος αὐτῶν εἷς ἐστιν ἢ
πλείους. Ὥστε οὐδὲ τοὔνομα τὸ ἴδιον εἰδεῖεν ἂν οὐδὲ τὴν πατρίδα καὶ τὸν
Ἀρίστιππον. Οὐκοῦν οὐδὲ τίνας φιλοῦσιν ἢ μισοῦσιν οὐδὲ τίνων ἐπιθυμοῦσιν·
οὐδ´, εἰ γελάσαιεν ἢ δακρύσαιεν, ἕξουσιν εἰπεῖν ὅτι τὸ μὲν εἴη γελοῖον, τὸ
δὲ λυπηρόν. Δῆλον οὖν ὡς οὐδὲ τί νυνὶ λέγομεν ἡμεῖς, συνιᾶσιν. Οὐδὲν οὖν
οἵ γε τοιοῦτοι διαφέροιεν ἂν ἐμπίδων ἢ μυιῶν· καίτοι κἀκεῖνα γνωρίζει τὰ
κατὰ φύσιν καὶ παρὰ φύσιν. »
Πρὸς δὴ τοὺς οὕτω διακειμένους εἰ καὶ μυρία λέγειν ἔνεστιν, ἀλλ´ ἀρκεῖ γε
καὶ ταῦτα. Ἕπεται τούτοις συνεξετάσαι καὶ τοὺς τὴν ἐναντίαν βαδίσαντας καὶ
πάντα χρῆναι πιστεύειν ταῖς τοῦ σώματος αἰσθήσεσιν ὁρισαμένους, ὧν εἶναι
Μητρόδωρον τὸν Χῖον καὶ Πρωταγόραν τὸν Ἀβδηρίτην. Τὸν μὲν οὖν Μητρόδωρον
Δημοκρίτου ἔφασαν ἀκηκοέναι, ἀρχὰς δὲ ἀποφήνασθαι τὸ πλῆρες καὶ τὸ κενόν·
ὧν τὸ μὲν ὄν, τὸ δὲ μὴ ὂν εἶναι. Γράφων γέ τοι περὶ φύσεως εἰσβολῇ
ἐχρήσατο τοιαύτῃ·
« Οὐδεὶς ἡμῶν οὐδὲν οἶδεν, οὐδ´ αὐτὸ τοῦτο, πότερον οἴδαμεν ἢ οὐκ οἴδαμεν.»
Ἥτις εἰσβολὴ κακὰς ἔδωκεν ἀφορμὰς τῷ μετὰ ταῦτα γενομένῳ Πύρρωνι. Προβὰς
δέ φησιν ὅτι
« πάντα ἐστίν, ὃ ἄν τις νοήσῃ. »
Τὸν δὲ Πρωταγόραν λόγος ἔχει κεκλῆσθαι ἄθεον. Γράφων γέ τοι καὶ αὐτὸς περὶ
θεῶν εἰσβολῇ τοιᾷδε ἐχρήσατο·
« Περὶ μὲν οὖν θεῶν οὐκ οἶδα οὔθ´ ὡς εἰσὶν οὔθ´ ὁποῖοί τινες ἰδέαν· πολλὰ
γάρ ἐστι τὰ κωλύοντά με ἕκαστον τούτων εἰδέναι. »
Τοῦτον Ἀθηναῖοι φυγῇ ζημιώσαντες τὰς βίβλους αὐτοῦ δημοσίᾳ ἐν μέσῃ τῇ
ἀγορᾷ κατέκαυσαν. Ἐπεὶ οὖν οἵδε μόναις δεῖν ἔφασαν ταῖς αἰσθήσεσι
πιστεύειν, τὰς πρὸς αὐτοὺς ἀντιρρήσεις θεασώμεθα·
| [14,19] CHAPITRE XIX.
CONTRE LES PHILOSOPHES DE L'ÉCOLE D*ARISTIPPE OUI SOUTIENNENT QU'IL N'Y A PAS D'AUTRES CONCEPTIONS VRAIES
QUE CELLES QUI TIENNENT AU PLAISIR OU A LA DOULEUR : QUE TOUTES LES AUTRES CHOSES SONT INCOMPRÉHENSIBLES. TIRÉ DU
MÊME AUTEUR.
«Nous voyons venir, à la suite, ceux qui affirment qu'on n'a de
conceptions que par les souffrances ou les affections corporelles ;
ce sont quelques philosophes venus de Cyrène. Ils soutiennent que,
semblables aux malades atteints d'un assoupissement carotique, les hommes
ne savent rien du tout, à moins qu'on ne les frappe ou qu'on ne les pique.
Lorsqu'on les brûle, disaient-ils, ou qu'on les ampute, ils connaissent
qu'ils souffrent, sans pouvoir dire si c'est le feu qui les brûle, ou le
fer qui les ampute. A de pareils raisonnements la première question à
faire serait, s'ils savent bien qu'ils souffrent et qu'ils sentent;
car s'ils ne le savaient pas, ils ne seraient pas même en état de dire
qu'ils n'ont pas d'autre science que la souffrance; s'ils le savent, il est
donc des choses compréhensibles, en dehors des souffrances ; car : je suis
brûlé, est une pensée, et non pas une souffrance. D'ailleurs, dans la
souffrance sont contenus nécessairement trois termes : la souffrance,
l'agent, le patient. Celui qui a la perception de sa souffrance doit avoir
sa sensation; car si on le réchauffait, par exemple, il ne connaîtrait pas
si c'est lui ou son voisin ; si c'est dans ce moment ou l'année dernière;
si c'est à Athènes ou en Égypte; si c'est comme vivant ou comme mort; si
c'est comme homme ou comme pierre. Il doit également avoir la notion de
celui de la part duquel il souffre; car les hommes se connaissent entre
eux : ils connaissent les chemins, les villes, les aliments. Les ouvriers
ont la connaissance de leurs outils : les médecins et les navigateurs
pronostiquent l'avenir : les chiens suivent la trace du gibier ; l'homme,
en proie à une souffrance, a le sentiment de la cause interne ou externe
de cette souffrance. Comment sans cela pourrait-il dire : cela est plaisir
: ceci est peine; ou bien qu'en goûtant, qu'en voyant, qu'en écoutant, il
éprouvera une telle sensation; celle de la langue par le goût, celle de
l'œil par la vue, celle de l'oreille par l'ouïe ? Comment sauraient-ils de
plus, qu'on doit préférer une telle chose, qu'on doit en éviter une autre,
s'ils n'avaient pas cette connaissance? Ils n'auraient aucun appétit,
aucun penchant : ce ne seraient plus des animaux Ils sont plaisants de
venir nous dire qu'ils savent bien que telles choses leur sont advenues;
mais qu'ils ne savent pas comment, ni de quelle manière. Ils ne seraient
donc pas en état de nous dire s'ils sont hommes, ni s'ils vivent, s'ils
disent quelque chose et font une affirmation quelconque. Contre de pareils
philosophes que peut-on dire ? On pourrait s'étonner de ce qu'ils ignorent
où ils sont, sur la terre ou au ciel; mais on aura bien plus lieu de
s'étonner que, ne sachant rien, ils veulent se donner pour philosophes.
Est-ce que quatre sont plus que trois ? Un et deux combien font-ils ? Des
hommes, comme ils les supposent, ne sauraient nous dire combien ils ont de
doigts à chaque main, ni si chacun d'eux est un ou plusieurs. Ils ne
connaîtraient, ni leur nom, ni leur patrie, ni Aristippe. Ils ne sauraient
non plus discerner ceux qu'ils aiment de ceux qu'ils haïssent, ni les
objets qui émeuvent leurs désirs. Ils ne sauraient dire ni s'ils rient, ni
s'ils pleurent, ni ce qui est divertissant, ni ce qui est triste. Il est
certain qu'ils ne comprendront pas ce que nous disons maintenant. De
pareilles créatures ne l'emporteraient en rien sur les papillons et sur
les mouches; car les insectes connaissent encore ce qui convient à leur
nature. Contre de pareils hommes, en un mot, quoiqu'il y ait mille choses
a dire, il vaut mieux s'en tenir là. »
A la suite de cet examen vient naturellement celui des philosophes qui ont
adopté une marche tout à fait contraire, et qui posent en principe qu'on
doit ajouter foi à toutes les perceptions quelconques; dont font partie
Métrodore de Chio, et Protagore d'Abdère. Ce Métrodore, dit on, avait
on pour maître Démocrite. Il reconnaissait comme premier élément le plein
et le vide, dont le premier est l'être, le second le néant. Voici de
quelle manière Métrodore débute dans son, traité de la nature :
«Personne ne sait rien, nous ne savons pas même si nous savons on si nous
ignorons. »
C'est cette introduction qui a donné naissance aux mauvaises doctrines de
Pyrrhon qui l'a suivi.
En continuant, il déclare (que tout ce que nous pensons existe).
«Protagore passa pour athée et en reçut le surnom. Voici en, quels termes
commence son livre des Dieux.
«Au sujet des Dieux, je ne sais ni s'ils existent, ni de quelle manière
ils existent, car il y a de nombreux empêchements à ce que je puisse les
connaître individuellement. »
Les Athéniens l'ayant condamné à l'exil, ils firent brûler ses livres au
milieu de la place publique. Or, puisqu'il disait qu'on ne devait avoir
foi qu'aux sens, voyons de quelle manière notre auteur le réfute.
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