[5,20] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Κ'.
Ὡς πολλοῖς θανάτου γέγονεν αἴτιος ὁ Ἀπόλλων διὰ τῆς χρησμῶν ἀμφιβολίας.
« Ἐπεὶ δέ πως ἐπεμνήσθην τοῦδε τοῦ λόγου, φέρε τὰ καθήκοντα διέλθω τοῦ
κατὰ τοὺς Ἡρακλείδας διηγήματος. Οὗτοι γάρ ποθ´ ὡρμημένοι κατὰ τὸν Ἰσθμὸν
εἰσβαλεῖν εἰς Πελοπόννησον ἐσφάλησαν. Ἀριστόμαχος οὖν ὁ Ἀριδαίου, ἐπειδὴ ὁ
Ἀριδαῖος ἀποτεθνήκει ἐν τῇ εἰσβολῇ, ἔρχεται ἀκουσόμενος παρὰ σοῦ περὶ τῆς
ὁδοῦ· ἐπεθύμει δὲ ὥσπερ καὶ ὁ πατήρ. Σὺ δ´ αὐτῷ λέγεις·
Νίκην σοι φαίνουσι θεοὶ δι´ ὁδοῖο στενύγρων.
Καὶ ὃς κατὰ τὸν Ἰσθμὸν ὥρμησεν ἐπιχειρεῖν καὶ μάχῃ τελευτᾷ. Τούτου υἱὸς ὁ
Τήμενος κακοδαίμων ἧκεν ἐκ κακοδαιμόνων τρίτος· σὺ δ´ αὐτῷ παρηγγύας ἃ καὶ
Ἀριστομάχῳ τῷ πατρί· καὶ ὅς· Ἀλλὰ κἀκεῖνός σοι, ἔφη, πεισθεὶς ἀπέθανεν ἐν
τῇ εἰσβολῇ. Καὶ σὺ ἔφης· Οὐ κατὰ γῆν λέγω στενύγρην, ἀλλὰ κατὰ τὴν
εὐρυγάστορα, ἐπειδὴ χαλεπὸν ἦν εἰπεῖν κατὰ τὴν θάλασσαν, κἀκεῖνος ᾔει κατὰ
τὴν θάλασσαν, δόξαν ἐμποιήσας ὅτι κατὰ γῆν εἰσίοι, καὶ μέσον
στρατοπεδεύεται Ναυάτου καὶ Τυπαίου· καὶ διακοντίζει Κάρνον Ἱππότην
Φυλάνδρου τὸν Αἰτωλόν, εὖ, ἐμοὶ δοκεῖ, ποιῶν· καὶ ἐπειδὴ συνεκύρησε νόσος
πλησία καὶ ἀπέθανεν Ἀριστόδημος, πάλιν ἐπανεχώρουν, καὶ ὁ Τήμενος ἐλθὼν
ἀπεμέμφετο τῇ ἀποτυχίᾳ καὶ ἤκουσεν, ὅτι ποινὴν ἀνεμάξατο τοῦ θείου
ἀγγέλου, κατὰ τὸ ὑπὲρ τῆς εὐχῆς Ἀπόλλωνι Καρνείῳ ποίημα τὸ διὰ τοῦ χρησμοῦ
λέγον· ἄγγελον ἡμέτερον κτείνας ἀνεμάξαο ποινήν.
Τί οὖν, φησὶν ὁ Τήμενος, τί χρὴ ποιεῖν; Καὶ πῶς ἂν ἱλασαίμην ὑμᾶς;
Εὔχεο Καρνείῳ τελέειν σέβας Ἀπόλλωνι. Ὦ μιαρώτατε καὶ ἀναισχυντότατε
μάντι· εἶτ´ οὐκ ἠπίστασο ὅτι διαμαρτήσεται τῆς στενύγρης ὁ τὴν στενύγρην
ἀκούσας; Ἀλλ´ οὐδὲν ἧττον ἐπιστάμενος ἔχρας, ἔπειτα περιεώρας
διαμαρτάνοντα. Ἀλλ´ ἀμφίβολος ἡ στενύγρη, ὅπως νικήσαντι μὲν αἴτιος εἶναι
δοκῇς νίκης, ἡττηθέντι δὲ μηδὲν αἴτιος εἶναι ἥττης, ἔχῃς δὲ ἀποφυγεῖν ἐπὶ
τὴν εὐρυγάστορα. Ἀλλ´ ἧκεν ἅνθρωπος ἐπὶ τὴν εὐρυγάστορα καὶ οὐκ ἔτυχεν.
Εὕρηται πάλιν εἰς ἀποφυγὴν Κάρνος ἄγγελος ἀποθανών. Καίτοι πῶς, ὦ
κράτιστε, ὁ κηδόμενος οὕτω τοῦ Κάρνου ἄλλοις μὲν αὐτὸν θεοφορεῖσθαι
ἐκέλευες, ἑαυτῷ δὲ οὔ; Καὶ δέον σῴζειν ἕνα ὄντα Κάρνον αὐτόν τε περιεῖδες
καὶ ἐναποθανόντι αὐτῷ Ὁμηρικὴν νόσον ἐνέβαλες εἰς τὸ πλῆθος καὶ εὐχὰς ἐπὶ
τῇ νόσῳ ἀφηγοῦ; Εἰ δ´ εὐχόμενος οὐδὲν ἐξήνυσεν, ἄλλο τι ἂν ἐξηύρητο ἄκος
τῷ σῷ σοφίσματι, καὶ οὐδέποτε ἂν ἐλήξατε, οἱ μὲν ἐρωτῶντες, σὺ δὲ
σοφιζόμενος, ἵνα καὶ νικῶσι καὶ ἡττωμένοις ᾖς ἀφώρατος κακουργῶν. Ἱκανὸν
γὰρ τὸ πάθος καὶ ἡ ἐπιθυμία παραβουκολῆσαι, ὡς μηδ´ εἰ χιλιάκις σφαγεῖεν,
ἀπιστεῖν σοι ποιῆσαι.
Τούτοις ἄξιον ἐπισυνάψαι τὰ περὶ Κροῖσον. Λυδίας οὗτος ἐβασίλευσεν, ἄνωθεν
ἐκ παλαιῶν εἰς αὐτὸν ἥκουσαν παραλαβὼν τὴν ἀρχήν. Εἶτά τι πλέον τῶν
προγόνων κατορθώσειν ἐλπίσας τοὺς θεοὺς εὐσεβεῖν διενοήθη καὶ διὰ πείρας
ἐλθὼν ἁπάντων τὸν ἐν Δελφοῖς Ἀπόλλω προκρίνει, κἄπειτα κρατῆρσιν καὶ
πλίνθοις χρυσαῖς ἀναθημάτων τε μυρίων πλήθει κοσμήσας τὸ ἱερὸν τῶν
πανταχοῦ γῆς ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ πλουσιώτατον ἀπέφηνεν, οὐδ´ ὅσα πρὸς θυσίας
ἐξήρκει παραλιπὼν τῇ μεγαλοψυχίᾳ. Ἐπειδὴ οὖν τὰ τοσαῦτα προδεδάνειστο τῷ
θεῷ, ταῖς τῆς εὐσεβείας εἰκότως ὁ Λυδὸς ἐπιθαρσῶν μεγαλουργίαις στρατεῦσαι
ἐπὶ Πέρσας διανοεῖται, αὐξῆσαι τὴν ἀρχὴν εἰς μέγα τῇ τοῦ θεοῦ συμμαχίᾳ
προμηθούμενος. Τί οὖν ὁ θαυμάσιος χρησμῳδός; Αὐτὸς ἐκεῖνος ὁ ἐν Δελφοῖς, ὁ
Πύθιος, ὁ φίλιος τὸν ἱκέτην, τὸν εὐσεβῆ, τὸν πρόσφυγα οὐχ ὅπως τῆς
ἀλλοτρίας τυχεῖν ἀρχῆς, ἀλλὰ καὶ τῆς οἰκείας ἐκπεσεῖν παρασκευάζει, οὔ τι
ἑκών, ἔμοιγε δοκεῖ, ἀγνοίᾳ δὲ μᾶλλον τοῦ ἀποβησομένου· μὴ γὰρ τὸ μέλλον
εἰδὼς ὁ θεός, ἐπεὶ μὴ θεὸς ἦν μηδέ τις ἀνθρώπου κρείττων δύναμις, ἐπὶ
θάτερα σοφιστικῶς τὸν χρησμὸν ἡρμόσατο καὶ μονονουχὶ φήσας·
« Κροῖσος Ἅλυν {ποταμὸν} διαβὰς μεγάλην ἀρχὴν καταλύσει, »
τὴν ἐκ προγόνων διαδοχῆς εἰς τὸν εὐσεβῆ κατελθοῦσαν τῆς Λυδίας ἀρχήν,
μεγάλην οὖσαν καὶ πολυχρόνιον, καταστρέφε ι, τῆς ἄγαν περὶ αὐτὸν σπουδῆς
τοῦτον ἀποδοὺς τῷ θεοφιλεῖ τὸν καρπόν. »
Ἐπὶ τούτοις ὁ συγγραφεὺς οἷα οὐκ ἀλόγως διαγανακτεῖ ἄκουε·
| [5,20] CHAPITRE XX
L'ambiguïté des oracles d'Apollon cause de la mort d'un grand nombre de
ceux qui le consultaient.
« Mais puisque nous en sommes sur ce sujet, n'oublions pas l'histoire des
Héraclides. Ils avaient tenté dans le Péloponnèse, par l'isthme de
Corinthe, une invasion qui échoua. Aridée périt même dans cette
entreprise. Aristomaque, son fils, qui n'avait pas moins d'envie que son
père de se rendre maître de ce pays, vient consulter ton oracle sur la
route qu'il devait prendre ; et voici ta réponse : Les dieux te promettent
la victoire si tu prends la route des défilés. Il crut que cette réponse
désignait l'isthme ; il s'y engagea et succomba dans une bataille. Enfin,
Témène, son fils, fut le troisième de cette race infortunée qui vint te
consulter : ta réponse fut la même que celle que tu avais faite à son
père, el il périt comme lui, victime de sa crédulité. Mais, dis-tu, je
n'entendais pas dans ma réponse une irruption par terre, mais bien par
mer. Alors il était donc bien difficile de dire expressément que c'était
par mer? mais tu savais que si tu eusses prononcé le mot explicitement, il
n'aurait pas manqué de prendre la voie de la mer : mais tu lui fais croire
qu'il doit aller par terre : alors qu'arrive-t-il ? Il campe entre l'armée
de terre et l'armée navale : il perce un cavalier étolien, nommé Carnus,
fils de Filandre ; et je ne vois pas ce qu'il y avait en cela de criminel.
Aussitôt une peste affreuse désole le camp et enlève Aristodème, frère de
Témène. Celui-ci décampe et vient adresser à l'oracle des reproches sur la
malheureuse issue, l'issue funeste de son expédition. La réponse qu'il
reçoit, rejette la cause du fléau sur la mort du messager divin, et
prescrit un culte en l'honneur d'Apollon Carnéen : voici les propres
paroles de l'oracle : "Vous portez la peine de la mort de notre envoyé".
Mais que faut-il donc que je fasse pour apaiser le courroux divin, dit
Témène? Fais vœu, répondit l'oracle, d'honorer d'un culte solennel Apollon
Carnéen. Ô le plus scélérat et le plus infâme des devins! Ne savais-tu pas
que le mot défilé lui ferait prendre le change : tu ne t'en sers pas moins
pour cela, et tu ris de son erreur. C'est que ce mot signifiant à la fois
détroit et défilé, cette amphibologie allait parfaitement à ton dessein :
tu voulais, s'il revenait vainqueur, te faire honneur de la victoire; et,
s'il succombait, rejeter la cause de sa défaite sur la mauvaise
interprétation de ta réponse, en prétendant que tu entendais une
expédition maritime. Eh bien! il la prend, celle voie de la mer, et il ne
réussit pas mieux. Nouveau subterfuge de ta part ; c'est la mort du
messager Carnus. Quoi donc ! Dieu vraiment bon, toi que touchait si fort
le salut de Carnus, toi qui savais si bien l'inspirer pour le salut des
autres, tu n'as su rien lui faire connaître pour le sien propre ! Il n'y
avait qu'un homme dont la vie te fut chère, et c'est celui-là que tu
laisses périr! et pour punir sa mort, tu envoies une peste telle,
qu'Homère n'en a point raconté de semblable ! tu ordonnes des prières pour
faire cesser le fléau ! Et si la prière de l'armée eût été sans effet, tu
avais déjà un sophisme tout prêt pour expliquer le premier, de sorte qu'il
n'y aurait jamais eu de terme d'un côté à leurs consultations, de l'autre
à tes réponses évasives. Il fallait en effet que, vainqueurs ou vaincus,
ils ne pussent jamais le prendre en défaut. Telle était d'ailleurs leur
ardeur et leur envie de se laisser séduire, que, quand il leur aurait
fallu être sacrifiés mille fois, ils n'auraient pas moins ajouté foi à tes oracles. »
Ajoutons à cette histoire celle de Crésus. Crésus était roi de Lydie, dont
une longue suite d'aïeux lui avait transmis la couronne. Dans l'espoir de
donner à ses états une prospérité et un éclat qu'ils n'avaient encore
jamais eus sous le règne de ses prédécesseurs, il se proposa d'honorer les
dieux par une piété extraordinaire. L'épreuve qu'il fit de leur puissance
le détermina à honorer d'un culte spécial Apollon de Delphes. Il enrichit
son temple de coupes et de colonnes d'or et d'une infinité de présents, de
sorte que ce temple devint le plus riche de l'univers : dans sa
munificence, le roi n'oublia pas même tout ce qui était nécessaire pour
les sacrifices. Après une telle libéralité, le prince lydien croyait avoir
quelques droits à la bienveillance du dieu. La conséquence, fort de ce
secours, comme il l'espérait du moins, il prépare une expédition contre la
Perse qu'il voulait ajouter à ses états. Que fait alors le célèbre oracle,
l'oracle de Delphes, ce fameux oracle Pythien, ce dieu Philius ou de
l'amitié? Le rendre maître d'un empire étranger n'eût pas été trop faire
pour récompenser les prières et la piété de son client ; mais loin de là,
il ne sait pas même lui conserver le sien propre. Toutefois je ne crois
pas que l'on doive imputer ce résultat à sa malice, mais plutôt à son
ignorance de l'avenir : car un Dieu qui aurait connu l'avenir n'aurait
point ainsi imaginé un oracle à double sens ; mais c'est qu'il n'était ni
un Dieu ni même une puissance surnaturelle. Il se contenta donc de répondre :
« En passant le fleuve Halys, Crésus détruira un grand empire. »
Sentence qui causa la destruction de ce vaste, de cet antique empire de
Lydie, qu'une longue série d'ancêtres avait transmis au plus pieux des
monarques. Tel fut le fruit que ce prince malheureux retira de la piété
dont il avait fait preuve envers son Dieu. »
Mais voyons encore comment exprime à ce sujet sa juste indignation
l'auteur que nous venons de citer.
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