[6] Scène VI - vers 214-270
(ΜΗΔΕΙΑ)
Κορίνθιαι γυναῖκες͵ ἐξῆλθον δόμων͵
μή μοί τι μέμφησθ΄· οἶδα γὰρ πολλοὺς βροτῶν
σεμνοὺς γεγῶτας͵ τοὺς μὲν ὀμμάτων ἄπο͵
τοὺς δ΄ ἐν θυραίοις· οἱ δ΄ ἀφ΄ ἡσύχου ποδὸς
δύσκλειαν ἐκτήσαντο καὶ ῥᾳθυμίαν.
δίκη γὰρ οὐκ ἔνεστ΄ ἐν ὀφθαλμοῖς βροτῶν͵
220 ὅστις πρὶν ἀνδρὸς σπλάγχνον ἐκμαθεῖν σαφῶς
στυγεῖ δεδορκώς͵ οὐδὲν ἠδικημένος - - -
χρὴ δὲ ξένον μὲν κάρτα προσχωρεῖν πόλει - - -
οὐδ΄ ἀστὸν ᾔνεσ΄ ὅστις αὐθάδης γεγὼς
πικρὸς πολίταις ἐστὶν ἀμαθίας ὕπο.
ἐμοὶ δ΄ ἄελπτον πρᾶγμα προσπεσὸν τόδε
ψυχὴν διέφθαρκ΄· οἴχομαι δὲ καὶ βίου
χάριν μεθεῖσα κατθανεῖν χρῄζω͵ φίλαι.
ἐν ᾧ γὰρ ἦν μοι πάντα γιγνώσκειν καλῶς͵
κάκιστος ἀνδρῶν ἐκβέβηχ΄ οὑμὸς πόσις.
230 πάντων δ΄ ὅσ΄ ἔστ΄ ἔμψυχα καὶ γνώμην ἔχει
γυναῖκές ἐσμεν ἀθλιώτατον φυτόν·
ἃς πρῶτα μὲν δεῖ χρημάτων ὑπερβολῇ
πόσιν πρίασθαι͵ δεσπότην τε σώματος
λαβεῖν· κακοῦ γὰρ τοῦτ΄ ἔτ΄ ἄλγιον κακόν.
κἀν τῷδ΄ ἀγὼν μέγιστος͵ ἢ κακὸν λαβεῖν
ἢ χρηστόν. οὐ γὰρ εὐκλεεῖς ἀπαλλαγαὶ
γυναιξίν͵ οὐδ΄ οἷόν τ΄ ἀνήνασθαι πόσιν.
ἐς καινὰ δ΄ ἤθη καὶ νόμους ἀφιγμένην
δεῖ μάντιν εἶναι͵ μὴ μαθοῦσαν οἴκοθεν͵
240 ὅτῳ μάλιστα χρήσεται ξυνευνέτῃ.
κἂν μὲν τάδ΄ ἡμῖν ἐκπονουμέναισιν εὖ
πόσις ξυνοικῇ μὴ βίᾳ φέρων ζυγόν͵
ζηλωτὸς αἰών· εἰ δὲ μή͵ θανεῖν χρεών.
ἀνὴρ δ΄͵ ὅταν τοῖς ἔνδον ἄχθηται ξυνών͵
ἔξω μολὼν ἔπαυσε καρδίαν ἄσης·
{ἢ πρὸς φίλον τιν΄ ἢ πρὸς ἥλικα τραπείς·}
ἡμῖν δ΄ ἀνάγκη πρὸς μίαν ψυχὴν βλέπειν.
λέγουσι δ΄ ἡμᾶς ὡς ἀκίνδυνον βίον
ζῶμεν κατ΄ οἴκους͵ οἳ δὲ μάρνανται δορί·
250 κακῶς φρονοῦντες· ὡς τρὶς ἂν παρ΄ ἀσπίδα
στῆναι θέλοιμ΄ ἂν μᾶλλον ἢ τεκεῖν ἅπαξ.
ἀλλ΄ οὐ γὰρ αὑτὸς πρὸς σὲ κἄμ΄ ἥκει λόγος·
σοὶ μὲν πόλις θ΄ ἥδ΄ ἐστὶ καὶ πατρὸς δόμοι
βίου τ΄ ὄνησις καὶ φίλων συνουσία͵
ἐγὼ δ΄ ἔρημος ἄπολις οὖσ΄ ὑβρίζομαι
πρὸς ἀνδρός͵ ἐκ γῆς βαρβάρου λελῃσμένη͵
οὐ μητέρ΄͵ οὐκ ἀδελφόν͵ οὐχὶ συγγενῆ
μεθορμίσασθαι τῆσδ΄ ἔχουσα συμφορᾶς.
τοσοῦτον οὖν σου τυγχάνειν βουλήσομαι͵
260 ἤν μοι πόρος τις μηχανή τ΄ ἐξευρεθῇ
πόσιν δίκην τῶνδ΄ ἀντιτείσασθαι κακῶν͵
{τὸν δόντα τ΄ αὐτῷ θυγατέρ΄ ἥ τ΄ ἐγήματο}
σιγᾶν. γυνὴ γὰρ τἄλλα μὲν φόβου πλέα
κακή τ΄ ἐς ἀλκὴν καὶ σίδηρον εἰσορᾶν·
ὅταν δ΄ ἐς εὐνὴν ἠδικημένη κυρῇ͵
οὐκ ἔστιν ἄλλη φρὴν μιαιφονωτέρα.
(ΧΟΡΟΣ) δράσω τάδ΄· ἐνδίκως γὰρ ἐκτείσῃ πόσιν͵
Μήδεια. πενθεῖν δ΄ οὔ σε θαυμάζω τύχας.
ὁρῶ δὲ καὶ Κρέοντα͵ τῆσδ΄ ἄνακτα γῆς͵
270 στείχοντα͵ καινῶν ἄγγελον βουλευμάτων.
| [6] Scène VI – vers 214-270
MÉDÉE (214- 266)
(214-229) Dames de Corinthe, me voici hors de la maison... Non, ne me
blâmez pas. Je connais pas mal de gens qui ont fière allure, les uns sous
mes yeux, d'autres à l'étranger. Cette désinvolture leur vaut la mauvaise
réputation d'être superficiels. Est-il équitable le regard du public? Non, car
sans connaître quelqu'un en profondeur, des gens se mettent à le haïr rien
qu'à le regarder et sans avoir subi de sa part le moindre mal.
Certes, il faut que l'étranger noue des liens avec la ville qui l'accueille et je
n'ai jamais non plus donné raison au citadin que son arrogance rend
odieux à ses concitoyens qu'il préfère ne pas connaître.
Moi, cet événement inattendu qui m'est tombé dessus, m'a complètement
détruite. Je suis perdue. Je n'ai plus aucun plaisir de vivre. Je veux en
finir, mes amies. Celui qui représentait tout pour moi - je ne le sais que
trop! - est devenu le plus abject des hommes... et dire que c'est mon mari.
(230-251) De tous les êtres vivants doués de pensée, nous sommes, nous
les femmes, la plus malheureuse des espèces. Tout d'abord, il faut - en y
mettant le prix! - acheter un époux pour en faire le maître de notre corps.
Or, il y a un mal encore bien plus dur à endurer, puisque c'est cela le
grand enjeu: tomber sur un mauvais bougre ou un homme de bien. Car ce
n'est pas bien glorieux pour des femmes que d'être répudiées et il ne leur
est pas possible de refuser un époux.
Une fois installée chez son époux, la femme découvre des habitudes et
des usages qu'elle ne soupçonnait pas. Il lui faut être devin, puisqu'elle
sort de chez elle sans rien savoir, pour se mettre au mieux avec celui qui
partage son lit.
Et, si nous nous en tirons bien dans cette tâche et que l'époux vit avec
nous en portant le joug sans réchigner, alors notre existence est enviable.
Mais, si ce n'est pas comme ça, il n' y a plus qu'à mourir.
(244-247) L'homme qui ne supporte plus ceux avec qui il vit à la maison,
va voir hors de chez lui et il a vite fait de mettre fin au dégoût qui le tient.
Mais nous - il ne peut en être qu'ainsi! - nous n'avons qu'un seul être vers
qui attacher nos regards.
On dit de nous que nous menons une vie sans risques à l'intérieur de nos
maisons, tandis que les hommes soutiennent des luttes armées. Quel
mauvais raisonnement! (250) Car moi je préférerais combattre trois fois
qu'accoucher une seule!
(S'adressant au coryphée) (252-266)
(252-255) Mais ce qui se passe, c'est que toi et moi, nous ne parlons pas
de la même chose. Toi, tu vis dans ta propre ville, où se trouve la maison
de ton père, où tu as des moyens d'existence et des amis à fréquenter.
(256-266) Mais moi qui suis seule, apatride, arrachée comme un butin à
ma terre barbare, je subis les outrages d'un homme, je n'ai ni mère ni
frère, pas même un parent (258) auprès de qui jeter l'ancre loin de ce
marasme.
Quelle est donc la seule chose que je veux obtenir de toi, si je découvre
un moyen, un stratagème pour faire payer à mon époux la contrepartie de
mes souffrance?
Ton silence!
(264) Car la femme en général est très peureuse et elle perd ses moyens
si on la confronte à la violence et aux armes. Mais si elle est atteinte
injustement dans sa vie conjugale, il n'y a pas d'âme plus meurtrière.
CORYPHÉE (267-270)
C'est ainsi que j'agirai, c'est en toute justice que tu châtieras ton mari,
Médée! Je ne m'étonne pas de te voir pleurer sur tout ce qui t'arrive.
(Créon, tyran de Corinthe arrive solidement escorté)
Mais je vois s'approcher Créon, prince de notre terre, qui vient annoncer
ses nouvelles décisions.
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