[17] Scène XVII – vers 1002-1080
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) δέσποιν΄͵ ἀφεῖνται παῖδες οἵδε σοὶ φυγῆς͵
καὶ δῶρα νύμφη βασιλὶς ἀσμένη χεροῖν
ἐδέξατ΄· εἰρήνη δὲ τἀκεῖθεν τέκνοις.
ἔα. τί συγχυθεῖσ΄ ἕστηκας ἡνίκ΄ εὐτυχεῖς;
{τί σὴν ἔστρεψας ἔμπαλιν παρηίδα
κοὐκ ἀσμένη τόνδ΄ ἐξ ἐμοῦ δέχῃ λόγον;}
(ΜΗΔΕΙΑ) αἰαῖ.
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) τάδ΄ οὐ ξυνῳδὰ τοῖσιν ἐξηγγελμένοις.
(ΜΗΔΕΙΑ) αἰαῖ μάλ΄ αὖθις.
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) μῶν τιν΄ ἀγγέλλων τύχην
1010 οὐκ οἶδα͵ δόξης δ΄ ἐσφάλην εὐαγγέλου;
(ΜΗΔΕΙΑ) ἤγγειλας οἷ΄ ἤγγειλας· οὐ σὲ μέμφομαι.
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) τί δαὶ κατηφεῖς ὄμμα καὶ δακρυρροεῖς;
(ΜΗΔΕΙΑ) πολλή μ΄ ἀνάγκη͵ πρέσβυ· ταῦτα γὰρ θεοὶ
κἀγὼ κακῶς φρονοῦσ΄ ἐμηχανησάμην.
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) θάρσει· κάτει τοι καὶ σὺ πρὸς τέκνων ἔτι.
(ΜΗΔΕΙΑ) ἄλλους κατάξω πρόσθεν ἡ τάλαιν΄ ἐγώ.
(ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ) οὔτοι μόνη σὺ σῶν ἀπεζύγης τέκνων·
κούφως φέρειν χρὴ θνητὸν ὄντα συμφοράς.
(ΜΗΔΕΙΑ) δράσω τάδ΄. ἀλλὰ βαῖνε δωμάτων ἔσω
1020 καὶ παισὶ πόρσυν΄ οἷα χρὴ καθ΄ ἡμέραν.
ὦ τέκνα τέκνα͵ σφῷν μὲν ἔστι δὴ πόλις
καὶ δῶμ΄͵ ἐν ᾧ͵ λιπόντες ἀθλίαν ἐμέ͵
οἰκήσετ΄ αἰεὶ μητρὸς ἐστερημένοι·
ἐγὼ δ΄ ἐς ἄλλην γαῖαν εἶμι δὴ φυγάς͵
πρὶν σφῷν ὀνάσθαι κἀπιδεῖν εὐδαίμονας͵
πρὶν λέκτρα καὶ γυναῖκα καὶ γαμηλίους
εὐνὰς ἀγῆλαι λαμπάδας τ΄ ἀνασχεθεῖν.
ὦ δυστάλαινα τῆς ἐμῆς αὐθαδίας.
ἄλλως ἄρ΄ ὑμᾶς͵ ὦ τέκν΄͵ ἐξεθρεψάμην͵
1030 ἄλλως δ΄ ἐμόχθουν καὶ κατεξάνθην πόνοις͵
στερρὰς ἐνεγκοῦσ΄ ἐν τόκοις ἀλγηδόνας.
ἦ μήν ποθ΄ ἡ δύστηνος εἶχον ἐλπίδας
πολλὰς ἐν ὑμῖν͵ γηροβοσκήσειν τ΄ ἐμὲ
καὶ κατθανοῦσαν χερσὶν εὖ περιστελεῖν͵
ζηλωτὸν ἀνθρώποισι· νῦν δ΄ ὄλωλε δὴ
γλυκεῖα φροντίς. σφῷν γὰρ ἐστερημένη
λυπρὸν διάξω βίοτον ἀλγεινόν τ΄ ἐμοί.
ὑμεῖς δὲ μητέρ΄ οὐκέτ΄ ὄμμασιν φίλοις
ὄψεσθ΄͵ ἐς ἄλλο σχῆμ΄ ἀποστάντες βίου.
1040 φεῦ φεῦ· τί προσδέρκεσθέ μ΄ ὄμμασιν͵ τέκνα;
τί προσγελᾶτε τὸν πανύστατον γέλων;
αἰαῖ· τί δράσω; καρδία γὰρ οἴχεται͵
γυναῖκες͵ ὄμμα φαιδρὸν ὡς εἶδον τέκνων.
οὐκ ἂν δυναίμην· χαιρέτω βουλεύματα
τὰ πρόσθεν· ἄξω παῖδας ἐκ γαίας ἐμούς.
τί δεῖ με πατέρα τῶνδε τοῖς τούτων κακοῖς
λυποῦσαν αὐτὴν δὶς τόσα κτᾶσθαι κακά;
οὐ δῆτ΄ ἔγωγε. χαιρέτω βουλεύματα.
καίτοι τί πάσχω; βούλομαι γέλωτ΄ ὀφλεῖν
1050 ἐχθροὺς μεθεῖσα τοὺς ἐμοὺς ἀζημίους;
τολμητέον τάδ΄. ἀλλὰ τῆς ἐμῆς κάκης͵
τὸ καὶ προσέσθαι μαλθακοὺς λόγους φρενί.
χωρεῖτε͵ παῖδες͵ ἐς δόμους. ὅτῳ δὲ μὴ
θέμις παρεῖναι τοῖς ἐμοῖσι θύμασιν͵
αὐτῷ μελήσει· χεῖρα δ΄ οὐ διαφθερῶ.
ἆ ἆ.
μὴ δῆτα͵ θυμέ͵ μὴ σύ γ΄ ἐργάσῃ τάδε·
ἔασον αὐτούς͵ ὦ τάλαν͵ φεῖσαι τέκνων·
ἐκεῖ μεθ΄ ἡμῶν ζῶντες εὐφρανοῦσί σε.
μὰ τοὺς παρ΄ Ἅιδῃ νερτέρους ἀλάστορας͵
1060 οὔτοι ποτ΄ ἔσται τοῦθ΄ ὅπως ἐχθροῖς ἐγὼ
παῖδας παρήσω τοὺς ἐμοὺς καθυβρίσαι.
{πάντως σφ΄ ἀνάγκη κατθανεῖν· ἐπεὶ δὲ χρή͵
ἡμεῖς κτενοῦμεν οἵπερ ἐξεφύσαμεν.}
πάντως πέπρακται ταῦτα κοὐκ ἐκφεύξεται.
καὶ δὴ ΄πὶ κρατὶ στέφανος͵ ἐν πέπλοισι δὲ
νύμφη τύραννος ὄλλυται͵ σάφ΄ οἶδ΄ ἐγώ.
ἀλλ΄͵ εἶμι γὰρ δὴ τλημονεστάτην ὁδόν͵
καὶ τούσδε πέμψω τλημονεστέραν ἔτι͵
παῖδας προσειπεῖν βούλομαι. —δότ΄͵ ὦ τέκνα͵
1070 δότ΄ ἀσπάσασθαι μητρὶ δεξιὰν χέρα.
ὦ φιλτάτη χείρ͵ φίλτατον δέ μοι στόμα
καὶ σχῆμα καὶ πρόσωπον εὐγενὲς τέκνων͵
εὐδαιμονοῖτον͵ ἀλλ΄ ἐκεῖ· τὰ δ΄ ἐνθάδε
πατὴρ ἀφείλετ΄. ὦ γλυκεῖα προσβολή͵
ὦ μαλθακὸς χρὼς πνεῦμά θ΄ ἥδιστον τέκνων.
χωρεῖτε χωρεῖτ΄· οὐκέτ΄ εἰμὶ προσβλέπειν
οἵα τε πρὸς ὑμᾶς͵ ἀλλὰ νικῶμαι κακοῖς.
καὶ μανθάνω μὲν οἷα δρᾶν μέλλω κακά͵
θυμὸς δὲ κρείσσων τῶν ἐμῶν βουλευμάτων͵
1080 ὅσπερ μεγίστων αἴτιος κακῶν βροτοῖς.
| [17] Scène XVII – vers 1002-1080
PRÉCEPTEUR (1002-1005)
Maîtresse! Ils te sont libérés de l'exil ces enfants! Et les cadeaux! La jeune
princesse toute contente les a acceptés de ses mains! La paix est faite là-
bas avec tes petits!
(Intrigué)
Hein! pourquoi es-tu là toute bouleversée maintenant que tu as la chance
pour toi?
MÉDÉE (1008)
Aîai!
PRÉCEPTEUR (1008)
Ta réaction ne s'accorde pas avec les nouvelles!
MÉDÉE (1009)
Aîai!
Oui, je me lamente encore!
PRÉCEPTEUR (1009-1010)
Est-ce que j'annonce un malheur? Je n'en sais rien! Me suis-je trompé en
croyant à une rumeur porteuse de bonnes nouvelles?
MÉDÉE (1011)
Tu n'as annoncé que ce que tu as annoncé. Je ne t'en fais pas le reproche.
LE PRÉCEPTEUR (1012)
Mais pourquoi alors fais-tu ces yeux tristes et pleures-tu à chaudes
larmes?
MÉDÉE (1013 - 1014)
J'y suis bien forcée, vieillard, car tout cela ce sont les dieux et moi avec
mes pensées perverses qui l'avons machiné.
PRÉCEPTEUR (1015)
Prends courage. Toi aussi, grâce à tes enfants, tu redescendras un jour
dans cette terre...
MÉDÉE (1016) (En aparté)
C'est d'autres qu'auparavant j'y ferai descendre, malheureuse que je suis.
PRÉCEPTEUR (1017-1018) ( Enchaînant sententieusement sans avoir
entendu Médée)
... Tu n'es certes pas la seule à être séparée de tes petits. C'est avec
détachement qu'il faut endurer, quand on est mortel, les aléas.
MÉDÉE (1019-1080)
C'est ce que je vais faire! Mais entre dans la maison et pourvois à tout ce
dont mes enfants auront besoin aujourd'hui.
(Le précepteur obéit. Médée (1021-1080) s'adresse tantôt à ses enfants,
tantôt au choeur. Les deux enfants sont de plus en plus intrigués par son
attitude)
(1021-1039) Ô mes petits, mes petits, pour vous deux il y a donc bien
une cité, une demeure, où après m'avoir quittée, moi l'infortunée que je
suis, pour toujours vous habiterez orphelins de votre mère. Moi, vers une
autre terre je partirai, oui vers l'exil, avant même d'avoir connu de vous
des joies et d'entrevoir votre bonheur, avant même de pourvoir à votre
mariage, et d'avoir paré votre couche nuptiale et brandi les torches de
votre hymen.
Ô malheureuse que je suis de ma propre arrogance!
C'est bien en vain, que vous, mes petits, je vous ai élevés, en vain que je
me donnais tout ce mal et que j'ai été déchirée de souffrances en
endurant les fortes douleurs de vos accouchements. Combien en avais-je,
pauvre de moi, des espoirs de vous voir m'entourer dans ma vieillesse et,
à ma mort, d'être ensevelie de vos mains! C'est ce que souhaitent à tout
prix les humains.
Mais la voilà maintenant bien morte cette douce pensée. Orpheline de
vous deux, je passerai une vie qui ne sera pour moi que chagrin et
souffrance. Vous, votre mère, plus jamais de vos yeux aimants vous ne la
verrez, vous qui la quittez pour vivre d'une autre manière.
Pheû, pheû
(1040) Pourquoi me fixez-vous de vos yeux, mes petits? Pourquoi souriez-
vous, pourquoi ce tout dernier rire?
Aîai!
(S'adressant au choeur)
Mais qu'est-ce que je vais faire?... Le coeur me manque, femmes, quand
je croise le regard brillant de mes enfants... Non!! Je ne pourrais pas... Je
laisse tout tomber. Pourquoi faut-il qu'en chagrinant leur père par leur
malheur, moi j'y gagne deux fois de tels malheurs. Non!! Pas pour moi! Je
laisse tout tomber...
(Se ressaisissant)
Mais qu'est-ce qui me prend? Est-ce que je veux prêter à rire en laissant
mes ennemis impunis? Il faut oser cela. Mais enfin, quelle lâcheté est la
mienne! Laisser envahir mon esprit par des propos de mollesse!
Entrez dans la maison, les enfants!
(Les enfants restent figés sur place, sans que Médée ne s'en aperçoive.
Elle s'adresse au choeur, arrogante)
Pour qui il ne sied pas d'assister à mes sacrifices, il le devra bien. Ma
main, je ne la mettrai pas à mal!
(Soliloque)
Â! Â!
Non, pas cela, mon coeur! Toi, ne fais pas cela! Laisse-les, malheureuse,
épargne tes petits. Même en ne vivant pas avec moi, ils feront ta joie!
(Se ressaisissant et s'adressant à nouveau au choeur)
Par les génies vengeurs de l'Hadès sous la terre, jamais cela ne se
passera comme ça! Moi laisser mes ennemis accabler mes enfants
d'outrage!...
(Soliloque)
Pas moyen de revenir en arrière! Ce ne sera pas possible d'y échapper.
(1065-1066) Maintenant, le diadème sur la tête, la jeune princesse dans
les voiles se consume. Je ne le sais que trop bien!
Mais je vais prendre la plus malheureuse des voies et eux les envoyer sur
une plus malheureuse encore...
Je veux parler à mes enfants....
(Elle s'aperçoit qu'ils sont toujours là et se précipite vers eux)
Donnez mes petits, donnez votre main droite à votre mère, elle veut
l'embrasser.
(1071) Comme j'aime ta main, ta bouche comme je l'aime. Quel nobles
visages, quelle noble allure vous avez mes petits! Soyez heureux, tous les
deux... mais là-bas. Car le bonheur d'ici, votre père vous l'a pris! Quels
doux baisers! Quelle peau douce, quel souffle exquis ils ont mes petits!
Allez, allez !
(Médée détourne la tête tandis que les enfants entrent dans la maison)
Je n'ai plus la force de regarder mes enfants, mais je suis vaincue par les
malheurs. Et je me rends compte du mal que je vais oser, mais
l'emportement est plus fort que mes résolutions et c'est lui qui cause aux
gens les plus grands malheurs.
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