[130] Ἀναμνήσθητε οὖν, ὦ ἄνδρες, τίνι κέχρησθε φήμῃ περὶ Τιμάρχου. οὐχ ἅμα τοὔνομα λέγεται καὶ τὸ
ἐρώτημα ἐρωτᾶτε· "ποῖος Τίμαρχος; ὁ πόρνος;" ἔπειτα εἰ μὲν μάρτυρας παρειχόμην περί τινος,
ἐπιστεύετ᾽ ἄν μοι· εἰ δὲ τὴν θεὸν μάρτυρα παρέχομαι, οὐ πιστεύσετε; ᾗ οὐδὲ ψευδομαρτυρίων θέμις
ἐστὶν ἐπισκήψασθαι.
(131) ἐπεὶ καὶ περὶ τῆς Δημοσθένους ἐπωνυμίας, οὐ κακῶς ὑπὸ τῆς φήμης,
ἀλλ᾽ οὐχ ὑπὸ τῆς τίτθης, Βάταλος προσαγορεύεται, ἐξ ἀνανδρίας καὶ κιναιδίας ἐνεγκάμενος τοὔνομα.
εἰ γάρ τίς σου τὰ κομψὰ ταῦτα χλανίσκια περιελόμενος καὶ τοὺς μαλακοὺς χιτωνίσκους, ἐν οἷς τοὺς
κατὰ τῶν φίλων λόγους γράφεις, περιενέγκας δοίη εἰς τὰς χεῖρας τῶν δικαστῶν, οἶμαι ἂν αὐτούς, εἴ
τις μὴ προειπὼν τοῦτο ποιήσειεν, ἀπορῆσαι εἴτε ἀνδρὸς εἴτε γυναικὸς εἰλήφασιν ἐσθῆτα.
(132) ἀναβήσεται δ᾽ ἐν τῇ ἀπολογίᾳ καὶ τῶν στρατηγῶν τις, ὡς ἀκούω, ὑπτιάζων καὶ κατασκοπούμενος
ἑαυτόν, ὡς ἐν παλαίστραις καὶ διατριβαῖς γεγονώς· ὃς ἐπιχειρήσει διασύρειν τὴν ὅλην ἔνστασιν τοῦ
ἀγῶνος, οὐ κρίσιν ἐξευρηκέναι με φάσκων, ἀλλὰ δεινῆς ἀπαιδευσίας ἀρχήν, παραφέρων πρῶτον
μὲν τοὺς εὐεργέτας τοὺς ὑμετέρους, Ἁρμόδιον καὶ Ἀριστογείτονα, καὶ τὴν πρὸς ἀλλήλους πίστιν καὶ
τὸ πρᾶγμα ὡς συνήνεγκε τῇ πόλει διεξιών·
(133) οὐκ ἀφέξεται δέ, ὥς φασιν, οὐδὲ τῶν Ὁμήρου ποιημάτων οὐδὲ τῶν ὀνομάτων τῶν ἡρωικῶν, ἀλλὰ καὶ τὴν
λεγομένην γενέσθαι φιλίαν δι᾽ ἔρωτα Πατρόκλου καὶ Ἀχιλλέως ὑμνήσει, καὶ τὸ κάλλος, ὥσπερ οὐ πάλαι
μακαριζόμενον, ἂν τύχῃ σωφροσύνης, νῦν ἐγκωμιάσεται. εἰ γὰρ τὴν τοῦ σώματος εὐπρέπειαν ταύτην τινὲς
διαβάλλοντες συμφορὰν τοῖς ἔχουσι καταστήσουσιν, οὐ ταὐτὰ κοινῇ ψηφιεῖσθαί φησιν ὑμᾶς καὶ ἰδίᾳ εὔχεσθαι·
(134) ἄτοπον γὰρ εἶναι δοκεῖν αὐτῷ, εἰ τοὺς μὲν υἱεῖς τοὺς μηδέπω γεγονότας ἅπαντες εὔχεσθε οἱ
μέλλοντες παιδοποιεῖσθαι καλοὺς κἀγαθοὺς τὰς ἰδέας φῦναι καὶ τῆς πόλεως ἀξίους, τοὺς δ᾽ ἤδη
γεγονότας, ἐφ᾽ οἷς προσήκει σεμνύνεσθαι τὴν πόλιν, ἐὰν κάλλει καὶ ὥρᾳ διενεγκόντες ἐκπλήξωσί
τινας καὶ περιμάχητοι ἐξ ἔρωτος γένωνται, τούτους ὡς ἔοικεν Αἰσχίνῃ πεισθέντες ἀτιμώσετε.
(135) κἀνταῦθα δή τινα καταδρομήν, ὡς ἀκούω, μέλλει ποιεῖσθαι περὶ ἐμοῦ, ἐπερωτῶν εἰ οὐκ αἰσχύνομαι
αὐτὸς μὲν ἐν τοῖς γυμνασίοις ὀχληρὸς ὢν καὶ πλείστων ἐραστὴς γεγονώς, τὸ δὲ πρᾶγμα εἰς ὄνειδος
καὶ κινδύνους καθιστάς. καὶ τὸ τελευταῖον, ὡς ἀπαγγέλλουσί τινές μοι, εἰς γέλωτα καὶ λῆρόν τινα
προτρεπόμενος ὑμᾶς, ἐπιδείξεσθαί μου φησὶν ὅσα πεποίηκα ἐρωτικὰ εἴς τινας ποιήματα, καὶ
λοιδοριῶν τινων καὶ πληγῶν ἐκ τοῦ πράγματος, αἳ περὶ ἐμὲ γεγένηνται, μαρτυρίας φησὶ παρέξεσθαι.
(136) ἐγὼ δὲ οὔτε ἔρωτα δίκαιον ψέγω, οὔτε τοὺς κάλλει διαφέροντάς φημι
πεπορνεῦσθαι, οὔτ᾽ αὐτὸς ἐξαρνοῦμαι μὴ οὐ γεγονέναι τ᾽ ἐρωτικός, καὶ ἔτι καὶ νῦν εἶναι, τάς τε ἐκ
τοῦ πράγματος γιγνομένας πρὸς ἑτέρους φιλονικίας καὶ μάχας οὐκ ἀρνοῦμαι μὴ οὐχὶ συμβεβηκέναι
μοι. περὶ δὲ τῶν ποιημάτων ὧν φασιν οὗτοί με πεποιηκέναι, τὰ μὲν ὁμολογῶ, τὰ δὲ ἐξαρνοῦμαι μὴ
τοῦτον ἔχειν τὸν τρόπον ὃν οὗτοι διαφθείροντες παρέξονται.
(137) ὁρίζομαι δ᾽ εἶναι τὸ μὲν ἐρᾶν τῶν καλῶν καὶ σωφρόνων φιλανθρώπου πάθος καὶ εὐγνώμονος ψυχῆς, τὸ δὲ
ἀσελγαίνειν ἀργυρίου τινὰ μισθούμενον ὑβριστοῦ καὶ ἀπαιδεύτου ἀνδρὸς ἔργον· καὶ τὸ μὲν ἀδιαφθόρως
ἐρᾶσθαί φημι καλὸν εἶναι, τὸ δ᾽ ἐπαρθέντα μισθῷ πεπορνεῦσθαι αἰσχρόν. ὅσον δ᾽ ἑκάτερον τούτων ἀπ᾽
ἀλλήλων διέστηκε καὶ ὡς πολὺ διαφέρει, ἐν τοῖς ἐφεξῆς ὑμᾶς πειράσομαι λόγοις διδάσκειν.
(138) οἱ γὰρ πατέρες ἡμῶν, ὅθ᾽ ὑπὲρ τῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ τῶν ἐκ φύσεως ἀναγκαίων ἐνομοθέτουν, ἃ τοῖς
ἐλευθέροις ἡγοῦντο εἶναι πρακτέα, ταῦτα τοῖς δούλοις ἀπεῖπον μὴ ποιεῖν. "δοῦλον," φησὶν ὁ νόμος,
"μὴ γυμνάζεσθαι μηδὲ ξηραλοιφεῖν ἐν ταῖς παλαίστραις." καὶ οὐκέτι προσέγραψε· "τὸν δ᾽ ἐλεύθερον
ἀλείφεσθαι καὶ γυμνάζεσθαι." ὁπότε γὰρ οἱ νομοθέται τὸ καλὸν τὸ ἐκ τῶν γυμνασίων κατιδόντες
ἀπεῖπον τοῖς δούλοις μὴ μετέχειν, τῷ αὐτῷ ἡγοῦντο, ᾧ ἐκείνους ἐκώλυον, τοὺς ἐλευθέρους προτρέπειν.
(139) πάλιν ὁ αὐτὸς εἶπε νομοθέτης· "δοῦλον ἐλευθέρου παιδὸς μήτ᾽ ἐρᾶν μήτ᾽
ἐπακολουθεῖν, ἢ τύπτεσθαι τῇ δημοσίᾳ μάστιγι πεντήκοντα πληγάς." ἀλλ᾽ οὐ τὸν ἐλεύθερον
ἐκώλυσεν ἐρᾶν καὶ ὁμιλεῖν καὶ ἀκολουθεῖν, οὐδὲ βλάβην τῷ παιδί, ἀλλὰ μαρτυρίαν σωφροσύνης
ἡγήσατο συμβαίνειν. ἀκύρου δ᾽ οἶμαι καὶ ἀδυνάτου ἔτι ὄντος κρῖναι τὸν ὄντως εὔνουν καὶ μή, τὸν
ἐρῶντα σωφρονίζει, καὶ τοὺς τῆς φιλίας λόγους εἰς τὴν φρονοῦσαν καὶ πρεσβυτέραν ἡλικίαν
ἀναβάλλεται· τὸ δ᾽ ἐπακολουθεῖν καὶ ἐφορᾶν φρουρὰν καὶ φυλακὴν σωφροσύνης ἡγήσατο εἶναι μεγίστην.
| [130] Rappelez-vous donc, Athéniens, quelle idée la renommée
vous a donnée de Timarque. Dès qu'on prononce son nom, ne
demandez-vous pas aussitôt : Quel est ce Timarque ? N'est-ce pas
cet infâme débauché ? Et, après cela, vous ajouterez foi
à mes paroles si je produis des témoins sur un fait, et
vous ne me croirez pas, quand je produis, pour témoin,
une déesse contre laquelle on ne saurait s'inscrire en faux !
<131> Quant au surnom de Démosthène, c'est la
renommée, et non, sa nourrice, qui l'a fait appeler
Batalus ; sa lâcheté et sa molesse lui ont valu ce nom.
En effet, Démosthène, si on apportait, au tribunal vos
habillements somptueux et délicats, ces belles manches
flottantes, dans lesquelles vous écrivez contre vos amis;
si on les faisait passer aux juges, je pense que, n'étant
pas prévenus, ils seraient embarrassés de décider si c'est
le vêtement d'un homme ou la parure d'une femme.
<132> Il paraîtra encore, à ce que j'apprends, pour
défendre Timarque, un de vos généraux, qui porte la
tête en arrière, qui se contemple et s'admire lui-même,
homme formé à tous les exercices du corps, et qui
fréquente la bonne compagnie. Dans le dessein
d'attaquer le projet même de cette accusation, il dira
que c'est moins une matière à jugement que j'apporte au
tribunal, qu'un moyen de ruiner la politesse de nos
moeurs. Peu content de citer l'exemple
d'Harmodius et d'Aristogiton, qui nous ont rendu les
plus grands services, de rappeler leur attachement
mutuel et inviolable, et les grands avantages qu'en a
tirés cette ville, <133> il ira même, à ce qu'on dit,
chercher des autorités dans les poèmes d'Homère, et
fera sonner les noms des héros les plus célèbres. Il
vantera l'amitié étroite d'Achille et de Patrocle, et
louera, aujourd'hui, la beauté, comme si elle n'était pas
regardée, il y a longtemps, comme un avantage
désirable, lorsqu'elle est jointe à la sagesse. S'il est des
gens, dira-t-il, dont la malignité cherche à tourner les
grâces du corps au malheur de ceux qui les possèdent,
vous Athéniens, vous ne décrierez pas en public, par
vos sentences, des qualités que vous désirez en
particulier. <134> Il trouverait absurde que vous, qui y
au moment d'avoir des enfants, faites des vœux, avant
leur naissance, pour qu'ils soient d'une belle figure et
dignes d'Athènes, on vous vît, lorsqu'ils sont nés et que
la ville peut se glorifier d'avoir produit des hommes
dont la beauté frappe tous les regards et attire une foule
de rivaux, on vous vit les diffamer, sans doute, d'après
les invectives d'Eschine. <135> Ici même, à ce que
j'apprends, il doit faire une incursion contre moi, et me
demander si je ne rougis pas de faire un crime à d'autres
de certaines liaisons, de leur susciter des procès, et de
chercher à les couvrir d'opprobre, lorsque, moi-même,
je vis habituellement dans les gymnases, avec les jeunes
gens, et que je me suis permis d'aimer plusieurs d'entre
eux. Enfin, à ce qu'on me rapporte, pour vous faire
prendre la chose en plaisanterie et comme une
bagatelle, il vous montrera, dit-il, les pièces de vers que
j'ai composées pour les objets de ma passion, et
produira les témoins des injures et des coups que j'ai
reçus à ce sujet.
<136> Pour moi, je suis loin de blâmer un amour
honnête, et d'attaquer les moeurs de quiconque est
doué d'une belle figure. Je ne nie pas avoir aimé
autrefois, et aimer encore des jeunes gens, et je
conviens que ce mode particulier m'a occasionné des
querelles avec des rivaux par rapport aux vers qu'on
m'attribue, je reconnais une partie de ceux qu'on me
donne ; mais je désavoue les autres comme étant
supposés. <137> Aimer des jeunes gens distingués par
leur beauté et par leur sagesse, c'est, selon moi, la
marque d'une âme honnête et sensible : acheter et payer
quelqu'un par libertinage, c'est, à mon avis, le fait d'un
coeur vil et corrompu. Il est beau d'être aimé, sans se
prêter au crime ; se prostituer pour la déhanche, est une
chose infâme. Combien ces deux amours sont
distingués l'un de l'autre, et combien ils diffèrent entre
eux. Je vais essayer de vous le prouver.
<138> Lorsque vos pères ont porté des lois sur les
différents exercices, sur les goûts naturels bons ou
vicieux, ils ont interdit aux esclaves ce qu'ils ont cru
convenir à des hommes libres. Un esclave, dit la loi, ne
s'exercera pas dans les gymnases; elle n'a point ajouté
qu'un homme libre s'y exercera. Car, en interdisant aux
esclaves les exercices gymnastiques, qu'il regardait
comme honnêtes le législateur a pensé que la même loi
qui en excluait ceux-ci, y exhortait les autres. <139> Le
même législateur défend encore à un esclave d'aimer et
de suivre un enfant libre, sous peine de recevoir
publiquement cinquante coups de fouet. Mais il n'a pas
défendu à un homme libre d'aimer un enfant libre, de le
suivre, et de converser avec lui, persuadé que cet
attachement, loin de faire tort à l'enfant, était un
témoignage de sa sagesse. Comme il est encore dans un
âge tendre, peu capable de distinguer un ami véritable
d'un faux, le législateur donne ses avis à celui qui aime,
et réserve, pour celui qui est aimé, ses leçons sur
l'amitié, à un âge plus raisonnable. L'attention de le
suivre et de le veiller, il l'a jugée la plus sûre gardienne
de sa pudeur et de sa modestie.
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