[62,26] ὁ δὲ δὴ Θρασέας καὶ ὁ Σωρανός,
καὶ γένους καὶ πλούτου τῆς τε συμπάσης ἀρετῆς ἐς τὰ πρῶτα
ἀνήκοντες, ἐπιβουλῆς μὲν αἰτίαν οὐκ ἔσχον, ἀπέθανον δὲ καὶ αὐτοὶ
τότε, ὅτι τοιοῦτοι ἦσαν. καὶ τοῦ γε Σωρανοῦ Πούπλιος Ἐγνάτιος
Κέλερ φιλόσοφος κατεψευδομαρτύρησε. δύο γὰρ ἀνδρῶν συνόντων
αὐτῷ, Κασσίου τε Ἀσκληπιοδότου Νικαέως καὶ ἐκείνου Βηρυτίου,
ὁ μὲν Ἀσκληπιόδοτος οὐχ ὅπως κατεῖπέ τι αὐτοῦ, ἀλλὰ καὶ τοὐναντίον
καλοκἀγαθίαν οἱ προσεμαρτύρησε, καὶ διὰ τοῦτο τότε μὲν
ἔφυγεν, ὕστερον δὲ ἐπὶ Γάλβου κατήχθη· ὁ δὲ δὴ Πούπλιος ἐπὶ
μὲν τῇ συκοφαντίᾳ καὶ χρήματα καὶ τιμὰς ἔλαβε καθάπερ οἱ ἄλλοι
οἱ τοιοῦτόν τι ποιήσαντες, μετὰ δὲ τοῦτο ἐξωρίσθη. Σωρανὸς μὲν
οὖν ὡς καὶ μαγεύματί τινι διὰ τῆς θυγατρὸς κεχρημένος, ἐπειδὴ
νοσήσαντος αὐτοῦ θυσίαν τινὰ ἐθύσαντο, ἐσφάγη, Θρασέας δὲ ὅτι
οὔτε ἐς τὸ βουλευτήριον συνεχῶς ὡς οὐκ ἀρεσκόμενος τοῖς ψηφιζομένοις
ἀπήντα, οὔτ´ ἤκουσέ ποτε αὐτοῦ κιθαρῳδοῦντος, οὔτε
ἔθυσε τῇ ἱερᾷ αὐτοῦ φωνῇ ὥσπερ οἱ ἄλλοι, οὔτε ἐπεδείξατο οὐδέν,
καίτοι ἐν Παταουίῳ τῇ πατρίδι τραγῳδίαν κατά τι πάτριον ἐν
ἑορτῇ τινι τριακονταετηρίδι ὑποκρινάμενος. ἐντεμὼν οὖν τὴν φλέβα
ἀνέτεινε τὴν χεῖρα, καὶ ἔφη "σοὶ τοῦτο τὸ αἷμα, ὦ Ζεῦ Ἐλευθέριε, σπένδω."
| [62,26] 26. Quant à Thraséas et à Soranus qui, par leur naissance, leur
richesse et par toute espèce de vertus, tenaient le premier rang, ils ne
furent pas accusés de conspiration, mais ils périrent alors à cause de ces
mérites mêmes. Le philosophe P. Egnatius Celer déposa faussement
contre Soranus. De deux hommes qui étaient tous les jours avec Soranus,
Cassius Asclépiodotus, de Nicée, et Egnatius, de Béryte, Asclépiodotus,
loin de le charger en quoi que ce fût, témoigna, au contraire, en faveur de
sa vertu, circonstance qui lui valut sur le moment un exil d'où il fut rappelé
sous le règne de Galba ; Egnatius, pour prix de ses calomnies, reçut de
l'argent et des honneurs comme les autres qui avaient tenu une conduite
pareille; mais, dans la suite, il fut banni. Soranus donc fut mis à mort
comme ayant eu recours, par l'entremise de sa fille, à certaines pratiques
de magie, attendu qu'ils avaient offert un sacrifice pendant une maladie
du prince : quant à Thraséas, ce fut parce qu'il ne venait pas assidûment
au sénat, n'approuvant pas les décrets qui s'y rendaient ; parce qu'il
n'avait jamais écouté Néron chanter sur la lyre; parce qu'il n'avait jamais
sacrifié, comme les autres, à sa divine voix ; parce qu'il n'avait donné
aucun spectacle, bien qu'à Padoue, sa patrie, il eût, suivant une coutume
nationale, fait représenter une tragédie dans une fête qui se célébrait tous
les trente ans. Après s'être fait ouvrir les veines, il éleva la main et dit :
"C'est à toi, Jupiter Libérateur, que j'offre ce sang en libation. »
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