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[58,5] ὁ δὲ Σεϊανὸς τοσοῦτος ἦν τῇ τε ὑπεροχῇ τοῦ φρονήματος καὶ τῷ
μεγέθει τῆς ἐξουσίας ὥστε συνελόντι εἰπεῖν αὐτὸν μὲν αὐτοκράτορα τὸν
δὲ Τιβέριον νησίαρχόν τινα εἶναι δοκεῖν διὰ τὸ ἐν τῇ νήσῳ τῇ λεγομένῃ
Καπρίᾳ τὰς διατριβὰς ποιεῖσθαι. σπουδαί τε καὶ ὠθισμοὶ περὶ τὰς θύρας
αὐτοῦ ἐγίγνοντο ἐκ τοῦ δεδιέναι μὴ μόνον μὴ οὐκ ὀφθῇ τις αὐτῷ,
ἀλλὰ μὴ καὶ ἐν τοῖς ὑστάτοις φανῇ· πάντα γὰρ ἀκριβῶς, καὶ μάλιστα
τὰ τῶν πρώτων, ἐτηρεῖτο καὶ τὰ ῥήματα καὶ τὰ νεύματα. οἱ μὲν γὰρ
οἰκείᾳ ἀξιώσει προύχοντες οὔτε τὰ δεξιώματα παρά τινων πάνυ ἀπαιτοῦσι,
κἂν ἄρα καὶ ἐκλειφθῇ τι αὐτῶν, οὐκ ἐγκαλοῦσί σφισιν, ἅτε καὶ
ἑαυτοῖς συνειδότες ὅτι μὴ καταφρονοῦνται· οἱ δὲ ἐπακτῷ καλλωπίσματι
χρώμενοι πάντα ἰσχυρῶς τὰ τοιαῦτα, ὡς καὶ ἐς τὴν τοῦ ἀξιώματός
σφων πλήρωσιν ἀναγκαῖα, ἐπιζητοῦσι, κἂν μὴ τύχωσιν αὐτῶν, ἄχθονταί
τε ὡς διαβαλλόμενοι καὶ ὀργίζονται ὡς ὑβριζόμενοι. καὶ διὰ τοῦτο
μᾶλλον περὶ τοὺς τοιούτους ἢ περὶ αὐτοὺς ὡς εἰπεῖν τοὺς αὐτοκράτορας
σπουδάζουσιν, ὅτι τοῖς μέν, κἂν πλημμεληθῇ τι, ἀρετὴν τὸ συγγνῶναί
τῳ φέρει, τοῖς δὲ τοῦτο μὲν τὴν ἀσθένειάν σφων ἐλέγχειν δοκεῖ, τὸ δὲ
ἐπεξελθεῖν καὶ τιμωρήσασθαι βεβαίωσιν τοῦ μέγα δύνασθαι ἔχειν νομίζεται.
ἐν δέ τινι νουμηνίᾳ πάντων συνιόντων ἐς τὴν οἰκίαν τοῦ Σεϊανοῦ
ἥ τε κλίνη ἡ ἐν τῷ δωματίῳ, ἐν ᾧ ἠσπάζετο, κειμένη πᾶσα ὑπὸ
τοῦ ὄχλου τῶν ἱζησάντων συνετρίβη, καὶ προϊόντος αὐτοῦ ἐκ τῆς οἰκίας
γαλῆ διὰ μέσων σφων διῇξεν. ἐπειδή τε καὶ ἐν τῷ Καπιτωλίῳ θύσας
ἐς τὴν ἀγορὰν κατῄει, οἱ οἰκέται αὐτοῦ οἱ δορυφόροι διά τε τῆς ὁδοῦ
τῆς ἐς τὸ δεσμωτήριον ἀγούσης ἐξετράποντο, μὴ δυνηθέντες αὐτῷ ὑπὸ
τοῦ ὄχλου ἐπακολουθῆσαι, καὶ κατὰ τῶν ἀναβασμῶν καθ´ ὧν οἱ δικαιούμενοι
ἐρριπτοῦντο κατιόντες ὤλισθον καὶ κατέπεσον. οἰωνιζομένου τε
μετὰ τοῦτο αὐτοῦ τῶν μὲν αἰσίων ὀρνίθων ἐπεφάνη οὐδείς, κόρακες δὲ
δὴ πολλοὶ περιιπτάμενοι καὶ περικρώξαντες αὐτὸν ἀπέπταντο ἀθρόοι
πρὸς τὸ οἴκημα καὶ ὑπὲρ αὐτοῦ ἐκαθέζοντο.
| [58,5] Séjan, par l'excès de son insolence et par la grandeur
de son pouvoir, en était venu à un tel point, qu'il
semblait qu'il fût l'empereur et que Tibère ne fût que
le gouverneur de l'île de Caprée, où il faisait sa résidence.
C'était auprès de Séjan qu'on s'empressait, c'était
à sa porte qu'on se poussait, dans la crainte non seulement
de ne pas être vu de lui, mais encore d'être aperçu
dans les derniers; car il observait tout avec soin, les
moindres paroles et les moindres signes, surtout chez
les principaux citoyens. Les hommes supérieurs par
leur mérite personnel n'exigent pas d'une manière absolue
ces marques de respect, et ne s'offensent pas qu'on
manque quelquefois de les leur rendre; ils savent bien
que ce n'est pas par mépris ; au contraire, ceux qui ne
possèdent qu'un éclat d'emprunt exigent impérieusement
ces marques de soumission comme nécessaires pour
compléter leur valeur, et, si par hasard ils ne les obtiennent
pas, ils en sont affligés comme d'un déni de justice
et irrités comme d'une injure. Aussi montre-t-on, à
l'égard de tels personnages, plus de zèle qu'à l'égard,
pour ainsi dire, des empereurs eux-mêmes: car, pour
les uns, pardonner une offense est une marque de
vertu; pour les autres, ce pardon semble accuser leur
faiblesse, au lieu que punir et se venger, c'est, à leurs
yeux, affermir la grandeur de leur puissance. A certaines
calendes où tout le monde se rassemblait dans la
maison de Séjan, le lit placé dans la pièce où il recevait
les salutations fut brisé complètement par la multitude
de ceux qui s'y assirent, et, quand il sortit de chez lui,
un chat s'élança à travers la foule. Comme, après avoir
sacrifié aux dieux dans le Capitole, il descendait au Forum,
les esclaves de son escorte firent un détour par la
route qui mène à la prison publique, n'ayant pu le
suivre à cause de la foule, et, descendant par les degrés
d'où l'on précipite les suppliciés, ils glissèrent et
tombèrent. Lorsqu'ensuite il consulta les auspices,
aucun oiseau d'un présage favorable ne se montra ;
mais des corbeaux, volant et croassant autour de lui,
prirent en troupe leur essor vers la prison et allèrent s'y percher.
| [58,6] τούτων οὖν τῶν τεράτων οὔθ´ ὁ Σεϊανὸς οὔτ´ ἄλλος τις ἐνθύμιον
ἐποιήσατο· πρὸς γὰρ τὴν τῶν παρόντων ὄψιν οὐδ´ ἂν εἰ σαφῶς θεός
τις προέλεγεν ὅτι τοσαύτη δι´ ὀλίγου μεταβολὴ γενήσοιτο, ἐπίστευσεν
ἄν τις. τήν τε οὖν τύχην αὐτοῦ κατακορῶς ὤμνυσαν, καὶ συνάρχοντα
τοῦ Τιβερίου, οὐκ ἐς τὴν ὑπατείαν ἀλλ´ ἐς τὸ κράτος ὑποσημαίνοντες,
ἐπεκάλουν. Τιβέριος δὲ ἠγνόει μὲν οὐδὲν ἔτι τῶν κατ´ αὐτόν, βουλευόμενος
δὲ ὅντινα τρόπον αὐτὸν ἀποκτείνῃ, καὶ οὐχ εὑρίσκων ὅπως ἀσφαλῶς
ἐκ τοῦ φανεροῦ τοῦτο ποιήσει, θαυμαστὸν δή τινα τρόπον καὶ αὐτῷ
ἐκείνῳ καὶ τοῖς ἄλλοις, ὥστε τὴν γνώμην αὐτῶν ἀκριβῶς μαθεῖν, ἐχρήσατο.
περί τε γὰρ ἑαυτοῦ πολλὰ καὶ ποικίλα καὶ τῷ Σεϊανῷ καὶ τῇ
βουλῇ συνεχῶς ἐπέστελλε, νῦν μὲν λέγων {ὅτι} φλαύρως ἔχειν καὶ ὅσον
οὐκ ἤδη τελευτήσειν, νῦν δὲ καὶ σφόδρα ὑγιαίνειν καὶ αὐτίκα δὴ μάλα
ἐς τὴν Ῥώμην ἀφίξεσθαι· καὶ τὸν Σεϊανὸν τοτὲ μὲν πάνυ ἐπῄνει τοτὲ
δὲ πάνυ καθῄρει, τῶν τε ἑταίρων αὐτοῦ τοὺς μὲν ἐτίμα δι´ ἐκεῖνον τοὺς
δ´ ἠτίμαζεν. ὥστε ὁ Σεϊανὸς ἐν τῷ μέρει καὶ τοῦ ὑπερόγκου καὶ τοῦ
ὑπερφόβου πληρούμενος ἀεὶ μετέωρος ἦν· οὔτε γὰρ δεδιέναι αὐτῷ καὶ
διὰ τοῦτο καὶ νεοχμῶσαί τι ἐπῄει, καὶ γὰρ ἐτιμᾶτο, οὔτ´ αὖ θαρσεῖν
καὶ ἀπ´ αὐτοῦ καὶ ἐπιτολμῆσαί τι, καὶ γὰρ ἐκολούετο. καὶ μέντοι καὶ
οἱ λοιποὶ πάντες ἐναλλὰξ καὶ δι´ ὀλίγου τὰ ἐναντιώτατα ἀκούοντες, καὶ
μήτε τὸν Σεϊανὸν θαυμάζειν ἔτι ἢ καὶ καταφρονεῖν ἔχοντες, ἔς τε τὸν
Τιβέριον ὡς καὶ τεθνήξοντα ἢ καὶ ἥξοντα ὑποπτεύοντες, ἐν ἀμφιβόλῳ
ἐγίγνοντο.
| [58,6] Ces présages ne firent impression ni sur l'esprit
de Séjan, ni sur celui d'aucun autre ; la vue de ce qui se
passait en ce moment, lors même qu'un dieu eût clairement
annoncé le changement si grand qui allait avoir lieu,
aurait enlevé toute créance à cette prédiction. Les Romains
juraient à tout instant par sa fortune et l'appelaient
le collègue de Tibère, pensant alors non seulement au
consulat, mais à l'autorité souveraine. Tibère n'ignorait
plus aucune des menées de son ministre; mais, cherchant
en lui-même de quelle manière il le mettrait à
mort, et ne trouvant pas le moyen de le faire ouvertement
sans s'exposer à des dangers, il eut recours, à
l'égard de Séjan, comme à l'égard des autres, à un artifice
merveilleux pour connaître à fond leurs sentiments.
Il ne cessait d'écrire à Séjan et au sénat des détails nombreux
et variés sur son état, disant tantôt qu'il se portait mal
et qu'il était presque mourant, tantôt qu'il jouissait
d'une santé excellente et qu'il allait immédiatement
revenir à Rome; tantôt il louait Séjan, sans réserve;
tantôt il l'abaissait, également sans réserve : en sa considération,
il accordait des honneurs à quelques-uns de
ses amis, et en outrageait d'autres. De cette facon,
Séjan était continuellement en suspens, rempli tour à
tour d'un orgueil ou d'une crainte sans borne ; il n'y
avait lieu pour lui, en effet, ni de craindre, ni par suite
de se jeter dans une tentative hasardeuse, puisqu'on lui
accordait des honneurs, ni de s'abandonner à la confiance
et à l'audace, attendu qu'on avait mis des obstacles
à ses entreprises; mais tous les autres, ne sachant
s'ils devaient désormais l'honorer ou le délaisser,
et tournant leurs regards vers Tibère, dont ils attendaient
à chaque instant la mort ou le retour, étaient en
proie à l'incertitude.
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