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[58,3] τῷ δὲ δὴ Γάλλῳ ὁ Τιβέριος, τῷ τήν τε γυναῖκα αὐτοῦ ἀγαγομένῳ
καὶ τῇ περὶ τῆς ἀρχῆς παρρησίᾳ χρησαμένῳ, καιρὸν λαβὼν ἐπέθετο.
ἐπειδὴ γὰρ τὸν Σεϊανὸν ἤτοι καὶ ἀληθῶς ὡς αὐταρχήσοντα ἢ καὶ τῷ
τοῦ Τιβερίου δέει θεραπεύων, ἢ καὶ ἐξ ἐπιβουλῆς, ἵνα καὶ αὐτῷ ἐκείνῳ
διὰ κόρου γενόμενος φθαρῇ, τά τε πλείω οἱ καὶ τὰ μείζω ἐσηγήσατο
καὶ ἐν τοῖς πρεσβευταῖς γενέσθαι ἐσπούδασεν, ἐπέστειλε περὶ αὐτοῦ τῇ
βουλῇ τά τε ἄλλα καὶ ὅτι τῷ Σεϊανῷ τῆς πρὸς ἑαυτὸν φιλίας φθονοίη,
καίπερ αὐτὸς Συριακῷ φίλῳ χρώμενος. καὶ ταῦτα οὐκ ἐξέφηνε τῷ Γάλλῳ,
ἀλλὰ καὶ πάνυ αὐτὸν ἐδεξιώσατο, ὥστε συμβῆναί οἱ πρᾶγμα παραδοξότατον,
καὶ ὃ μηδενὶ ἄλλῳ συνηνέχθη· ἐν γὰρ τῇ αὐτῇ ἡμέρᾳ παρά τε
τῷ Τιβερίῳ εἱστιάθη καὶ φιλοτησίας ἔπιε, καὶ ἐν τῷ βουλευτηρίῳ κατεψηφίσθη,
ὥστε καὶ στρατηγὸν τὸν δήσοντά τε αὐτὸν καὶ πρὸς τὴν
τιμωρίαν ἀπάξοντα πεμφθῆναι. καὶ μέντοι τοῦθ´ οὕτως ὁ Τιβέριος
πράξας οὐδ´ ἀποθανεῖν αὐτῷ ἐθελήσαντι, ἐπειδὴ τάχιστα τῶν δεδογμένων
ᾔσθετο, ἐπέτρεψεν, ἀλλ´ ἐκείνῳ τε, ἵνα ἐπὶ πλεῖστον κακωθείη,
θαρσεῖν ... ἐνετείλατο ὅπως ἐν φυλακῇ ἀδέσμῳ ᾖ, μέχρις ἂν αὐτὸς ἐς
τὴν πόλιν ἀφίκηται, ἵν´, ὅπερ εἶπον, ἐπὶ μακρότατον καὶ τῇ ἀτιμίᾳ ἅμα
καὶ τῷ φόβῳ ταλαιπωρήσειε. καὶ ἔσχεν οὕτως· πρός τε γὰρ τῶν ἀεὶ
ὑπάτων ἐτηρεῖτο (ἔξω τῆς τοῦ Τιβερίου ἀρχῆς· τότε γὰρ πρὸς τῶν στρατηγῶν
ἐφυλάχθη), οὐχ ἵνα μὴ φύγῃ, ἀλλ´ ἵνα μὴ τελευτήσῃ, καὶ οὔτε
ἑταῖρός τις οὔτ´ οἰκέτης αὐτῷ συνεγίγνετο, οὔτ´ ἐλάλει τινὶ οὔθ´ ἑώρα
τινὰ πλὴν ὁπότε τροφὴν λαβεῖν ἠναγκάζετο. καὶ ἦν αὕτη τοιαύτη καὶ
τοσαύτη ὥστε μήτε τινὰ ἡδονὴν ἢ καὶ ῥώμην αὐτῷ παρασχεῖν μήτ´
ἀποθανεῖν αὐτὸν ἐᾶν· τοῦτο γὰρ ἦν τὸ δεινότατον. ὃ καὶ ἐπ´ ἄλλων
συχνῶν ὁ Τιβέριος ἐποίει· δήσας γοῦν τινα τῶν ἑταίρων, ἔπειτα λόγου
περὶ τῆς θανατώσεως αὐτοῦ γενομένου ἔφη ὅτι "οὐδέπω αὐτῷ διήλλαγμαι".
ἕτερον μέντοι τινὰ καὶ πάνυ ἰσχυρῶς βασανίσας, ἔπειτα γνοὺς ὅτι
ἀδίκως κατηγορήθη, καὶ πάνυ σπουδῇ ἀπέκτεινεν, εἰπὼν ὅτι χαλεπωτέρως
ὕβρισται ἢ ὥστε καλῶς δύνασθαι ζῆν. Συριακὸς δ´ οὔτ´ ἀδικήσας
τι οὔτ´ αἰτιαθείς, ἀλλὰ καὶ ἐπὶ παιδείᾳ ἐλλόγιμος ὤν, ἐσφάγη διὰ
τοῦτο μόνον ὅτι φίλον αὐτὸν τοῦ Γάλλου ὁ Τιβέριος εἶπεν εἶναι.
{ὅτι ὁ Σεϊανὸς καὶ τὸν Δροῦσον διέβαλε διὰ τῆς γυναικὸς αὐτοῦ.
πάσας γὰρ ὡς εἰπεῖν τὰς τῶν ἐπιφανῶν ἀνδρῶν γαμετὰς μοιχεύων τά
τε λεγόμενα ἢ καὶ πραττόμενα ὑπ´ ἐκείνων ἐμάνθανε, καὶ προσέτι καὶ
συνεργούς σφας ὡς καὶ γαμηθησομένας οἱ ἐποιεῖτο. ἐπεὶ δὲ ὁ Τιβέριος
ἁπλῶς τὸν Δροῦσον ἐς τὴν Ῥώμην ἔπεμψεν, ὁ Σεϊανὸς δείσας μὴ μεταβάληται,
ἔπεισε τὸν Κάσσιον χρηματίσαι τι κατ´ αὐτοῦ.}
| [58,3] Gallus, qui avait épousé la femme de Tibère et
qui s'était exprimé avec hardiesse sur l'autorité impériale,
fut, l'occasion s'étant rencontrée, pris au piége.
Gallus, en effet, courtisan de Séjan, soit persuasion véritable
qu'il parviendrait à l'empire, soit crainte de
Tibère, soit dessein secret de perdre le favori en le rendant
odieux au prince, Gallus avait proposé le plus grand
nombre et les plus importants des décrets en l'honneur
de Séjan, et il avait employé tous ses efforts pour faire
partie de la députation; Tibère écrivit contre lui au
sénat pour se plaindre, entre autres choses, que Gallus
enviait à Séjan son amitié, bien qu'ayant Syriacus pour
ami. Il ne communiqua rien, cependant, à Gallus; au
contraire, il l'accueillit avec toute sorte d'empressement;
de sorte qu'il se passa une chose surprenante et
qui n'était arrivée à personne. Le même jour, Gallus
fut admis à la table de Tibère, il y but la coupe de
l'amitié, et il fut condamné dans le sénat, qui même
envoya un préteur avec ordre de le lier et de le mener
au supplice. Tibère, néanmoins, tout en agissant ainsi,
ne permit pas à Gallus de mourir, malgré la résolution
qu'il en avait prise, aussitôt qu'il connut son arrêt; loin
de là, afin d'augmenter ses souffrances, {il l'exhorta à}
prendre courage {et} donna ordre de le laisser en garde
libre jusqu'à son arrivée à Rome, afin, comme je l'ai
dit, de le tourmenter longtemps par l'infamie et par
la crainte. C'est ce qui eut lieu, en effet. Gallus était
confié aux divers consuls qui se succédaient (excepté le
temps du consulat de Tibère, temps où il fut remis à
la garde des préteurs), pour l'empêcher non certes pas
de fuir, mais de mourir; il n'avait auprès de lui ni ami
ni esclave ; il ne parlait à personne, il ne voyait personne,
excepté ceux qui le forçaient de prendre de la
nourriture. Et cette nourriture elle-même était de telle
nature et en telle quantité que, sans lui donner le moindre
plaisir ni la moindre force, elle ne le laissait pas
mourir; c'était là le plus cruel. Tibère employait également
ce système à l'égard de beaucoup d'autres condamnés.
Ainsi, ayant jeté un de ses amis dans les
chaînes, lorsqu'ensuite on parla de le mettre à mort, il
répondit : "Je ne suis pas encore réconcilié avec lui."
Un autre avait été cruellement torturé ; lorsqu'ensuite
il reconnut que l'accusation était injuste, il s'empressa
de le faire exécuter, en disant : Il a été outragé
d'une manière trop dure pour pouvoir vivre honorablement.
Syriacus, qui ne l'avait nullement offensé, qui
n'était même pas accusé, mais qui était remarquable
par son savoir, fut égorgé par le seul motif que Tibère
l'avait dit être l'ami de Gallus. {Séjan fit aussi accuser
Drusus par sa femme. Entretenant un commerce adultère
avec toutes les femmes, pour ainsi dire, des citoyens
illustres, il apprenait par elles ce qui se disait et ce qui
se faisait, et, de plus, il se servait d'elles pour l'exécution
de ses desseins, en leur donnant l'espoir de l'épouser.
Tibère ayant simplement envoyé Drusus à Rome,
Séjan, qui craignait un changement dans l'esprit du
prince, persuada à Cassius de faire un rapport contre
le jeune homme} ... .
| [58,4] ὁ δὲ δὴ Σεϊανὸς καὶ μείζων καὶ φοβερώτερος ἀεὶ ἐγίγνετο, ὥστε
καὶ τοὺς βουλευτὰς καὶ τοὺς ἄλλους ἐκείνῳ μὲν ὡς καὶ αὐτοκράτορι
προσέχειν, τὸν δὲ Τιβέριον ἐν ὀλιγωρίᾳ ποιεῖσθαι. μαθὼν οὖν ταῦτα ὁ
Τιβέριος οὔτε ἐν ἐλαφρῷ τὸ πρᾶγμα ἐποιήσατο, φοβηθεὶς μὴ καὶ αὐτοκράτορα
ἄντικρυς αὐτὸν ἀποδείξωσιν, οὔτε ἠμέλησεν. ἐκ μὲν δὴ οὖν
τοῦ προφανοῦς οὐδὲν ἔδρασε· τό τε γὰρ δορυφορικὸν πᾶν ἰσχυρῶς ᾠκείωτο,
καὶ τῶν βουλευτῶν τὸ μὲν εὐεργεσίαις τὸ δὲ ἐλπίσι τὸ δὲ καὶ φόβῳ
προσεπεποίητο, τούς τε περὶ τὸν Τιβέριον ὄντας οὕτω πάντας προσηταίριστο
ὥστε τὰ μὲν ἐκείνου πάντα ἁπλῶς, καὶ ὅσα ἔλεγε καὶ ὅσα
ἔπραττε, παραυτίκα οἱ ἀγγέλλεσθαι, τὰ δ´ ὑπ´ αὐτοῦ δρώμενα μηδένα τῷ
Τιβερίῳ δηλοῦν. ἄλλως οὖν αὐτὸν μετεπορεύετο, καὶ ὕπατόν τε αὐτὸν
ἀπέδειξε καὶ κοινωνὸν τῶν φροντίδων ὠνόμαζε, "Σεϊανός" τε "ὁ ἐμός"
πολλάκις ἐπαναλαμβάνων ἔλεγε, καὶ τοῦτο καὶ γράφων πρός τε τὴν
βουλὴν καὶ πρὸς τὸν δῆμον ἐδήλου. τούτοις οὖν οἱ ἄνθρωποι ἀπατώμενοι
καὶ πιστεύοντες χαλκοῦς τε αὐτοὺς ἁπανταχοῦ ἐκ τοῦ ἴσου ἵστασαν,
κἀν ταῖς γραφαῖς συνέγραφον, δίφρους τε ἐπιχρύσους ἐς τὰ θέατρα
ἀμφοῖν ἐσέφερον· καὶ τέλος ἐψηφίσθη ὑπάτους τέ σφας διὰ πέντε ἐτῶν
ἅμα ἀποδείκνυσθαι, καὶ ἀπάντησιν, ὁπότε ἐς τὴν Ῥώμην ἐσίοιεν, ἀμφοτέροις
ὁμοίως γίγνεσθαι. καὶ τέλος καὶ ταῖς εἰκόσιν αὐτοῦ ὥσπερ καὶ
ταῖς τοῦ Τιβερίου ἔθυον.
καὶ τὰ μὲν περὶ τὸν Σεϊανὸν τοιαῦτα ἦν, τῶν δὲ ἄλλων πολλοὶ
καὶ ὀνομαστοὶ ἐφθάρησαν, ὧν ἦν καὶ Γάιος Φούφιος Γέμινος. ἀσεβείας
γὰρ ἐς τὸν Τιβέριον ἐγκληθεὶς τὰς διαθήκας ἔς τε τὸ συνέδριον ἐσεκόμισε
καὶ ἀνέγνω, δηλῶν ὅτι τὸν κλῆρον ἐξ ἴσου τοῖς τέκνοις καὶ ἐκείνῳ
καταλελοιπὼς ἦν· καὶ μαλακίας αἰτιαθεὶς ἀπῆλθεν οἴκαδε πρὶν ψηφισθῆναί
τι, καὶ μαθὼν τὸν ταμίαν ἐπὶ δικαιώσει αὐτοῦ παρόντα αὐτός
τε ἑαυτὸν ἔτρωσε, καὶ ἐκείνῳ τὸ τραῦμα δείξας "ἀπάγγειλον" ἔφη "τῇ
γερουσίᾳ ὅτι ἀνὴρ οὕτως ἀποθνήσκει." καὶ ἡ γυνὴ δὲ αὐτοῦ Μουτιλία
Πρίσκα ἔγκλημά τι λαβοῦσα ἐσῆλθέ τε ἐς τὸ βουλευτήριον, κἀνταῦθα
ἑαυτὴν ἐγχειριδίῳ τινί, ὃ λάθρᾳ ἐσεκεκομίκει, ἔσφαξεν.
| [58,4] Séjan, cependant, devenait de jour en jour plus
grand et plus redoutable ; de sorte que les sénateurs et
les autres citoyens ne faisaient attention qu'à lui, comme
s'il eût été l'empereur, et qu'ils méprisaient Tibère. Dès
que le prince s'en aperçut, il jugea que la chose n'était
pas d'une médiocre importance, appréhendant que Séjan
ne fût ouvertement proclamé empereur; et il s'en occupa
sérieusement. Néanmoins il n'en fit rien paraître au dehors;
car Séjan s'était fortement attaché la garde prétorienne,
et il avait gagné les sénateurs, les uns par des
bienfaits, d'autres par des promesses; enfin tout l'entourage
de Tibère était tellement à sa discrétion, qu'il était
instruit sur-le-champ, sans réserve, des paroles et des actions
du prince, tandis que personne ne rapportait à Tibère
ce que faisait Séjan. Tibère l'attaqua donc par une
autre voie : il lui déféra le consulat, le proclama le compagnon
de ses soins, et, à diverses reprises, l'appela "mon
cher Séjan", titre qu'il lui donnait dans ses messages au
sénat et au peuple. Trompés par ces paroles auxquelles ils
ajoutaient foi, les Romains élevèrent partout également
des statues d'airain à Tibère et à Séjan, les représentèrent
ensemble dans des tableaux, et placèrent deux
siéges dorés pour eux au théâtre ; on décréta qu'ils seraient
consuls tous les deux à la fois pour cinq ans, et
qu'à leur entrée dans Rome, on irait au-devant d'eux en
rendant à l'un et à l'autre les mêmes honneurs. Enfin
on offrit des sacrifices aux statues de Séjan comme à
celles de Tibère. Telle était la position des affaires de
Séjan. Un grand nombre de citoyens illustres périrent,
et, parmi eux, C. Géminius Rufus. Accusé d'impiété à
l'égard de Tibère, il apporta son testament dans l'assemblée
du sénat et le lut, dans le dessein de montrer
qu'il avait institué le prince son héritier pour une portion
égale à celle de ses enfants ; accusé de mollesse, il se
retira chez lui avant qu'aucune sentence fût portée, et,
lorsqu'il apprit que le questeur était venu pour le mener
au supplice, il se frappa lui-même, et montrant la
blessure au questeur : « Va, lui dit-il, rapporter au sénat
que c'est ainsi que meurt un homme. » Sa femme,
P. Prisca, ayant été mise aussi en accusation, vint au
sénat et s'y perça d'un poignard qu'elle avait secrètement apporté.
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