[7,10] ὡς δὴ καὶ τότε θαρρῶν εἱπόμην. ἦν δὲ σχεδόν τι περὶ
τετταράκοντα στάδια πρὸς τὸ χωρίον.
ὡς οὖν ἐβαδίζομεν, διηγεῖτό μοι κατὰ τὴν ὁδὸν τὰ αὑτοῦ πράγματα
καὶ τὸν βίον ὃν ἔζη μετὰ γυναικὸς αὐτοῦ καὶ παίδων. Ἡμεῖς
γάρ, ἔφη, δύο ἐσμέν, ὦ ξένε, τὸν αὐτὸν οἰκοῦντες τόπον. ἔχομεν
δὲ γυναῖκας ἀλλήλων ἀδελφὰς καὶ παῖδας ἐξ αὐτῶν υἱοὺς καὶ
θυγατέρας.
(7,11) ζῶμεν δὲ ἀπὸ θήρας ὡς τὸ πολύ, μικρόν τι τῆς γῆς
ἐπεργαζόμενοι. τὸ γὰρ χωρίον οὐκ ἔστιν ἡμέτερον, οὔτε πατρῷον
οὔτε ἡμεῖς ἐκτησάμεθα, ἀλλὰ ἦσαν οἱ πατέρες ἡμῶν ἐλεύθεροι
μέν, πένητες δὲ οὐχ ἧττον ἡμῶν, μισθοῦ βουκόλοι, βοῦς νέμοντες
ἀνδρὸς μακαρίου τῶν ἐνθένδε τινὸς ἐκ τῆς νήσου, πολλὰς μὲν
ἀγέλας καὶ ἵππων καὶ βοῶν κεκτημένου, πολλὰς δὲ ποίμνας, πολλοὺς
δὲ καὶ καλοὺς ἀγρούς, πολλὰ δὲ ἄλλα χρήματα, ξύμπαντα
δὲ ταῦτα τὰ ὄρη.
(7,12) οὗ δὴ ἀποθανόντος καὶ τῆς οὐσίας δημευθείσης·
φασὶ δὲ καὶ αὐτὸν ἀπολέσθαι διὰ τὰ χρήματα ὑπὸ τοῦ βασιλέως·
τὴν μὲν ἀγέλην εὐθὺς ἀπήλασαν, ὥστε κατακόψαι, πρὸς δὲ τῇ
ἀγέλῃ καὶ τὰ ἡμέτερα ἄττα βοίδια, καὶ τὸν μισθὸν οὐδεὶς ἀποδέδωκε.
(7,13) τότε μὲν δὴ ἐξ ἀνάγκης αὐτοῦ κατεμείναμεν, οὗπερ ἐτύχομεν
τὰς βοῦς ἔχοντες καί τινας σκηνὰς πεποιημένοι καὶ αὐλὴν
διὰ ξύλων οὐ μεγάλην οὐδὲ ἰσχυράν, μόσχων ἕνεκεν, ὡς ἂν οἶμαι
πρὸς αὐτό που τὸ θέρος. τοῦ μὲν γὰρ χειμῶνος ἐν τοῖς πεδίοις
ἐνέμομεν, νομὴν ἱκανὴν ἔχοντες καὶ πολὺν χιλὸν ἀποκείμενον· τοῦ
δὲ θέρους ἀπηλαύνομεν εἰς τὰ ὄρη. μάλιστα δ´ ἐν τούτῳ τῷ τόπῳ
σταθμὸν ἐποιοῦντο·
(7,14) τό τε γὰρ χωρίον ἀπόρρυτον ἑκατέρωθεν,
φάραγξ βαθεῖα καὶ σύσκιος, καὶ διὰ μέσου ποταμὸς οὐ τραχύς,
ἀλλ´ ὡς ῥᾷστος ἐμβῆναι καὶ βουσὶ καὶ μόσχοις, τὸ δὲ ὕδωρ πολὺ
καὶ καθαρόν, ἅτε τῆς πηγῆς ἐγγὺς ἀναδιδούσης, καὶ πνεῦμα τοῦ
θέρους ἀεὶ διαπνέον διὰ τῆς φάραγγος· οἵ τε περικείμενοι δρυμοὶ
μαλακοὶ καὶ κατάρρυτοι, ἥκιστα μὲν οἶστρον τρέφοντες, ἥκιστα δὲ
ἄλλην τινὰ βλάβην βουσί.
(7,15) πολλοὶ δὲ καὶ πάγκαλοι λειμῶνες ὑπὸ ὑψηλοῖς
τε καὶ ἀραιοῖς δένδρεσιν ἀνειμένοι, καὶ πάντα μεστὰ
βοτάνης εὐθαλοῦς δι´ ὅλου τοῦ θέρους, ὥστε μὴ πολὺν πλανᾶσθαι
τόπον. ὧν δὴ ἕνεκα συνήθως ἐκεῖ καθίστασαν τὴν ἀγέλην· καὶ
τότε ἔμειναν ἐν ταῖς σκηναῖς, μέχρι ἂν εὕρωσι μισθόν τινα ἢ ἔργον,
καὶ διετράφησαν ἀπὸ χωρίου μικροῦ παντελῶς, ὃ ἔτυχον εἰργασμένοι
πλησίον τοῦ σταθμοῦ.
(7,16) τοῦτό τε ἐπήρκεσεν αὐτοῖς ἱκανῶς,
ἅτε κόπρου πολλῆς ἐνούσης. καὶ σχολὴν ἄγοντες ἀπὸ τῶν βοῶν
πρὸς θήραν ἐτράπησαν, τὸ μὲν αὐτοί, τὸ δὲ καὶ μετὰ κυνῶν. δύο
γὰρ τῶν ἑπομένων ταῖς βουσίν, ὡς δὴ μακρὰν ἦσαν οὐχ ὁρῶντες
τοὺς νομεῖς, ὑπέστρεψαν ἐπὶ τὸν τόπον καταλιπόντες τὴν ἀγέλην.
οὗτοι τὸ μὲν πρῶτον συνηκολούθουν αὐτοῖς, ὥσπερ ἐπ´ ἄλλο τι·
καὶ τοὺς μὲν λύκους ὁπότε ἴδοιεν, ἐδίωκον μέχρι τινός, συῶν δὲ ἢ
ἐλάφων οὐδὲν αὐτοῖς ἔμελεν.
(7,17) εἰ δέ ποτε ἴδοιεν τῶν ἀνθρώπων τινα
ὀψὲ καὶ πρῴ, συνιστάμενοι ὑλάκτουν τε καὶ ἤμυνον, ὥσπερ ἂν εἰ
πρὸς ἄνθρωπον ἐμάχοντο. γευόμενοι δὲ τοῦ αἵματος καὶ συῶν
καὶ ἐλάφων καὶ τῶν κρεῶν πολλάκις ἐσθίοντες, ὀψὲ μεταμανθάνοντες
κρέασιν ἀντὶ μάζης ἥδεσθαι, τῶν μὲν ἐμπιμπλάμενοι, εἴ ποτε
ἁλοίη τι {σίτου}, ὁπότε δὲ μή, πεινῶντες, μᾶλλον ἤδη τῷ τοιούτῳ
προσεῖχον, καὶ τὸ φαινόμενον ἐδίωκον πᾶν ὁμοίως, καὶ ὀσμῆς
ἁμῃγέπῃ καὶ ἴχνους ᾐσθάνοντο, καὶ ἀπέβησαν ἀντὶ βουκόλων τοιοῦτοί
τινες ὀψιμαθεῖς καὶ βραδύτεροι θηρευταί.
(7,18) χειμῶνος δὲ ἐπελθόντος ἔργον μὲν οὐδὲν ἦν πεφηνὸς αὐτοῖς, οὔτε εἰς
ἄστυ καταβᾶσιν οὔτε εἰς κώμην τινά· φραξάμενοι δὲ τὰς σκηνὰς ἐπιμελέστερον
καὶ τὴν αὐλὴν πυκνοτέραν ποιήσαντες, οὕτως διεγένοντο,
καὶ τὸ χωρίον ἐκεῖνο πᾶν εἰργάσαντο, καὶ τῆς θήρας ἡ χειμερινὴ
ῥᾴων ἐγίγνετο.
(7,19) τὰ γὰρ ἴχνη φανερώτερα, ὡς ἂν ἐν ὑγρῷ τῷ ἐδάφει
σημαινόμενα· ἡ δὲ χιὼν καὶ πάνυ τηλαυγῆ παρέχει, ὥστε οὐδὲν
δεῖ ζητοῦντα πράγματα ἔχειν, ὥσπερ ὁδοῦ φερούσης ἐπ´ αὐτά, καὶ
τὰ θηρία μᾶλλόν τι ὑπομένει ὀκνοῦντα· ἔστι δ´ ἔτι καὶ λαγὼς καὶ
δορκάδας ἐν ταῖς εὐναῖς καταλαμβάνειν.
| [7,10] Je marchais
donc hardiment, et avec toute la confiance d’un homme qui n’a rien à
perdre. Il y avait environ quarante stades pour arriver à l’habitation de
mon hôte. Tout en cheminant et devisant de choses et d’autres, il vint à
parler de ses affaires, et du genre de vie qu’il menait avec sa femme et
ses enfants.
(7,11) « Nous sommes deux amis, me dit-il, qui habitons le même lieu. Nous avons
épousé les sœurs l’un de l’autre, et en avons eu chacun plusieurs enfants,
garçons et filles. Nous vivons en grande partie de notre chasse, et du
produit d’un petit jardin que nous cultivons de nos mains. Le terrain
n’est point à nous: nous ne l’avons reçu ni acheté de nos pères. Nos
pères, citoyens libres d’ailleurs, n’étaient guère moins pauvres que nous:
ils étaient salariés par un riche habitant de l’île dont ils gardaient les
bœufs. Cet homme possédait beaucoup de haras et de troupeaux: toutes les
montagnes que vous voyez lui appartenaient, ainsi qu’un grand nombre de
belles terres et beaucoup d’autres richesses.
(7,12) Après sa mort, ses biens
furent confisqués: on dit même qu’il périt par ordre du roi, à cause de sa
trop grande fortune. Ses troupeaux furent alors emmenés pour être égorgés,
et parmi le reste, nos pauvres bœufs, dont personne ne nous paya le prix.
Par nécessité, mon père, et celui de mon ami, restèrent où ils se
trouvaient lors de ce fâcheux événement. C’était un endroit dans les
montagnes, où ils avaient accoutumé de garder leurs bœufs pendant l’été;
ils y avaient construit quelques huttes pour leur demeure, et une cloison
de pieux, qui, sans être ni grande, ni forte, l’était assez toutefois pour
renfermer nos jeunes veaux durant la belle saison. Aux approches de
l’hiver, ils descendaient dans la plaine, où l’herbe des pâturages, jointe
au peu qu’ils avaient mis en réserve, suffisant à la nourriture de leurs
bestiaux. Mais au retour de l’été, ils regagnaient leurs montagnes, et se
fiaient de préférence dans le lieu dont je vous parle. C’est une vallée
fraîche et profonde. Au milieu coule un ruisseau paisible: la tranquillité
de son cours et la douce pente de ses bords permettent aux génisses d’y
entrer facilement et sans danger. L’eau en est pure et abondante, elle
sort d’une source voisine: un vent d’été parcourt sans cesse et rafraichit
la vallée. Les bois d’alentour, plantés de chênes et de sapins, ne
nourrissent ni le taon, ni aucun insecte malfaisant. De tous côtés
s’étendent de riches prairies où croissent sans culture des arbres hauts
et clairsemés. Enfin les plantes potagères les plus succulentes y viennent
pendant l’été en abondance, de telle sorte qu’en un espace très
circonscrit ce séjour renferme tout ce qu’il y a d’agréable et de commode.
Ces avantages qui avaient appelé nos pères en cet endroit, aux beaux jours
de l’année, les déterminèrent à s’y fixer, lors de leur désastre, jusqu’à
ce qu’ils pussent trouver de l’ouvrage ou un nouveau maître. Cependant,
ils se nourrissaient des productions du petit champ qu’ils cultivaient
tout près de leur demeure, et dont le sol, fertilisé par l’engrais qu’y
avait déposé leur troupeau suffisait par son rapport à leurs modiques
besoins.
(7,16) Toutefois, comme ce travail leur laissait bien des moments de
loisir, et que leurs bœufs d’ailleurs ne les occupaient plus, ils
commencèrent à se tourner vers la chasse, exercice auquel ils se livraient
d’abord seuls, mais qu’ils firent ensuite avec des chiens, et cela de la
manière que je vais vous raconter:
« Parmi la troupe nombreuse des chiens qui avaient suivi les bœufs
lorsqu’on les emmena, il s’en rencontra deux qui, ne trouvant plus leurs
bergers, quittèrent le troupeau et s’en revinrent à l’habitation. Comme
ils suivaient partout leurs maîtres, ils les suivirent à la chasse. Dans
les commencements, ils s’attachaient à la poursuite des loups, et
laissaient là les cerfs et les sangliers.
(7,17) Quelquefois, quand ils
apercevaient un homme, soit de grand matin, soit un peu tard dans la
soirée, ils aboyaient et se jetaient dessus avec acharnement. On profita
de cette férocité naturelle: on les accoutuma à goûter le sang et à manger
la chair des bêtes tuées: peu après ils en vinrent à se nourrir
indifféremment de pain ou de viande. D’abord on les avait forcés à prendre
de la chair faute de tout autre nourriture: bientôt ils en devinrent
avides au point de se jeter dessus, même quand ils étaient rassasiés: et,
avec le temps, leur odorat acquit une finesse qu’il n’avait pas. Ils
apprirent à connaître les traces, à se lancer indistinctement sur toute
bête qui s’offrait à eux. En un mot, de gardiens de troupeaux qu’ils
étaient, ils devinrent apprentis tardifs, mais fort habiles, du métier de la chasse.
(7,19) Cependant l’hiver approchait: mon père et son ami n’ayant
aucune affaire qui les obligeât de descendre à la ville ou dans le bourg
voisin se décidèrent à passer la mauvaise saison au lieu où ils étaient,
et ayant fortifié leur habitation et resserré les pieux de la cloison, ils
se livrèrent avec plus d’ardeur que jamais à la culture de leur champ.
Quant à la chasse, vous n’ignorez pas, sans doute, combien cet exercice
est plus facile en hiver: le sol, toujours humide dans cette saison,
conserve plus fidèlement l’empreinte du pied des animaux, surtout quand il
a tombé de la neige. Alors le chasseur n’a pour ainsi dire rien à faire:
il n’a qu’à se laisser conduire par la trace: l’animal engourdi de froid
semble presque l’attendre. C’est alors, comme vous le savez, qu’on
parvient souvent à saisir dans leurs gîtes les lièvres et les daims.
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