[7,0] ΕΥΒΟΙΚΟΣ Η ΚΥΝΗΓΟΣ.
(7,1) Τόδε μὴν αὐτὸς ἰδών, οὐ παρ´ ἑτέρων ἀκούσας, διηγήσομαι.
ἴσως γὰρ οὐ μόνον πρεσβυτικὸν πολυλογία καὶ τὸ μηδένα διωθεῖσθαι
ῥᾳδίως τῶν ἐμπιπτόντων λόγων, πρὸς δὲ τῷ πρεσβυτικῷ
τυχὸν ἂν εἴη καὶ ἀλητικόν. αἴτιον δέ, ὅτι πολλὰ τυχὸν ἀμφότεροι
πεπόνθασιν, ὧν οὐκ ἀηδῶς μέμνηνται. ἐρῶ δ´ οὖν οἵοις ἀνδράσι
καὶ ὅντινα βίον ζῶσι συνέβαλον ἐν μέσῃ σχεδόν τι τῇ Ἑλλάδι.
(7,2) ἐτύγχανον μὲν ἀπὸ Χίου περαιούμενος μετά τινων ἁλιέων ἔξω
τῆς θερινῆς ὥρας ἐν μικρῷ παντελῶς ἀκατίῳ. χειμῶνος δὲ γενομένου
χαλεπῶς καὶ μόλις διεσώθημεν πρὸς τὰ κοῖλα τῆς Εὐβοίας·
τὸ μὲν δὴ ἀκάτιον εἰς τραχύν τινα αἰγιαλὸν ὑπὸ τοῖς κρημνοῖς
ἐκβαλόντες διέφθειραν, αὐτοὶ δὲ ἀπεχώρησαν πρός τινας πορφυρεῖς
ὑφορμοῦντας ἐπὶ τῇ πλησίον χηλῇ, κἀκείνοις συνεργάζεσθαι
διενοοῦντο αὐτοῦ μένοντες.
(7,3) καταλειφθεὶς δὴ μόνος, οὐκ ἔχων εἰς
τίνα πόλιν σωθήσομαι, παρὰ τὴν θάλατταν ἄλλως ἐπλανώμην,
εἴ πού τινας ἢ παραπλέοντας ἢ ὁρμοῦντας ἴδοιμι. προεληλυθὼς
δὲ συχνὸν ἀνθρώπων μὲν οὐδένα ἑώρων· ἐπιτυγχάνω δὲ ἐλάφῳ
νεωστὶ κατὰ τοῦ κρημνοῦ πεπτωκότι παρ´ αὐτὴν τὴν ῥαχίαν, ὑπὸ
τῶν κυμάτων παιομένῳ, φυσῶντι ἔτι. καὶ μετ´ ὀλίγον ἔδοξα ὑλακῆς
ἀκοῦσαι κυνῶν ἄνωθεν μόλις πως διὰ τὸν ἦχον τὸν ἀπὸ τῆς θαλάττης.
(7,4) προελθὼν δὲ καὶ προβὰς πάνυ χαλεπῶς πρός τι
ὑψηλὸν τούς τε κύνας ὁρῶ ἠπορημένους καὶ διαθέοντας, ὑφ´ ὧν
εἴκαζον ἀποβιασθὲν τὸ ζῷον ἁλέσθαι κατὰ τοῦ κρημνοῦ, καὶ μετ´
ὀλίγον ἄνδρα, κυνηγέτην ἀπὸ τῆς ὄψεως καὶ τῆς στολῆς, τὰ γένεια
ὑγιῆ κομῶντα οὐ φαύλως οὐδὲ ἀγεννῶς ἐξόπισθεν, οἵους ἐπὶ Ἴλιον
Ὅμηρός φησιν ἐλθεῖν Εὐβοέας, σκώπτων, ἐμοὶ δοκεῖν, καὶ καταγελῶν,
ὅτι τῶν ἄλλων Ἀχαιῶν καλῶς ἐχόντων οἱ δὲ ἐξ ἡμίσους ἐκόμων.
(7,5) καὶ ὃς ἀνηρώτα με, Ἀλλ´ ἦ, ὦ ξεῖνε, τῇδέ που φεύγοντα
ἔλαφον κατενόησας; κἀγὼ πρὸς αὐτόν, Ἐκεῖνος, ἔφην, ἐν τῷ κλύδωνι
ἤδη· καὶ ἀγαγὼν ἔδειξα. ἑλκύσας οὖν αὐτὸν ἐκ τῆς θαλάττης
τό τε δέρμα ἐξέδειρε μαχαίρᾳ, κἀμοῦ ξυλλαμβάνοντος ὅσον οἷός τε
ἦν, καὶ τῶν σκελῶν ἀποτεμὼν τὰ ὀπίσθια ἐκόμιζεν ἅμα τῷ δέρματι.
παρεκάλει δὲ κἀμὲ συνακολουθεῖν καὶ συνεστιᾶσθαι τῶν κρεῶν·
εἶναι δὲ οὐ μακρὰν τὴν οἴκησιν.
(7,6) Ἔπειτα ἕωθεν παρ´ ἡμῖν,
ἔφη, κοιμηθεὶς ἥξεις ἐπὶ τὴν θάλατταν, ὡς τά γε νῦν οὐκ ἔστι
πλόϊμα. καὶ μὴ τοῦτο, εἶπε, φοβηθῇς. βουλοίμην δ´ ἂν ἔγωγε
καὶ μετὰ πέντε ἡμέρας λῆξαι τὸν ἄνεμον· ἀλλ´ οὐ ῥᾴδιον, εἶπεν,
ὅταν οὕτως πιεσθῇ τὰ ἄκρα τῆς Εὐβοίας ὑπὸ τῶν νεφῶν ὥς γε
νῦν κατειλημμένα ὁρᾷς. καὶ ἅμα ἠρώτα με ὁπόθεν δὴ καὶ ὅπως
ἐκεῖ κατηνέχθην, καὶ εἰ μὴ διεφθάρη τὸ πλοῖον. Μικρὸν ἦν παντελῶς,
ἔφην, ἁλιέων τινῶν περαιουμένων, κἀγὼ μόνος ξυνέπλεον
ὑπὸ σπουδῆς τινος. διεφθάρη δ´ ὅμως ἐπὶ τὴν γῆν ἐκπεσόν.
(7,7) Οὔκουν ῥᾴδιον, ἔφη, ἄλλως· ὅρα γὰρ ὡς ἄγρια καὶ σκληρὰ τῆς
νήσου τὰ πρὸς τὸ πέλαγος. Ταῦτ´, εἶπεν, ἐστὶ τὰ κοῖλα τῆς Εὐβοίας
λεγόμενα, ὅπου κατενεχθεῖσα ναῦς οὐκ ἂν ἔτι σωθείη· σπανίως
δὲ σῴζονται καὶ τῶν ἀνθρώπων τινές, εἰ μὴ ἄρα, ὥσπερ
ὑμεῖς, ἐλαφροὶ παντελῶς πλέοντες. ἀλλ´ ἴθι καὶ μηδὲν δείσῃς.
νῦν μὲν ἐκ τῆς κακοπαθείας ἀνακτήσῃ σαυτόν· εἰς αὔριον δέ, ὅ τι
ἂν ᾖ δυνατόν, ἐπιμελησόμεθα ὅπως σωθῇς, ἐπειδή σε ἔγνωμεν ἅπαξ.
(7,8) δοκεῖς δέ μοι τῶν ἀστικῶν εἶναί τις, οὐ ναύτης οὐδ´ ἐργάτης,
ἀλλὰ πολλήν τινα ἀσθένειαν τοῦ σώματος ἀσθενεῖν ἔοικας ἀπὸ
τῆς ἰσχνότητος.
ἐγὼ δὲ ἄσμενος ἠκολούθουν· οὐ γὰρ ἐπιβουλευθῆναί ποτε
ἔδεισα, οὐδὲν ἔχων ἢ φαῦλον ἱμάτιον.
(7,9) καὶ πολλάκις μὲν δὴ καὶ
ἄλλοτε ἐπειράθην ἐν τοῖς τοιούτοις καιροῖς, ἅτε ἐν ἄλῃ συνεχεῖ,
ἀτὰρ οὖν δὴ καὶ τότε ὡς ἔστι πενία χρῆμα τῷ ὄντι ἱερὸν καὶ
ἄσυλον, καὶ οὐδεὶς ἀδικεῖ, πολύ γε ἧττον ἢ τοὺς τὰ κηρύκεια ἔχοντας·
| [7,0] L’EUBÉENNE, OU LE CHASSEUR.
(7,1) Ce que je vais vous raconter, je ne l’ai point entendu dire à un autre, je
l’ai vu de mes propres yeux, et c’est pour cela même que je vais vous le
raconter; car j’aime à causer, je l’avoue, et je ne repousse guère une
parole qui me vient à la bouche. La faute en est peut-être à mon âge,
peut-être aussi à mes courses lointaines, où j’ai rencontré tant de
choses, dont un vieillard ne se souvient jamais sans plaisir. Je dirai
donc quelle espèce de gens j’ai trouvée presque au cœur même de la Grèce,
et quelle singulière vie ils menaient en ce lieu.
(7,2) Je m’étais embarqué à Chio avec quelques pêcheurs: nous n’étions plus dans
la belle saison, et notre navire était fort petit. Au milieu de la
traversée, nous fûmes assaillis d’une tempête dont nous nous sauvâmes à
grand-peine, en gagnant les côtes de l’Eubée. Là, après avoir échoué leur
nacelle sur une pointe de cette rive escarpée, mes compagnons me
quittèrent. Ils allèrent joindre quelques pêcheurs de pourpre établis sur
un promontoire voisin, espérant y trouver assez d’ouvrage pour s’y fixer,
et y gagner leur vie.
(7,3) Resté seul, et ne connaissant nul lieu habité sur
lequel je pusse porter mes pas, je me mis à marcher le long du rivage,
pour voir si je ne découvrirais pas quelque vaisseau faisant voile au
large, ou amarré à la côte. Il y avait déjà longtemps que je marchais,
quand tout à coup j’aperçus à mes pieds un cerf qui venait de se
précipiter du haut des rochers qui bordaient le rivage. Il respirait
encore, et les flots venaient battre son corps étendu sur la grève. Peu
après, je crus entendre au-dessus de ma tête comme des aboiements de
chiens. Le bruit des vagues m’empêchant d’ouïr distinctement, je m’avançai
du côté d’où venait le son, et ayant gravi, non sans peine, une petite
colline assez élevée, j’aperçus en effet des chiens qui couraient çà et là
et paraissaient en défaut. Je jugeai que c’était pour échapper à leur
poursuite que le cerf s’était jeté en bas des rochers. Au même instant
parut un homme: sa mine et ses vêtements annonçaient un chasseur; sa barbe
était longue, et ses cheveux, rejetés en arrière, lui pendaient avec grâce
sur les épaules. Tels Homère nous dépeint ces Eubéens qui vinrent au siège
de Troie, et dont il semble se moquer en passant, parce que, seuls entre
tous les Grecs, ils ne coiffaient que la moitié de leur tête.
(7,5) Cet homme
s’avança vers moi: « Etranger, me dit-il n’auriez-vous pas vu passer un
cerf fuyant de ce côté? —Oui, lui répondis-je, et même je vous puis
indiquer où il est. Vous le trouverez là-bas, sur la grève, où l’eau
commence à le gagner. » Tout en parlant ainsi, je le conduisis sur la
place, et je lui montrai l’animal. Je l’aidai de mon mieux à le tirer des
flots puis il se mit à le découper avec un grand couteau de chasse, et
plaça ensemble sur son dos la peau et les pieds de derrière. Cependant il
m’invita à le suivre jusqu’à son habitation, qu’il disait peu éloignée,
pour manger avec lui la chair de la bête.
(7,6) « Ce soir, ajouta-t-il, vous
coucherez chez nous, demain vous serez toujours à temps pour revenir sur
la plage. Car, pour le moment, comme vous voyez, il serait fou de songer à
s’embarquer. Au reste, que cela ne vous inquiète pas. Je voudrais bien que
le vent tombât, depuis cinq grands jours qu’il règne: mais la chose est
peu probable aujourd’hui, à en juger par la noirceur des nuages qui
enveloppent les sommets de nos montagnes. » En même temps, il me demanda
d’où je venais, quel hasard m’avait jeté sur cette côte, et si mon navire
s’y était brisé. Je lui fis en peu de mots le récit de ma mésaventure;
comment m’étant embarqué seul, pour affaire, avec quelques pécheurs, la
tempête nous avait forcés de venir nous échouer en ce lieu.
(7,7) « Oh, oh! me dit-il,
remerciez les dieux d’en être quittes à ce prix. Voyez combien est
sauvage et terrible le côté de l’île qui regarde la mer. Ce sont ici les
fameux écueils de l’Eubée dont jamais vaisseau n’approcha sans y faire
naufrage. Rarement voit-on quelques passagers échapper, et encore faut-il
que leur navire soit aussi léger que l’était le vôtre: mais venez, suivez
moi, et ne craignez rien. Vous paraissez avoir besoin de vous refaire un
peu de vos fatigues: c’est à quoi nous songerons aujourd’hui. Demain,
quand nous aurons fait connaissance, nous aviserons de notre mieux à vous
remettre dans votre chemin.
(7,8) Vous m’avez l’air d’un habitant de la ville:
car votre figure n’est ni celle d’un marin, ni celle d’un homme de peine.
On dirait, à voir votre maigreur, que vous êtes attaqué de quelque
maladie. » Tout en disant ces choses, il commença à marcher. Je le suivis
volontiers. Que pouvais-je craindre? Je n’avais sur moi qu’un méchant
manteau; et, grâce à mes longs voyages, l’expérience m’avait appris que la
pauvreté est de soi une chose sacrée et inviolable, et qu’on ne touche à
un homme pauvre, non plus qu’à un héraut armé de son caducée.
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