[11,35] δοκεῖ δέ μοι μηδὲ προθέσθαι ταῦτα τὴν ἀρχήν, ἅτε οὐ γενόμενα,
προϊούσης δὲ τῆς ποιήσεως, ἐπεὶ ἑώρα τοὺς ἀνθρώπους ῥᾳδίως
πάντα πειθομένους, καταφρονήσας αὐτῶν καὶ ἅμα χαριζόμενος
τοῖς Ἕλλησι καὶ τοῖς Ἀτρείδαις πάντα συγχέαι καὶ μεταστῆσαι
τὰ πράγματα εἰς τοὐναντίον. λέγει δὲ ἀρχόμενος,
μῆνιν ἄειδε, θεά, Πηληιάδεω Ἀχιλῆος
οὐλομένην, ἣ μυρί´ Ἀχαιοῖς ἄλγε´ ἔθηκε,
πολλὰς δ´ ἰφθίμους ψυχὰς ἄϊδι προΐαψεν
ἡρώων· αὐτοὺς δὲ ἑλώρια τεῦχε κύνεσσιν
οἰωνοῖσί τε πᾶσι· Διὸς δ´ ἐτελείετο βουλή.
(36) ἐνταῦθά φησι περὶ μόνης ἐρεῖν τῆς τοῦ Ἀχιλλέως μήνιδος καὶ τὰς
συμφορὰς καὶ τὸν ὄλεθρον τῶν Ἀχαιῶν, ὅτι πολλὰ καὶ δεινὰ ἔπαθον
καὶ πολλοὶ ἀπώλοντο καὶ ἄταφοι ἔμειναν, ὡς ταῦτα μέγιστα τῶν
γενομένων καὶ ἄξια τῆς ποιήσεως, καὶ τὴν τοῦ Διὸς βουλὴν ἐν
τούτοις φησὶ τελεσθῆναι, ὥσπερ οὖν καὶ συνέβη· τὴν δὲ ὕστερον
μεταβολὴν τῶν πραγμάτων καὶ τὸν τοῦ Ἕκτορος θάνατον, ἃ ἔμελλε
χαριεῖσθαι, οὐ φαίνεται ὑποθέμενος, οὐδὲ ὅτι ὕστερον ἑάλω τὸ
Ἴλιον· ἴσως γὰρ οὐκ ἦν πω βεβουλευμένος ἀναστρέφειν ἅπαντα.
(37) ἔπειτα βουλόμενος τὴν αἰτίαν εἰπεῖν τῶν κακῶν, ἀφεὶς τὸν Ἀλέξανδρον
καὶ τὴν Ἑλένην περὶ Χρύσου φλυαρεῖ καὶ τῆς ἐκείνου θυγατρός.
ἐγὼ οὖν ὡς ἐπυθόμην παρὰ τῶν ἐν Αἰγύπτῳ ἱερέων ἑνὸς εὖ
μάλα γέροντος ἐν τῇ Ὀνούφι, ἄλλα τε πολλὰ τῶν Ἑλλήνων καταγελῶντος ὡς
οὐθὲν εἰδότων ἀληθὲς περὶ τῶν πλείστων, καὶ μάλιστα
δὴ τεκμηρίῳ τούτῳ χρωμένου ὅτι Τροίαν τέ εἰσι πεπεισμένοι ὡς
ἁλοῦσαν ὑπὸ Ἀγαμέμνονος καὶ ὅτι Ἑλένη συνοικοῦσα Μενελάῳ
ἠράσθη Ἀλεξάνδρου· καὶ ταῦτα οὕτως ἄγαν πεπεισμένοι εἰσὶν ὑφ´
ἑνὸς ἀνδρὸς ἐξαπατηθέντες ὥστε καὶ ὀμόσαι ἕκαστος.
(38) ἔφη δὲ πᾶσαν τὴν πρότερον ἱστορίαν γεγράφθαι παρ´ αὐτοῖς, τὴν μὲν
ἐν τοῖς ἱεροῖς, τὴν δ´ ἐν στήλαις τισί, τὰ δὲ μνημονεύεσθαι μόνον
ὑπ´ ὀλίγων, τῶν στηλῶν διαφθαρεισῶν, πολλὰ δὲ καὶ ἀγνοεῖσθαι
τῶν ἐν ταῖς στήλαις γεγραμμένων διὰ τὴν ἀμαθίαν τε καὶ ἀμέλειαν
τῶν ἐπιγιγνομένων· εἶναι δὲ καὶ ταῦτα ἐν τοῖς νεωτάτοις τὰ περὶ
τὴν Τροίαν· τὸν γὰρ Μενέλαον ἀφικέσθαι παρ´ αὐτοὺς καὶ διηγήσασθαι
ἅπαντα ὡς ἐγένετο.
(39) δεομένου δέ μου διηγήσασθαι,
τὸ μὲν πρῶτον οὐκ ἐβούλετο, λέγων ὅτι ἀλαζόνες εἰσὶν οἱ Ἕλληνες
καὶ ἀμαθέστατοι ὄντες πολυμαθεστάτους ἑαυτοὺς νομίζουσι· τούτου
δὲ μηθὲν εἶναι νόσημα χαλεπώτερον μήτε ἑνὶ μήτε πολλοῖς ἢ ὅταν
τις ἀμαθὴς ὢν σοφώτατον ἑαυτὸν νομίζῃ. τοὺς γὰρ τοιούτους
τῶν ἀνθρώπων μηδέποτε δύνασθαι τῆς ἀγνοίας ἀπολυθῆναι.
| [11,35] Je me persuade qu'il n'a point étalé ces faits au commencement de son Iliade, parce qu'ils étaient imaginés à plaisir : mais à mesure qu'il publia les premières parties de son poème, il s'aperçut de l'extrême crédulité des hommes ; et les méprisant assez pour les jouer, cherchant à flatter les Grecs et les descendants d'Atrée, il eut la hardiesse de tout brouiller, et d'avancer précisément le contraire de ce qui était réellement arrivé.
En effet il débute ainsi : « Muse raconte moi le courroux fatal d'Achille fils de Pelée, qui fut pour les Grecs la source de tant de maux, et qui causa la mort de tant de grands hommes dont les cadavres restèrent en proie aux chiens et aux oiseaux. Tel devait être l'accomplissement des volontés de Jupiter. 36 Par-là Homère annonce qu'il parlera seulement du courroux d'Achille et des maux infinis qu'il causa aux Grecs, dont un si grand nombre périt et demeura sans sépulture. Il semble que ce fût là le fait le plus important, le sujet propre du poème, l'accomplissement parfait des décrets de Jupiter, comme le dit le poète, et comme cela fut effectivement. Il n'annonce rien alors touchant la dernière face que prissent les choses, la mort d'Hector, ni enfin la ruine de Troie ; parce que peut-être il ne s'était pas tout d'abord proposé de renverser la vérité de tous les faits ; et par cette même raison ; 37 lorsqu'il veut remonter aux causes des malheurs qu'il va décrire, il ne cite ni Paris ni Hélène, mais il s'amuse à parler de Chrysès et de sa fille.
Pour moi voici ce que j'ai appris d'un prêtre égyptien de la ville d'Onuphis. Il était très-savant, et se moquait fort des Grecs, qu'il regardait comme des peuples qui ne savaient presque rien de vrai. La principale preuve qu'il en donnait, était qu'ils croyaient que Troie avait été prise par Agamemnon, qu'Hélène femme de Ménélas avait été éprise de Pâris : faits qu'ils ne tenaient que d'un seul homme qui leur en avait imposé, et dont ils étaient cependant si persuadés, que chacun d'eux était prêt d'en assurer la vérité par serment. 38 Il ajoutait que toute l'Histoire ancienne était conservée parmi les Egyptiens, ou dans les temples, ou sur des colonnes; que la plupart de ces colonnes ayant été détruites, les faits qui y étaient gravés se conservaient dans la mémoire d'un petit nombre de personnes que plusieurs de ces anciens faits étaient devenus suspects par l'ignorance ou la négligence de ceux qui en avaient perpétué la tradition : mais que les événements de l'histoire de Troie étaient regardés parmi eux comme des événements modernes, et qu'ils les tenaient de la bouche de Ménélas même qui avait abordé chez eux, et les leur avait racontés tels qu'ils étaient.
39 Comme je le priais de m'en instruire, il refusa d'abord de le faire, alléguant que les Grecs étaient pleins de vanité ; et que, quoiqu'ils fussent très ignorants, ils pensaient être les plus habiles du monde : que se croire très savant lorsqu'on ne savait absolument rien, était la maladie la plus difficile à guérir, tant dans un peuple, que dans un particulier ; et qu'il était presque impossible de tirer de pareilles gens de leur ignorance.
|