[11,25] τοῦτο δὲ ἰδεῖν ἔστι καὶ ἐν τοῖς δικαστηρίοις καὶ παρ´ ἄλλοις
γιγνόμενον, οἳ μετὰ τέχνης ψεύδονται. οἱ δὲ βουλόμενοι τὰ γενόμενα
ἐπιδεῖξαι, ὡς ξυνέβη ἕκαστον, οὕτως ἀπαγγέλλουσι, τὸ πρῶτον
πρῶτον καὶ τὸ δεύτερον δεύτερον καὶ τἄλλα ἐφεξῆς ὁμοίως. ἓν
μὲν τοῦτο αἴτιον τοῦ μὴ κατὰ φύσιν ἄρξασθαι τῆς ποιήσεως·
ἕτερον δέ, ὅτι τὴν ἀρχὴν αὐτῆς καὶ τὸ τέλος μάλιστα ἐπεβούλευσεν
(26) ἀφανίσαι καὶ ποιῆσαι τὴν ἐναντίαν δόξαν ὑπὲρ αὐτῶν.
ὅθεν οὔτε τὴν ἀρχὴν οὔτε τὸ τέλος ἐτόλμησεν εἰπεῖν ἐκ τοῦ εὐθέος, οὐδὲ
ὑπέσχετο ὑπὲρ τούτων οὐδὲν ἐρεῖν, ἀλλ´ εἴ που καὶ μέμνηται,
παρέργως καὶ βραχέως, καὶ δῆλός ἐστιν ἐπιταράττων· οὐ γὰρ
ἐθάρρει πρὸς αὐτὰ οὐδὲ ἐδύνατο εἰπεῖν ἑτοίμως. συμβαίνει δὲ
καὶ τοῦτο τοῖς ψευδομένοις ὡς τὸ πολύ γε, ἄλλα μέν τινα λέγειν
τοῦ πράγματος καὶ διατρίβειν ἐπ´ αὐτοῖς, ὃ δ´ ἂν μάλιστα κρύψαι
θέλωσιν, οὐ προτιθέμενοι λέγουσιν οὐδὲ προσέχοντι τῷ ἀκροατῇ,
οὐδ´ ἐν τῇ αὑτοῦ χώρᾳ τιθέντες, ἀλλ´ ὡς ἂν λάθοι μάλιστα,
καὶ διὰ τοῦτο καὶ ὅτι αἰσχύνεσθαι ποιεῖ τὸ ψεῦδος καὶ ἀποκνεῖν
(27) προσιέναι πρὸς αὑτό, ἄλλως τε ὅταν ᾖ περὶ τῶν μεγίστων. ὅθεν
οὐδὲ τῇ φωνῇ μέγα λέγουσιν οἱ ψευδόμενοι, ὅταν ἐπὶ τοῦτο ἔλθωσιν· οἱ δέ τινες
αὐτῶν βατταρίζουσι καὶ ἀσαφῶς λέγουσιν· οἱ
δὲ οὐχ ὡς αὐτοί τι εἰδότες, ἀλλ´ ὡς ἑτέρων ἀκούσαντες. ὃς δ´ ἂν
ἀληθὲς λέγῃ τι, θαρρῶν καὶ οὐδὲν ὑποστελλόμενος λέγει. οὔτε
οὖν τὰ περὶ τὴν ἁρπαγὴν τῆς Ἑλένης Ὅμηρος εἴρηκεν ἐκ τοῦ εὐθέος οὐδὲ
παρρησίαν ἄγων ἐπ´ αὐτοῖς οὔτε τὰ περὶ τῆς ἁλώσεως
τῆς πόλεως. καίτοι γάρ, ὡς ἔφην, ἀνδρειότατος ὢν ὑποκατεκλίνετο
καὶ ἡττᾶτο, ὅτι ᾔδει τἀναντία λέγων τοῖς οὖσι καὶ τὸ κεφάλαιον
αὐτὸ τοῦ πράγματος ψευδόμενος.
(28) ἢ πόθεν μᾶλλον ἄρξασθαι ἔπρεπεν ἢ ἀπ´ αὐτοῦ τοῦ ἀδικήματος
καὶ τῆς ὕβρεως τοῦ Ἀλεξάνδρου, δι´ ἣν συνέστη ὁ πόλεμος, ἐπειδὴ συνωργίζοντο
ἂν πάντες οἱ τῇ ποιήσει ἐντυγχάνοντες καὶ συνεφιλονίκουν ὑπὲρ τοῦ τέλους
καὶ μηδεὶς ἠλέει τοὺς Τρῶας ἐφ´ οἷς ἔπασχον· {οὕτω γὰρ εὐνούστερον
(29) καὶ προθυμότερον ἕξειν ἔμελλε τὸν ἀκροατήν.} εἰ δ´ αὖ ἐβούλετο τὰ
μέγιστα καὶ φοβερώτατα εἰπεῖν καὶ πάθη παντοδαπὰ καὶ συμφοράς, ἔτι δὲ ὃ
πάντων μάλιστα ἕκαστος ἐπόθει ἀκοῦσαι, τί μεῖζον
ἢ δεινότερον εἶχεν εἰπεῖν τῆς ἁλώσεως; οὔτε ἀνθρώπους πλείους
ἀποθνήσκοντας οὐδὲ οἰκτρότερον τοὺς μὲν ἐπὶ τοὺς βωμοὺς τῶν
θεῶν καταφεύγοντας, τοὺς δὲ ἀμυνομένους ὑπὲρ τῶν τέκνων καὶ
τῶν γυναικῶν, οὔτε γυναῖκας ἢ παρθένους {ἄλλοτε} ἀγομένας {βασιλίδας} ἐπὶ
δουλείᾳ τε καὶ αἰσχύνῃ, τὰς μὲν ἀνδρῶν, τὰς δὲ πατέρων,
τὰς δὲ ἀδελφῶν ἀποσπωμένας, τὰς δέ τινας αὐτῶν τῶν ἀγαλμάτων,
ὁρώσας μὲν τοὺς φιλτάτους {ἄνδρας} ἐν φόνῳ κειμένους καὶ μὴ δυναμένας
ἀσπάσασθαι μηδὲ καθελεῖν τοὺς ὀφθαλμούς,
| [11,25] On peut apercevoir cette ruse dans les affaires judiciaires, et dans les autres occasions où il s'agit de mentir avec art. Ceux au contraire qui veulent rapporter les faits tels qu'ils sont, les racontent dans l'ordre où ils sont arrivés commençant par les premiers, partant ensuite aux seconds, et de là aux suivants. Voilà donc la première raison pour laquelle Homère n'a pas commencé ses poèmes selon l'ordre naturel.
La seconde raison c'est que son but principal était de cacher la vraie origine et le succès réel de la guerre de Troie, 26 et d'en donner une idée toute contraire à celle qu'on en doit avoir. C'est pour cela qu'il n'a osé développer tout d'un coup, ni annoncer son système. S'il en dit quelque chose, ce n'est qu'en passant, en peu de mots, et avec un désordre visible. Il n'a pu affecter de confiance en cette occasion, et îl n'y avait pas moyen qu'il s'expliquât avec méthode. Tout; cela arrive d'ordinaire à ceux qui veulent en imposer. Occupés du soin de masquer leur but, ils racontent quantité de choses étrangères à leur sujet, et s'y arrêtent ; ils ne préparent jamais leurs auditeurs à ce qu'ils vont dire ; ils se dérobent à leur attention ; ils ne mettent rien en sa place : il semble qu'ils se cachent et pour mieux tromper, et parce qu'ils ont honte du mensonge, auquel 27 on ne se livre jamais qu'avec répugnance, surtout lorsqu'il s'agit de choses graves. Aussi ceux qui mentent n'osent-ils proférer leurs mensonges d'une voix haute : les uns balbutient, et ne s'expriment pas d'une façon positive ; les autres allèguent qu'ils ne savent point par eux-mêmes les faits qu'ils rapportent, et qu'ils les ont appris d'autrui. Quiconque parle avec vérité s'explique hardiment et sans détour.
Homère n'a parlé ni dès l'abord, ni avec assurance, de l'enlèvement d'Hélène et de la prise de Troie. Sa hardiesse n'a pu tenir ; elle l'a abandonné, quelque grande que j'aie dit qu'elle était. C'est qu'il savait que ce qu'il disait était contraire à la vérité, et qu'il déguisait les événements capitaux. 28 Car par où convenait-il mieux qu'il commençât son récit, que par le crime et la violence de Pâris, sources de toute la guerre ? On n'aurait pu lire ses poèmes., sans partager la colère des Grecs, et leur ardeur de se venger, et personne n'aurait été touché des maux des Troyens. 29 Par-là Homère se serait fait écouter avec plus d'empressement et de plaisir.
Que s'il cherchait à raconter de grands événements, d'affreux malheurs, des infortunes de toute espèce ; quel objet plus piquant pour la curiosité, quel événement plus intéressant et plus terrible aurait-il pu peindre que la prise même de Troie ? Que de sang versé, de morts funestes, d'hommes massacrés, les uns aux pieds des autels où ils avaient cru trouver un asile, les autres en voulant défendre leurs femmes et leurs enfants ! Que d'épouses, que de vierges enlevées ! Que de princesses réservées pour la honte et l'esclavage, arrachées des bras de leurs pères, de leurs frères, de leurs maris, des statues mêmes de leurs Dieux, après avoir vu leurs époux chéris ensevelis sous les morts, sans pouvoir leur faire les derniers adieux, ni leur fermer la paupière ;
|