[11,145] τὸ γὰρ πιστεύεσθαι πολὺν χρόνον ὑπὸ ἀνθρώπων
ἠλιθίων οὐδέν ἐστιν ἰσχυρὸν οὐδὲ ὅτι τὰ ψευδῆ ἐλέχθη παρὰ
τοῖς πρότερον· ἐπεί τοι καὶ περὶ ἄλλων πολλῶν διαφέρονται καὶ
τἀναντία δοξάζουσιν. οἷον εὐθὺς περὶ τοῦ Περσικοῦ πολέμου, οἱ
μέν φασιν ὑστέραν γενέσθαι τὴν περὶ Σαλαμῖνα ναυμαχίαν τῆς ἐν
Πλαταιαῖς μάχης, οἱ δὲ τῶν ἔργων τελευταῖον εἶναι τὸ ἐν Πλαταιαῖς·
(146) καίτοι γε ἐγράφη παραχρῆμα τῶν ἔργων. οὐ γὰρ ἴσασιν
οἱ πολλοὶ τὸ ἀκριβές, ἀλλὰ φήμης ἀκούουσι μόνον, καὶ ταῦτα οἱ
γενόμενοι κατὰ τὸν χρόνον ἐκεῖνον· οἱ δὲ δεύτεροι καὶ τρίτοι τελέως
ἄπειροι καὶ ὅ,τι ἂν εἴπῃ τις παραδέχονται ῥᾳδίως· ὁπότε τὸν
Σκιρίτην μὲν λόχον ὀνομάζουσι Λακεδαιμονίων μηδεπώποτε γενόμενον, ὥς
φησι Θουκυδίδης, Ἁρμόδιον δὲ καὶ Ἀριστογείτονα πάντων μάλιστα Ἀθηναῖοι
τιμῶσιν, ὡς ἐλευθερώσαντας τὴν πόλιν
καὶ ἀνελόντας τὸν τύραννον.
(147) καὶ τί δεῖ τἀνθρώπεια λέγειν, ὅπου τὸν μὲν Οὐρανὸν
τολμῶσι λέγειν καὶ πείθουσιν ὡς ἐκτμηθέντα
ὑπὸ τοῦ Κρόνου, τὸν Κρόνον δὲ ὑπὸ τοῦ Διός; τοῦ γὰρ πρώτου
καταλαβόντος, ὥσπερ εἴωθεν, ἄτοπον τὸ πεισθῆναί ἐστι.
βούλομαι δὲ καὶ περὶ Ὁμήρου ἀπολογήσασθαι, ὡς οὐκ ἀνάξιον
ὁμολογεῖν αὐτῷ ψευδομένῳ. πρῶτον μὲν γὰρ πολὺ ἐλάττω τὰ
ψεύσματά ἐστι τῶν περὶ τοὺς θεούς· ἔπειτα ὠφέλειάν τινα εἶχε
τοῖς τότε Ἕλλησιν, ὅπως μὴ θορυβηθῶσιν, ἐὰν γένηται πόλεμος
αὐτοῖς πρὸς τοὺς ἐκ τῆς Ἀσίας, ὥσπερ καὶ προσεδοκᾶτο. ἀνεμέσητον
δὲ Ἕλληνα ὄντα τοὺς ἑαυτοῦ πάντα τρόπον ὠφελεῖν.
(148) τοῦτο δὲ τὸ στρατήγημα παρὰ πολλοῖς ἐστιν. ἐγὼ γοῦν ἀνδρὸς ἤκουσα
Μήδου λέγοντος ὅτι οὐδὲν ὁμολογοῦσιν οἱ Πέρσαι τῶν παρὰ τοῖς
Ἕλλησιν, ἀλλὰ Δαρεῖον μέν φασιν ἐπὶ Νάξον καὶ Ἐρέτριαν πέμψαι
τοὺς περὶ Δᾶτιν καὶ Ἀρταφέρνην, κἀκείνους ἑλόντας τὰς πόλεις
ἀφικέσθαι παρὰ βασιλέα. ὁρμούντων δὲ αὐτῶν περὶ τὴν Εὔβοιαν
ὀλίγας ναῦς ἀποσκεδασθῆναι πρὸς τὴν Ἀττικήν, οὐ πλείους τῶν
εἴκοσι, καὶ γενέσθαι τινὰ μάχην τοῖς ναύταις πρὸς τοὺς αὐτόθεν
ἐκ τοῦ τόπου.
(149) μετὰ δὲ ταῦτα Ξέρξην ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα στρατεύσαντα
Λακεδαιμονίους μὲν νικῆσαι περὶ Θερμοπύλας καὶ τὸν βασιλέα αὐτῶν
ἀποκτεῖναι Λεωνίδην, τὴν δὲ τῶν Ἀθηναίων πόλιν
ἑλόντα κατασκάψαι, καὶ ὅσοι μὴ διέφυγον ἀνδραποδίσασθαι. ταῦτα
δὲ ποιήσαντα καὶ φόρους ἐπιθέντα τοῖς Ἕλλησιν εἰς τὴν Ἀσίαν
ἀπελθεῖν. ὅτι μὲν οὖν ψευδῆ ταῦτά ἐστιν οὐκ ἄδηλον, ὅτι δὲ
εἰκὸς ἦν τὸν βασιλέα κελεῦσαι στρατεῦσαι τοῖς ἄνω ἔθνεσιν οὐκ
ἀδύνατον, ἵνα μὴ θορυβῶσιν. εἰ δὴ καὶ Ὅμηρος ἐποίει τοῦτο,
συγγιγνώσκειν ἄξιον.
| [11,145] Une opinion n'acquiert aucun degré de force de plus, pour avoir été pendant longtemps adoptée par des gens sans discernement. Les mensonges ne tirent aucun avantage de leur ancienneté. Ce n'est pas d'ailleurs sur les seuls faits; dont j'ai parlé que les hommes ne sont pas d'accord ; ils se contredisent sur quantité d'autres et sur la guerre de Perse, par exemple : les uns disent que le combat naval de Salamine fut postérieur à la bataille de Platée, les autres soutiennent que la bataille de Platée fut la dernière opération de cette guerre ; 146 et cependant ces choses ont été écrites immédiatement après l'événement. Tant il y a peu de gens bien instruits, tant il est ordinaire de s'en rapporter aux bruits publics. Je parle des écrivains contemporains. Ceux qui viennent après, et plus tard encore, ne savent absolument rien, et reçoivent avidement tout de qu'ils entendent dire, comme lorsqu'ils donnent le nom de Scyrites à un corps de troupes Lacédémoniennes ; ce que n'a jamais fait Thucydide. Les Athéniens rendent les plus grands honneurs à Harmodius et a Aristogiton, comme ayant tué le tyran, et rendu la liberté à leur ville. 147 Mais pourquoi citer ici des faits passés parmi les hommes ? Ne croit-on pas, n'a-t-on pas la hardiesse de dire, qu'Uranus fut indignement traité par Saturne, et Saturne ensuite par Jupiter? Le premier de ces faits une fois admis, comme c*est l'ordinaire, il serait hors de place de ne pas ajouter foi au second.
Mais je veux justifier Homère, et faire voir que ses fables méritaient bien d'être répétées. En premier lieu, elles ne sont guère plus incroyables que celles qu'on débite sur les Dieux. En second lieu, elles avaient un but utile aux Grecs de son siècle ; c'était de les empêcher de redouter les peuples d'Asie, si ceux-ci leur faisaient la guerre, comme on le prévoyait. 148 On ne peut sans doute trouver mauvais qu'Homère qui était Grec, ait cherché toutes les voies possibles de servir ses compatriotes. Bien d'autres ont mis en usage des moyens semblables. Pour moi, j'ai ouï dire à un Mède que les Perses ne conviennent de rien de tout ce que disent les Grecs sur les guerres qu'ils ont eues contre eux. Les Perses prétendent que Darius envoya les troupes qui étaient sous les ordres de Daris et d''Artapherne, contre Naxos et Erétrie ; qu'après s'en être emparés, ces généraux retournèrent vers leur Maître ; que tandis qu'ils voguaient vers l'Eubée, quelques-uns de leurs vaisseaux, au nombre de vingt au plus, avaient été jetés sur les côtes de l'Attique, et que les matelots avaient eu quelque affaire avec les habitants de ces côtes ; 149 que cependant Xerxès marchant vers la Grèce avec son armée, les Lacédémoniens avaient été vaincus aux Thermopyles, où leur roi Léonidas avait été tué ; que Xerxès avait pris et détruit Athènes ; qu'il avait fait enlever tous ceux que la fuite ne lui avait pas dérobés ; qu'après de si glorieux avantages, et après avoir imposé un tribut sur la Grèce, il était enfin retourné en Asie. Ces faits sont évidemment faux ; mais il n'est pas impossible que le Roi de Perse n'ait lui-même accrédité de pareils bruits dans l'intérieur de ses Etats, pour y contenir les esprits. Si Homère en a tait autant, il est juste qu'on lui pardonne.
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