[11,125] σκοπεῖτε δὲ τἀναντία πῶς ἐστι γελοῖα, ἀφελόντες τὴν δόξαν καὶ
τὸ προκατειλῆφθαι· {κρυφθῆναι μὲν ἐν τῷ ἵππῳ στράτευμα ὅλον, τῶν δὲ Τρώων
μηθένα αἰσθάνεσθαι τοῦτο μηδὲ ὑποπτεῦσαι, καὶ ταῦτα μάντεως οὔσης
παρ´ αὐτοῖς ἀψευδοῦς, ἀλλὰ κομίσαι τοὺς πολεμίους δι´ αὑτῶν
εἰς τὴν πόλιν· πρότερον δὲ ἕνα ἄνδρα πάντων ἡττωμένων ἱκανὸν
γενέσθαι γυμνὸν ἐπιφανέντα τῇ φωνῇ τρέψασθαι τοσαύτας μυριάδας, καὶ μετὰ
τοῦτο ὅπλα οὐκ ἔχοντα, ἐκ τοῦ οὐρανοῦ λαβόντα
νικῆσαι τοὺς μιᾷ πρότερον ἡμέρᾳ κρατοῦντας καὶ διώκειν ἅπαντας
ἕνα ὄντα.
(126) αὐτὸν δὲ ἐκεῖνον τοσοῦτον ὑπερέχοντα ἀποθανεῖν ὑπὸ
τοῦ πάντων κακίστου τὴν ψυχήν, ὡς αὐτοί φασιν, ἄλλου τε ἀποθανόντος ἄλλον
σκυλευθῆναι, μόνῳ δὲ ἐκείνῳ τῶν ἡγεμόνων μὴ
γενέσθαι τάφον. ἄλλον δέ τινα τῶν ἀρίστων τοσαῦτα ἔτη πολεμοῦντα
ὑπὸ μὲν τῶν πολεμίων μηδενὸς ἀποθανεῖν· αὑτὸν δὲ ὀργισθέντα
ἀποσφάξαι, καὶ ταῦτα δοκοῦντα σεμνότατον καὶ πρᾳότατον
εἶναι τῶν συμμάχων.
(127) τὸν δὲ ποιητὴν προθέμενον εἰπεῖν τὸν Τρωικὸν πόλεμον
τὰ κάλλιστα καὶ μέγιστα τῶν γεγονότων
ἐᾶσαι καὶ μηδὲ τὴν ἅλωσιν τῆς πόλεως διελθεῖν. ταῦτα γάρ ἐστιν
ἐν τοῖς πεποιημένοις καὶ λεγομένοις. ὁ μὲν Ἀχιλλεύς, προηττημένων τῶν
Ἀχαιῶν οὐκ εἰς ἅπαξ οὐδὲ τῶν ἄλλων μόνον, ἀλλὰ
καὶ τῆς ἑαυτοῦ στρατιᾶς, μόνος περιγενόμενος καὶ τοσοῦτον τὰ
πράγματα μεταβαλών, αὐτὸς δὲ Ἕκτορα μὲν ἀποκτείνας, ὑπὸ δὲ
Ἀλεξάνδρου ἀποθνῄσκων, ὃς ἦν ὕστατος τῶν Τρώων, ὡς αὐτοὶ
λέγουσι, Πατρόκλου δὲ ἀποθανόντος, σκυλευόμενος ὁ Ἀχιλλεὺς καὶ
τὰ ἐκείνου ληφθέντα ὅπλα, ὁ δὲ Πάτροκλος οὐ ταφείς.
(128) ἐπειδὴ δὲ Αἴαντος ἦν τάφος καὶ πάντες ᾔδεσαν αὐτὸν ἐν Τροίᾳ
τελευτήσαντα, ἵνα δὴ μὴ ποιήσῃ τὸν ἀποκτείναντα ἔνδοξον, αὐτὸς αὑτὸν
ἀνελών. οἱ δὲ Ἀχαιοὶ φεύγοντες μὲν ἐκ τῆς Ἀσίας σιωπῇ καὶ
τὰς σκηνὰς κατακαύσαντες καὶ τὸ ναύσταθμον ἁφθὲν ὑπὸ τοῦ
Ἕκτορος καὶ τὸ τεῖχος αὐτῶν ἑαλωκός, καὶ ἀνάθημα ἀναθέντες τῇ
Ἀθηνᾷ καὶ ἐπιγράψαντες, ὡς ἔθος ἐστὶ τοὺς ἡττημένους, οὐδὲν
δὲ ἧττον τὴν Τροίαν ἑλόντες, ἐν δὲ τῷ ἵππῳ τῷ ξυλίνῳ στράτευμα ἀνθρώπων
ἀποκρυφθέν. οἱ δὲ Τρῶες ὑποπτεύσαντες μὲν
τὸ πρᾶγμα καὶ βουλευσάμενοι κατακαῦσαι τὸν ἵππον ἢ διατεμεῖν,
μηθὲν δὲ τούτων ποιήσαντες, ἀλλὰ πίνοντες καὶ καθεύδοντες, καὶ
ταῦτα προειπούσης αὐτοῖς τῆς Κασσάνδρας.
(129) ταῦτα οὐκ ἐνυπνίοις ἐοικότα τῷ ὄντι καὶ ἀπιθάνοις ψεύσμασιν;
ἐν γὰρ τοῖς ὅρῳ γεγραμμένοις ὀνείρασιν οἱ ἄνθρωποι τοιαύτας ὄψεις ὁρῶσι,
νῦν μὲν δοκοῦντες ἀποθνῄσκειν καὶ σκυλεύεσθαι, πάλιν δὲ ἀνίστασθαι καὶ
μάχεσθαι γυμνοὶ ὄντες, ἐνίοτε δὲ οἰόμενοι διώκειν καὶ τοῖς θεοῖς
διαλέγεσθαι καὶ αὑτοὺς ἀποσφάττειν {καὶ} μηδενὸς δεινοῦ ὄντος,
καὶ οὕτως, εἰ τύχοι ποτέ, πέτεσθαι καὶ βαδίζειν ἐπὶ τῆς θαλάττης.
ὥστε καὶ τὴν Ὁμήρου ποίησιν ὀρθῶς ἄν τινα εἰπεῖν ἐνύπνιον,
καὶ τοῦτο ἄκριτον καὶ ἀσαφές.}
| [11,125] Mais mettez à part les préjugés qui vous aveuglent, et voyez combien est ridicule l'opinion contraire, à celle que je viens de rapporter.
Ne l'est-il pas qu'une armée entière se soit cachée dans le ventre d'un cheval ? Que les Troyens, loin de s'en apercevoir ou de le soupçonner, quoiqu'ils eussent parmi eux un excellent Devin, aient eux-mêmes transporté leurs ennemis dans leur Ville ? Qu'auparavant, toute une armée étant défaite, un seul homme sans armes ait été capable, par le seul son de sa voix, de mettre en fuite des milliers de soldats vainqueurs ? Qu'après qu'il eut reçu du ciel les armes qui lui manquaient, il ait défait et poursuivi seul toute une armée, qui la veille était victorieuse ? 126 Que cet homme si supérieur à tous, ait été tué par le plus lâche des mortels, comme les Grecs le disent eux-mêmes ? Qu'un des chefs ayant été tué, on ait pris sur lui les dépouilles d'un autre, et que ce chef ait été le seul qui n'ait point eu son tombeau ? Qu'un autre chef des plus vaillants, après avoir combattu bien des années, n'ait point été tué par l'ennemi, mais se soit tué lui-même dans un accès de fureur, lui qui passait pour le plus doux, le plus modéré de l'armée ? 127 Qu'enfin un poète qui s'est proposé d'écrire la guerre de Troie ait oublié les plus beaux et les plus grands événements, et n^ait pas même décrit la prise de cette Ville ? Or ce qu'a fait, ce qu'a dit Homère, mérite évidemment ces reproches.
En effet, il dit qu'Achille, tous les Grecs ayant été vaincus plus d'une fois, ses propres troupes même ayant aussi été défaites, se présenta seul, et vint seul à bout de faire changer la vict?ire ; que ce même Achille, après avoir tué Hector, fut tué par Pâris le plus lâche des Troyens de leur propre aveu, que quand Patrocle fut tué, ce furent ses armes et les dépouilles d'Achille qu'on lui enleva, et qu'on ne creusa point de tombeau pour Patrocle. 128 Tout le monde savait qu'Ajax était mort devant Troie, et l'on connaissait son tombeau : mais Homère, ne voulant pas faire honneur aux Troyens de la mort d'Ajax, suppose qu'il se tua lui-même. L.es Grecs, après avoir vu leur camp et leurs navires brûlés par Hector, leur mur forcé, sont contraints de consacrer un monument à Minerve avec une inscription qui atteste leur défaite, se sauvent de l'Asie à la dérobée ; mais ils ne laissent pas de prendre Troie dans Homère : leur armée se cache dans les flancs d'un cheval de bois, les Troyens soupçonnent la ruse, et délibèrent s'ils brûleront ce cheval, ou s'ils le mettront en pièces : puis ils ne font ni l'un ni l'autre ; ils se livrent au vin et au sommeil, et cela malgré tout ce que leur prédit Cassandre. 129 outes ces choses ne ressemblent-elles pas aux songes, aux fables les plus incroyables ?
Dans les songes écrits par Orus, les hommes ont de pareilles visions. Ils s'imaginent tantôt être tués et dépouillés, tantôt ressusciter et combattre sans armes, tantôt poursuivre quelqu'un, parler aux Dieux, se tuer sans sujet, et après tout cela se promener sur la mer. Ainsi l'on pourrait à juste titre nommer les poèmes d'Homère une sorte de rêves, et de rêves très-extravagants et très-confus.
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