[11,85] —ταῦτα γὰρ οὐ βουλόμενος εἰπεῖν οὕτως ἐναργῶς, ὅμως ἐπεὶ ἀληθῆ ἦν,
ἀρξάμενος αὐτῶν οὐ δύναται ἀποστῆναι—τήν τε νύκτα ἐκείνην τὴν
χαλεπὴν καὶ τὴν ἐν τῷ στρατοπέδῳ κατήφειαν καὶ τὴν τοῦ Ἀγαμέμνονος
ἔκπληξιν καὶ τὰς οἰμωγάς, ἔτι δὲ τὴν νυκτερινὴν ἐκκλησίαν βουλευομένων ὅπως
φύγοιεν, καὶ τὰς δεήσεις τὰς τοῦ
Ἀχιλλέως, εἴ τι δύναιτο ἐκεῖνος ἄρα ὠφελῆσαι.
(86) τῇ δ´ ὑστεραίᾳ τῷ μὲν Ἀγμέμνονι χαρίζεταί τινα ἀριστείαν ἀνόνητον
καὶ τῷ Διομήδει καὶ τῷ Ὀδυσσεῖ {καὶ Εὐρυπύλῳ}, καὶ τὸν Αἴαντά φησι
μάχεσθαι προθύμως, εὐθὺς δὲ τοὺς Τρῶας ἐπικρατῆσαι καὶ τὸν
Ἕκτορα ἐλαύνειν ἐπὶ τὸ τεῖχος τῶν Ἀχαιῶν καὶ τὰς ναῦς. καὶ
ταῦτα μὲν λέγων δῆλός ἐστιν ὅτι ἀληθῆ λέγει καὶ τὰ γενόμενα ὑπ´
αὐτῶν τῶν πραγμάτων προαγόμενος· ὅταν δὲ αὔξῃ τοὺς Ἀχαιούς,
πολλῆς ἀπορίας μεστός ἐστι καὶ πᾶσι φανερὸς ὅτι ψεύδεται· τὸν
μὲν Αἴαντα δὶς κρατῆσαι τοῦ Ἕκτορος μάτην, ὁτὲ μὲν τῇ μονομαχίᾳ, πάλιν δὲ τῷ
λίθῳ, τὸν δὲ Διομήδην τοῦ Αἰνείου, μηδὲ
τούτου μηδὲν πράξαντος, ἀλλὰ τοὺς ἵππους μόνον λαβόντος, ὅπερ
ἦν ἀνεξέλεγκτον.
(87) οὐκ ἔχων δὲ ὅ,τι αὐτοῖς χαρίσηται τὸν Ἄρην καὶ τὴν Ἀφροδίτην
φησὶ τρωθῆναι ὑπὸ τοῦ Διομήδους. ἐν οἷς ἅπασι
δῆλός ἐστιν εὔνους μὲν ὢν ἐκείνοις καὶ βουλόμενος αὐτοὺς θαυμάζειν, οὐκ ἔχων
δὲ ὅ,τι εἴπῃ ἀληθές, διὰ τὴν ἀπορίαν εἰς ἀδύνατα
ἐμπίπτων καὶ ἀσεβῆ πράγματα, ὃ πάσχουσιν ὡς τὸ πολὺ πάντες
ὅσοι τῇ ἀληθείᾳ μάχονται.
(88) ἀλλ´ οὐ περὶ τοῦ Ἕκτορος ὁμοίως ἀπορεῖ ὅ,τι εἴπῃ
μέγα καὶ θαυμαστόν, ὥς γε οἶμαι τὰ γενόμενα διηγούμενος·
ἀλλὰ φεύγοντας μὲν προτροπάδην ἅπαντας καὶ κατ´ ὄνομα
τοὺς ἀρίστους, ὅταν φῇ μήτε Ἰδομενέα μένειν μήτε Ἀγαμέμνονα
μήτε τοὺς δύο Αἴαντας, ἀλλὰ Νέστορα μόνον ὑπ´ ἀνάγκης,
καὶ τοῦτον ἁλῶναι παρ´ ὀλίγον· ἐπιβοηθήσαντα δὲ τὸν Διομήδην
καὶ πρὸς ὀλίγον θρασυνόμενον, ἔπειτα εὐθὺς ἀποστραφέντα φεύγειν,
ὡς κεραυνῶν δῆθεν εἰργόντων αὐτόν·
(89) τέλος δὲ τὴν τάφρον διαβαινομένην καὶ τὸ ναύσταθμον πολιορκούμενον
καὶ ῥηγνυμένας ὑπὸ τοῦ Ἕκτορος τὰς πύλας καὶ τοὺς Ἀχαιοὺς εἰς τὰς ναῦς ἤδη
κατειλημένους καὶ περὶ τὰς σκηνὰς πάντα τὸν πόλεμον καὶ τὸν
Αἴαντα ἄνωθεν μαχόμενον ἀπὸ τῶν νεῶν καὶ τέλος ἐκβληθέντα
ὑπὸ τοῦ Ἕκτορος καὶ ἀναχωρήσαντα καὶ τῶν νεῶν τινας ἐμπρησθείσας.
| [11,85] Homère n'a pas voulu insister sur ces faits ; mais comme ils étaient vrais, et que le cours de son récit l'engageait d'en parler, il n'a pu les dissimuler : non plus que cette nuit terrible, cette affreuse consternation de l'armée des Grecs, cette frayeur d'Agamemnon même, ces lamentations, ce conseil tenu de nuit pour délibérer sur les moyens de s'enfuir, ces prières qu'on fait à Achille pour implorer son secours. 86 Le lendemain il prête une folle valeur à Agamemnon, à Diomède, à Ulysse, à Eurypile. Il dit qu'Ajax engage le combat avec ardeur : mais tout-à-coup il ajoute que les Troyens ont le dessus, et qu'Hector pousse les Grecs jusqu'à leur mur et à leurs navires. Quand il raconte ces choses, il est évident qu'il les rapporte de la manière qu'elles se sont passées, conduit par le fil des choses mêmes. Mais quand il veut élever les Grecs, la matière lui manque, et chacun s'aperçoit qu'il ne débite que des fables.
Il dit qu'Ajax vainquit deux fois Hector, d'abord l'épée à la main, ensuite à coups de pierre, sans tirer de ce double combat le moindre avantage ; que Diomède vainquit Enée, et ne tira d'autre fruit de sa victoire que d'enlever des chevaux. 87 Enfin Homère pour donner moins de prise aux contradicteurs, et ne sachant qu'alléguer en faveur des Grecs, fait blesser Vénus et Mars par Diomède. Dans tout cela on voit clairement qu'Homère est porté pour les Grecs ; qu'il cherche a raconter d'eux des choses merveilleuses ; et que n'ayant rien de vrai à dire en ce genre, il se jette dans des récits où la vraisemblance et les Dieux sont également blessés : extrémités où sont réduits d'ordinaire ceux qui combattent la vérité.
88 Il n'est pas dans le même embarras quand il veut raconter d'Hector de grandes et d'admirables actions ; sans doute parce qu'il n'a qu'à raconter les événements tels qu'ils ont été. C'est ce qu'il sait lorsqu'il peint les Grecs, et nommément les plus vaillants, fuyant à qui mieux mieux devant Hector : lorsqu'il dit que ni Idoménée, ni Agamemnon, ni les deux Ajax n'osent l'attendre ; qu'il n'y a que Nestor qui demeure, parce qu'il ne peut fuir, et que peu s'en faut qu'il ne soit pris ; que Diomède qui vient à son secours, et qui d'abord paraît plein d'audace, est bientôt obligé de prendre la fuite, comme s'il était menacé de la foudre ; 89 qu'enfin Hector franchit le fossé des grecs, attaque le lieu où est leur flotte, brise les portes de leur camp, les contraint de se jeter dans leurs navires, les réduit à borner leurs efforts à la défense de leurs tentes ; qu'Ajax lui-même, combattant du haut des vaisseaux, est obligé par Hector de reculer et de quitter le combat, et qu'une partie de la flotte est livrée aux flammes.
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